GROSSE ET ALORS ? [Tome 1]

4. Vive la famille

― C'est vraiment délicieux, papa.

Il est impossible d'échapper aux repas du soir avec la famille Price. Je découpe un morceau de viande tout en écoutant d'une oreille distraite les conversations autour de moi. Comme toujours, ma soeur raconte sa merveilleuse journée d'une voix calme et assurée. Pourquoi ne peut-elle pas s'empêcher de toujours se mettre en avant et poursuivre son rôle de pétasse ? La journée était particulièrement longue, je n'ai pas la tête à faire semblant.

― Julia et moi sommes chargées de la préparation du spectacle annuel ainsi que la prévention contre le harcèlement scolaire. Ces prochaines semaines vont être longues, mais je suis contente que les choses bougent au sein du lycée.

― Vous faites du très bon travail, les filles.

Comment peut-elle défendre une cause à laquelle elle participe ? En fermant les yeux sur le comportement de sa meilleure amie, elle accepte d'être spectatrice et de devenir elle-même un bourreau. Je ne comprendrais jamais la raison pour laquelle ma grande soeur a retourné sa veste en seulement une année. N'était-elle pas la victime l'an dernier ? Je serre la fourchette dans ma main en fronçant les sourcils.

― C'est important de mettre en avant le harcèlement scolaire et les conséquences.

― Oui par exemple le suicide, marmonné-je.

Tous les regards sont tournés dans ma direction lorsque j'évoque ce sujet. Mes joues s'empourprent cependant je ne quitte pas du regard ma soeur. Nous savons tous de quoi je parle. Mon père tapote son menton avec sa serviette en soupirant tandis qu'Ella propose de la salade.

― Ce n'est pas le moment d'évoquer ce sujet, Maxine.

― Pourquoi pas ? Nous parlons bien du harcèlement scolaire qui conduit souvent par le suicide !

― Max... murmure Sam.

Je lance un regard noir à ma soeur puis m'empresse de quitter la table. La famille Price est soudée sur bien des détails, mais pas celui-ci. Personne ne souhaite l'aborder par crainte de se remémorer ce qui s'est produit. Je m'enferme dans ma chambre en veillant à claquer la porte dans mon dos. Je comprends les raisons pour lesquels c'est encore douloureux pour mon père néanmoins c'est une chose touchant un grand nombre d'adolescents dans le monde.

J'attrape mon casque puis l'active sur mon portable afin de me détendre. La merveilleuse voix du groupe Daughter enveloppe mes oreilles et m'aide à mettre le monde en pause. Je souhaite changer les choses pour aider les autres, mais comment pourrais-je le faire ? J'ouvre mon sac de cours contenant mon carnet puis ouvre la page sur laquelle je travaille depuis le début de la journée. Ce n'est pas en un claquement de doigts que l'idée viendra d'elle-même. J'indique tout de même mon envie de rassembler du monde avec une envie semblable à la mienne.

― Je t'apporte un morceau de mon tiramisu, je sais que tu adores ça.

Ella pénètre dans ma chambre en tenant une petite assiette sur laquelle repose un bout de son délicieux dessert. Ma belle-mère déteste les disputes, mais n'intervient jamais si cela ne la concerne pas directement. C'est un choix que je respecte et que j'apprécie. Elle ne guide jamais les choix de mon père parce que c'est une bonne personne. Peu de belles-mères sont ainsi, nous avons de la chance.

― Merci beaucoup.

― Tu devrais tenter ta chance pour devenir présidente des élèves de Seconde.

― Peu de chance que je sois acceptée.

Ma belle-mère me lance un sourire puis caresse ma joue.

― Il faut que tu aies confiance en toi.