L'Hiver suédois

27. [Niels] et je vivais une vie pleinement intense

Et Otis Redding chantait [https://www.youtube.com/watch?v=UnPMoAb4y8U]

- Non mais il fait trop froid là ! Je refuse de sortir !

Apolonia était sous le porche de notre résidence observant le ciel blanc. IL faisait tellement froid en ce début  de mois de janvier que l'air qui sortait de nos bouches lorsqu'on parlait se transformer en gouttelettes de givre. IL n'avait pas neigé depuis notre retour mais l'épaisse couche qui recouvrait toute la capitale ne fondait pas. 

Mon corps noirci par le soleil de la Caraïbe avait subi un véritable choc thermique deux jours plus tôt quand j'avais foulé deux jours plus tôt le sol suédois. 

- Regarde! - 25 degrés! Comment veux tu qu'une Brésilienne comme moi survive? Apolonia me montrait  de son doigt ganté le thermomètre affiché au-dessus d'une enseigne. La brésilienne ne réussissait pas à se ré-acclimater à notre environnement et ça me faisait rire. 

- Avance et cesse de jouer à la drama-queen de Copacabana,  on va être en retard à notre cours si tu continues à te plaindre ainsi. Et tu risques de finir congelée ! 
Elle me suivit bon an mal an. Je ne vois que deux remèdes possibles: une bonne cuite à la vodka ou tu te trouves un mec pour te réchauffer !

- tu as raison! il nous 6 mois à passer ici et il y a bien trop longtemps que je n'ai dragué. 

-c'est vrai que depuis Milo...

-Ah non! Ne me parle pas de cet enfoiré d'italien ! Je m'en remets juste !

-j'ai dit stop aux dramas ! Apolonia avait passé la dernière nuit avant les vacances avec Milo un Italien qu'on voyait peu et qui l'avait outrageusement allumé à la Christmas party. Ils avaient passé la nuit ensemble avant qu'il ne s'envole définitivement pour FLorence. Il ne passait qu'un semestre en Suède, well done.  Depuis, elle n'avait pas cherché à avoir de ses nouvelles, il ne lui en avait pas donné non plus mais mon excentrique amie tournait ça à l'affront. Qu'il soit indifférent à elle lui était inadmissible! 

- tu attends quoi? Qu'il reprenne un avion pour te retrouver? Et tu en ferais quoi? 

Apolonia se renfrogna et avança plus vite, tête baissée, ce qui me fit rire. 

- mais la bonne nouvelle c'est la Welcome party de ce soir! Tu vas pouvoir découvrir toutes les nouvelles têtes Erasmus qui arrivent pour le 2ème semestre ! 

Apolonia releva subitement la tête entre surprise et satisfaction.

-mais comment j'ai pu oublier ça?! C'est ce soir ! Et je n'ai pas mis de robe, tu as vu mon accoutrement !

- relax miss Univers. Qui arriverait en robe sous une telle météo? Crois moi tu n'as pas besoin de ça pour faire sensation. 

Mon amie sourit un peu contrite. Elle était sublime en tout temps et toute tenue. Une de ces filles que tout le monde remarque et personne n'oublie. J'aurais eu de quoi faire pale figure à ses côtés mais Apolonia rayonnait sans faire de l'ombre à qui que ce soit. 

Elle me prit par le bras et nous avançâmes dans le froid cherchant chacune un peu plus de chaleur collée l'une  à l'autre. 

- Bon et toi? tu ne m'as pas raconté? 

-raconté quoi? 

- ton retour en France, tes vacances dans les Caraïbes...Tu as fait des rencontres? 

- J'ai passé des vacances géniales en Martinique. 10 jours de fête et de découverte. Quelques rencontres sympas mais rien d'inoubliable. 

-Peut-être que tu as du mal à tourner la page d'un autre inoubliable? 

Elle me fit un clin d'œil convenu. Je savais vers où elle souhaitait mener cette conversation et j'étais même étonnée qu'elle ait attendu deux jours avant de se lancer

- Alors et Niels? 

-quoi Niels? Il est encore en voyage je pense. IL m'a dit avant de partir qu'il ne savait pas quand ils allaient rentrer.  Je la regardais un peu déçue de mes propos alors je lançais : " mais j'ai eu de ses nouvelles...

- ah ?

-ah ! ll m'a envoyé des cartes postales

Apolonia cessa brusquement sa marche, ce qui faillit me faire tomber. 
- des cartes postales? Oh mais c'est trop mignon ! Et il te raconte quoi? Combien? d'où? tu lui as écrit toi aussi?  Je secouais la tête de dépit regrettant presque de lui avoir lâcher cette information. Je savais que j'allais subir un interrogatoire en règle. Mais j'étais aussi enthousiaste à lui raconter ce je vivais depuis mon retour. J'avais à peine posé mes valises que je découvrais au courrier tout un tas de cartes postales signées de Niels. Chacune avait été postée, je supposais d'une étape de leur voyage : Rome, Istanbul, Athènes, Budapest, Berlin, Prague, Cracovie. Et sur chaque carte uniquement quelques mots "he babe / Hope / you wait for me / to dance the rock/ miss you so much / my...Depuis cinq jours , il n'y avait plus eu de carte et je n'avais pas la fin de la phrase. Malgré ma frustration, je savourais : il avait pensé à moi à chaque étape de leur voyage, il avait pris le temps d'acheter une carte, de préparer un message, de l'écrire, de la poster. J'avais frissonné à la lecture de chaque carte, mon cœur s'est accéléré et j'avais soudain ressenti quelque chose de nouveau. Niels pensait à moi et j'aimais tellement ça. Depuis , je n'attendais que son retour. Je scrutais chaque endroit espérant le découvrir, je bondissais à chaque fois que l'on frappait à la porte de mon appartement ou qu'on appelait mon nom. Je me rendais compte que je l'attendais et que j'aimais ça.

A la fin de mon récit, Apolonia se figea risquant par ce mouvement brusque de me faire tomber. Elle resta tant bouche bée qu'un nuage de buée se projeta entre elle et moi.

- non mais sans dec? ! Tu vas enfin réaliser que ce mec est fou de toi? Alors c'est quoi ton plan?

- je ne sais pas encore, ce n'est pas clair...

- Ecoute Charlie. Va falloir que tu te décides et que tu agisses. Parce que Niels t'attend depuis septembre. Je ne sais pas ce qui te retient mais il faut que tu règles ça. Parce qu'un jour, il risque de se lasser. On a plus que quelques mois à vivre ici et il ne faudrait pas qu'il trouve une autre fille qui, elle, ne voudrait rien manquer.

Je la regardais et crus entendre Joanna sur cette plage de Martinique il y a quelques jours. Deux fois qu'on me rappelait qu'il était grand temps de vivre. J'avais mis longtemps ma vie entre parenthèses avec Grégoire à attendre qu'il soit disponible pour moi, pour me donner si peu. Et à mon retour en France, il n'avait rien trouvé de mieux de me demander de l'attendre encore. Depuis mon arrivée en Suède, je m'étais épanouie, je vivais pleinement une vie intense et il manquait encore un élément.

Je sentais bien cette vague d'émotion monter en moi. J'étais impatiente, fébrile. Je savais que l'inconnu allait être magique et que le meilleur était à venir dans ces derniers mois suédois.