L'Hiver suédois

25. [Grégoire] Et je devais partir

#Nantes, le lendemain matin de décembre

Et Françoise Hardy chantait [https://www.youtube.com/watch?v=FqVLT8vgZYw&list=PLgcR5Kdub_xA9n7O2O32b572v4fiwRiuw&index=18]

-Petit dej? 

Grégoire s'écarta de moi m'interrogeant du regard. 

-quelle heure est-il? 

-10  heures

-oui c'est bon. J'avais donné rendez vous à Maude pour déjeuner sans indiquer plus précisément l'heure. Je savais qu'elle m'attendrait chez elle et que je ne couperai pas à l'interrogatoire de rigueur.

Il mit la cafetière en route et sortit de quoi manger. J'étais assise sur un des hauts tabourets devant le bar qui séparait sa mini-cuisine de la pièce à vivre. Je le regardais en caleçon et en tee-shirt évoluer dans son environnement. J'avais encore un peu de mal à réaliser que je découvrais tout ce pan de sa vie. Ses gestes étaient tranquilles, posés. Il respirait la sérénité alors qu'une tempête d'émotions semblait m'anéantir.

-si tu continues à me regarder comme ça, tu boiras ton café froid

ll se pencha par dessus le bar pour m'embrasser. 

-je ne te regarde pas ! Je te découvre ! 

-tu avais toujours rêvé de savoir comment je prépare le café, c'est ça? 

-comme quoi je suis une fille facile à combler ! 

Il posa ses coudes sur la tablette et me regarda soudain avec intensité. Ses doigts glissèrent le long de ma joue avec douceur. 

-je crois que tu es tout sauf une fille facile mais que tu apprécies des choses aussi simples, c'est ...chouette. Il m'embrassa encore une fois et se racla la gorge. 

-tu as prévu quoi après la Suède? 

-je ne sais pas encore. Le 2nd semestre et le résultat de mon mémoire seront déterminants. 

-tu envisages de rentrer à Nantes? 

-c'est une des options. Et toi? L'année prochaine?

-un DESS de droit public ici j'espère. Moi aussi ça dépendra des résultats de cette année. 

-et le mariage? une date de fixée? 

J'avais lâché cette question sans y penser. Je m'étais pourtant promis de ne pas aborder Anne, de profiter de l'instant présent sans réfléchir à rien d'autre qu'au moment présent. 

-non rien à l'ordre du jour. Ma seule priorité cette année, ce sont mes études. 

-tu as changé toi aussi. 

Il posa un mug brûlant devant moi me proposant du sucre que je refusais. Mais je mordais dans un morceau de pain beurré avec plaisir. Je mourrais de faim après cette soirée bien plus alcoolisée que nourrissante.

- tu trouves? 

Il enleva une miette de pain restée collée semble t-il sur ma joue et m'embrassa aussitôt. Combien de fois m'avait-il embrassé depuis que nous étions dans cette cuisine. 

-en tout cas il y a une chose qui n'a pas changé !

-oui je suis incapable de te résister plus de cinq minutes! Déclamai-je en riant. 

-j'allais plutôt dire le contraire. Quand je t'ai vu hier soir...

Il ne finit pas sa phrase. Ce qui existait entre nous restait indéfinissable et inaltérable. Même des mois après. 

- ça a a toujours été comme ça entre nous. 

Le silence s'abattit entre nous, nos mugs de café, nos tartines de pain-beurre.

-quand rentres tu? 

-De Suède? Le 1er juin. Je soutiens mon mémoire le 10. Mon billet est déjà réservé. 

-j'aimerais te revoir quand tu seras rentrée. 

Il avait lancé ses mots rapidement presque avec timidité. 

-c'est dans six mois.

-oui. 
Et soudain je réalisais ce qu'il me proposait et ce que ça supposait. Nous allions reprendre là où nous nous étions quittés. Une relation installée dans un trio où j'étais toujours celle de trop.

Je me relevais avec véhémence. 

-Non ! Tu ne peux pas me faire ça! Mes mots brusquent le surprirent cassant la douceur qui régnait entre nous. 

-je ne veux pas t'attendre. Je suis partie à Stockholm pour vivre ma vie, ne plus attendre que tu sonnes à  ma porte, pas pour attendre quelque chose qui n'arrivera pas! 

Il se leva et m'attira à lui pour me serrer dans ses bras avec force. 

-excuse moi. Ses mots se perdirent dans mes cheveux. Lequel de nous deux était le plus anesthésié? 

-tu as raison. Je n'ai pas le droit de te demander quoique ce soit. Sa main caressa mes cheveux et nos corps se relâchèrent. 

-je t'aime Grégoire, ce n'est pas  un scoop, tu le sais depuis longtemps. Mais je ne peux pas vivre comme ça. Je suis partie. 

-on aurait mieux fait de ne pas se croiser hier soir. 

Je me suis écartée de son torse sans qu'il me lâche. Tu regrettes? 

-bordel non ! J'en rêvais depuis des mois !!

-Pourquoi? 

Il ferma les yeux. 

-Greg s'il te plait. Parle moi. Ca ne t'engage en rien tu sais. Cesse d'avoir peur de me dire ce que tu ressens. Je ne suis pas fragile!

Il s'assit sur le tabouret et écarta ses jambes pour m'attirer à lui. 

-Quand tu es partie en juin, j'ai réalisé que je ne te verrai plus. Et j'ai enfin compris que ce que tu représentais pour moi bien plus que je ne me l'avouais. Je crois que je l'ai toujours su. Toi tu le savais, moi je l'ai réalisé trop tard. Quand je t'ai vu hier soir, ça m'a paru tellement évident. 

-Et Anne dans tout ça? 
-C'est compliqué.

- ça l'a toujours été. Sinon je n'existerai pas. 

Il prit mon visage entre ses mains et posa ses lèvres doucement sur les miennes. J'en frissonnai encore. 

-qu'est ce qu'on va faire de nous? 

-je vais repartir Grégoire...

Il se leva et alla jusqu'à son bureau pour déchirer une feuille d'un carnet où il écrivit rapidement quelques mots qu'il me tendit. 

-l'adresse et le numéro de mes parents.  Je ne sais pas si je garde cet appartement après le mois de mai. Si tu veux me contacter, c'est le moyen le plus sûr. D'ici là, pas de nouvelles. Vis ta vie en Suède et si tu reviens, tu aviseras. Si on doit se retrouver, ça se passera. 

Je pris le papier pour le glisser dans mon sac à main. Il était bientôt 11 heures et je devais partir.