Chapitre 63 : Nolition

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À genoux sur le plancher éclairé à la lumière de la bougie, j'étais en train de faire ma valise lorsque Sasha entra en trombe dans ma chambre. Je fis un bond de surprise, avec l'un de mes vêtements à la main. Elle me fusilla du regard avant de commencer à me faire part de ses sentiments dans un monologue qui semblaient filer à toute allure dans son esprit : plus que ne pouvait anticiper son cerveau. Ses mots s'entremêlaient et son discours était décousu et c'est avec les deux mains sur son crâne qu'elle fini par me dire :

- Tu devrais arrêter de faire ça... Tu as dit à Hange que maman était souffrante, pourquoi tu as menti ? Elle va très bien !

Elle tentait de maîtriser le volume de sa voix, mais je pouvais sentir qu'elle était agacée et que son envie de me hurler dessus était grande. Comment lui en vouloir de voir rouge, je lui serais rentré dans le lard pour beaucoup moins...

- Je devais trouver une bonne raison de quitter la base pendant mes journées de relâche.

J'expliquais mon mensonge tout en finissant de faire mes bagages. Je comptais voyager léger, hors de question de s'attarder à Utopia. Plus tôt, je partirais, plus tôt, je reviendrais.

La lettre d'Edward m'avait quelque peu affolée, je ne savais pas ce qui se tramait, mais j'étais consciente d'être en danger : je ne pouvais pas rester et risquer de me faire dénoncer, mais en même temps, je ne voulais pas non plus me jeter dans la gueule du loup.

Ceux que je pensais être mes alliés semblaient être devenus mes ennemis et pour ce qui était du Bataillon, même s'il ne s'était pas encore manifesté, je savais qu'il ne se rangerait pas de mon côté. En résumé, j'étais foutue, je n'avais plus qu'à supplier Umberg ou Altberg ou... quel que soit son véritable nom de prolonger sa protection.

- Mais pourquoi tu as menti ?

La voix de ma sœur me sortit de mes pensées, elle tentait de me percer à jour et je détestais ça. J'étais coupable, mille fois coupable, malhonnête et honteusement, je ne voulais pas qu'elle le découvre. Je me tournais vers elle, pendant qu'elle tournait en rond dans ma mini-chambre. Sa queue-de-cheval se balançait de gauche à droite pendant qu'elle me faisait part de son mécontentement. Le plancher craquait sous ses pas déterminés, je ne voulais pas continuer à lui mentir, mais je ne savais pas quoi faire d'autres.

Cela avait été mensonges sur mensonges jusqu'à en oublier la vérité. Et tout ça, avait commencé quand j'étais arrivée dans la Capitale et je ne pouvais cesser.

- Je... Je n'ai rien à te dire.

- T/p !

Elle s'assit à côté de moi et frappa ses paumes contre le plancher avant de m'attraper par les épaules :

- Je sais ce que tu as fait pendant la soirée, j'ai regardé ce qu'il y avait dans ta valise.

Ses mots résonnèrent dans la pièce et précédèrent un silence glacial.

Elle savait ? Elle n'avait rien dit ? Pire, elle n'avait rien fait et s'était prêté au jeu ? Elle avait bu : je l'avais vu ce soir-là, je l'avais servi.

- Je... C'est pour ça que tu as autant traîné dans le dortoir ?

Je ne trouvais rien d'autre à dire pour ma défense.

Sasha, pourquoi ?

- Qu'est-ce que... Ne change pas de sujet ! Je t'ai dit que je ne voulais rien savoir, mais tu te mets en danger, tu nous mets en danger ! Pourquoi ? Ça n'a pas de sens, je pensais que tu aimais le Caporal.

Je restais hébétée en attendant son discours. Évidemment, évidemment que je l'aimais, mais l'amour n'était pas suffisant ; s'il avait été suffisant, je me serais contenté d'accepter et d'abandonner. S'il avait été suffisant, il m'aurait accueilli à bras ouvert au lieu de me pousser constamment dans mes retranchements et de chercher des excuses pour ne plus m'approcher. La complexité de la situation n'était pas favorable au fleurissement des sentiments, cela leur avait même été fatal.

La Princesse des Rues  - LEVI X READEROù les histoires vivent. Découvrez maintenant