L'Hiver suédois

31. [Niels] Mon prénom comme une complainte

Et Chris Isaak chantait https://www.youtube.com/watch?v=oadhHk2xs6c

Les filles décidèrent qu'il nous fallait un "before" avant la soirée. Maureen avait rapporté un whisky de son Ecosse natale qu'elle voulait nous faire tester absolument. Elles étaient déjà toutes installées dans le salon commun de notre appartement quand je sortis de la douche. Pilar déballait un paquet de rothmans quand Maureen servait l'alcool et Apo ouvrait une boite de crackers. Je ne sais pas si c'était parce qu'il s'agissait de notre première soirée après la trêve de Noël, l'arrivée des nouveaux Erasmus, le retour de Niels ou le whisky mais ce combo nous rendit euphorique. Quand Jamie, Pablo et Lothar nous rejoignirent, ils tombèrent des nues devant le spectacle qu'on leur offrait. Quatre filles, cloppes et verre en main, riant déjà bien trop fort pour être honnêtes, toutes en robe noire courte, nous nous étions données le mot. Pilar m'avait prêté une robe évasée en mousseline avec un joli col rond dans laquelle je me sentais déjà très bien. J'avais détaché mes cheveux, enfilé des bracelets et m'était même un peu maquillé. Je n'avais jamais été aussi féminine dans ma tenue, quelque peu tendue mais finalement l'alcool qui coulait déjà en moi m'aida à libérer cette boule d'angoisse qui m'étreignait .

Quand nous sommes entrées dans la maison des étudiants, il y avait encore peu de monde nous laissant le temps de prendre nos marques derrière le bar. La tradition voulait que les premières boissons étaient payantes. En fin de soirée, on sortait les packs de bière bon marché accessibles à tous financés par notre collectif d'étudiants étrangers. 
Ce fut rapidement un déferlement d'Erasmus "première génération" vite suivi par les nouveaux en acclimatation rapide. Les Américains restèrent longtemps au bar avec nous. Pete aidait Maureen, ça semblait coller facilement entre eux deux et je souriais de les voir vite se rapprocher.  Pilar, elle était plus en peine à observer Gabor assis dans un canapé depuis le début de la soirée  avec d'autres étudiantes d'Europe de l'Est.  

En moins d'une heure, la machine à bière n'eut plus de secret pour nous et la soirée battait déjà son plein. Le bar ne désemplissait pas, nous n'avions pas encore eu cinq minutes pour souffler. L'ambiance était électrique, la musique forte et plus personne ne semblait parler agglutiné sur la piste de danse à danser. Il faisait chaud, voilà pourquoi nous constations un record d'affluence au bar. J'adorais ce spot qui nous permettait de voir tous les étudiants et d'échanger ne serait qu' un instant avec chacun. 

J'étais tellement occupée que je n'eus pas le loisir de regarder l'heure et quand enfin je me posais sur un des vieux tabourets, je fus surprise de constater qu'il était presque minuit. Le bar fermait, on commençait à sortir les packs de bière pour les poser en libre-service sur le comptoir. 

Minuit mais pas de Niels à l'horizon. Je me sentis soudain vide. Niels n'était pas venu, la soirée était déjà bien entamée. Personne ne manquait les premières heures. 

- tu veux un bière? Je finis le fût me demanda Pilar en me tendant une pinte. 

- oui merci. 

-ça va? 

-  je suis crevée, j'ai les pieds en compote. 

Pilar m'entraîna vers un grand canapé squatté par nos amis. Les filles avaient rejoint les américains avec Pablo, Jamie et Heinrich.  On avait perdu depuis longtemps Maureen qui dansait avec Pete comme s'ils étaient seuls au monde au son de la musique électro. Tout le monde riait, buvait et je descendis ma pinte à vitesse grand V comme pour oublier une absence. Il faisait chaud, j'avais soif et je me levais rapidement pour me servir une nouvelle bouteille de bière au bar. Apolonia m'y retrouva

- je crois qu'on a définitivement perdu Maureen ! Elle m'indiqua un coin de la piste de danse où Pete et elle s'embrassaient à pleine bouche. 

Je souris un peu tristement à imaginer la peine de Pablo. Jetant un coup d'œil de son côté, je l'aperçus en train de les observer.  Il semblait déjà bien alcoolisé. Sa tristesse nourrissait la mienne.  Apolonia s'en rendit compte.