Chapitre 70 : Monstre

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La pièce était sombre, tout comme les heures qui s'écoulaient sans que je ne puisse même m'en rendre compte. J'étais dans un océan délirant de pénombre. J'avais l'impression que je n'avais plus la possibilité de réfléchir, le manque de lumière m'assommait et je devais probablement dormir plus de 12 heures par jour. La seule chose qui me permettait de ne pas perdre le fil était le moment des repas et encore, je ne distinguais plus le déjeuner du diner, si comptait que j'avais plus d'un repas par jour et la vitesse à laquelle les bougies se consommaient sur ma table de chevet.

Bien que raisonner était devenu difficile, je n'arrêtais pas de revivre tout ce qui m'était arrivé depuis que j'étais entrée dans le Bataillon, ma rencontre avec tout le monde, mes retrouvailles avec Sasha, les premiers mots, peu romantiques que j'avais échangé avec Levi et le moment où j'avais accepté de rester. Tout ça était terminé, je n'allais peut-être jamais pouvoir revivre le bonheur d'entrer dans le mess et de voir tout le monde me faire signe, de monter et de trouver les lettres d'Erika et des autres filles dans ma boîte postale, de voir Sasha tous les jours.

À tourner en rond dans cette minuscule pièce, chacune de mes pensées était douloureuse. Ce que j'avais fait, ce que je n'avais jamais fait. Au fond de moi, je savais que cette mission n'aboutirait jamais, et surtout, étant en première ligne, j'étais sûre de ne jamais en voir la fin. Je m'étais bercé de doux mensonge depuis le début, j'étais une menteuse et la première personne à qui je mentais constamment : c'était moi même.

La situation avait été désespérée depuis le début, j'avais foncé droit dans la gueule du loup, j'en étais consciente alors pourquoi je l'avais fait ? Mon ego ? Ma fierté ? Tout ça dissimulé derrière de belles paroles. Qu'allait-il se passer à présent ? Un procès ? Que devais-je leur dire ?

C'était peut-être le moment pour moi, d'empêcher Levi d'avoir le moindre regret.

Je lui devais peut-être ça. Les laisser m'accuser sans vergogne pour qu'il s'extirpe de toute culpabilité.

Je restais assise sur le lit avec la seule chose qui se trouvait sur ma table de chevet : un livre relatant l'histoire des murs. Ininteressant au possible, mais c'est tout ce que j'avais sous la main. Même ça ne me permettait pas de me vider la tête, puisque ces histoires de titans et de destruction de l'humanité me rappelaient le Bataillon d'Exploration. Ils étaient partout.

Des voix venues du couloir captèrent mon attention et quelques secondes après le verrou de la porte en chêne grinçait.

J'étais beaucoup trop choquée pour réagir lorsque je vis Lisa entrer dans la pièce. C'était Alex qui l'avait mené jusqu'ici. Sans dire un mot, il referma la porte et resta avec nous, devant la porte sûrement pour surveiller notre conversation. Il me lança un regard furtif, gêné.

Lisa s'assit sur la seule chaise de la pièce dans son immense robe bouffante violette en inspectant les lieux d'un air dégoûté.

-Ça me rappelle des souvenirs... Commença-t-elle... Ma petite t/p de Dauper....

Je relevais la tête, je ne m'attendais pas à la voir, je ne m'attendais pas à avoir de la visite, je ne savais même pas que j'en avais le droit. Cette vision d'elle en face de moi semblait surréelle, toujours fidèle à elle même elle portait une robe extravagante, ressemblant à une pièce montée de mariage.

-Qu'est-ce qui est arrivé à ta cheville ?

-Rien.

Après avoir répondu de manière concise, je tentais de baisser le tissu de mon pantalon en coton pour dissimuler mon bandage.

-Comment tu as su que j'étais là ?

-Eh bien, les brigades spéciales nous ont gentiment convoqué à Trost.

La Princesse des Rues  - LEVI X READEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant