20. [Grégoire]Sur cette envie de pleurer

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Toujours le 20 décembre en France, veille des vacances de Noël , 

Et les Righteous Brothers chantaient [You've lost that loving feeling]

-Charlie...

-Grégoire.

Il m'a embrassé sur la joue. J'ai reconnu aussitôt son parfum...son corps allongé un après midi sur mon lit, la fenêtre ouverte sur le printemps, ses lèvres sur mon sein, sa main qui glisse sur mon corps...

-tu es rentrée? 

-Oui pour les vacances, je repars dans deux semaines. 

-Alors c'est comment la Suède? Il se tenait debout devant moi, un sourire presque timide sur le visage. Je n'ai pas réussi à détacher mon regard du sien. Nous nous reconnections en simultané. Il y avait le brouhaha du bar et il y avait nous. De nouveau. Comme sur une piste de danse plus d'un an en arrière, comme lui sur mon pas de porte, comme nous dans la nuit remontant de boite, comme moi le matin le regardant partir les yeux baignés de larmes. 

-Froid, hyper festif, intéressant au niveau universitaire, je bouge beaucoup.  Et toi? ça va? 

-Ca va. Beaucoup de travail en maîtrise, je sors peu. L'année est chargée mais moins que la tienne je suppose! 


Il me sourit doucement.Le silence s'est installé entre nous. Il me dévisageait. 

-tu as changé...

-Ah bon? tu trouves? 

C'est ce que mes amis m'avaient dit aussi dans la journée. Evidemment que j'avais changé. Six mois s'étaient écoulés, six mois loin de tous, à vivre à l'autre bout de l'Europe.

-oui, tes cheveux, ton allure, ton style...ça te va bien. Tu as l'air en pleine forme. 

-Une autre vie, un autre contexte. 

-Un copain suédois? 

Je fus saisie de cette question aussi intime. 

-Il y a eu, il n'y a plus. 

Évoquer Jonas me parut incongru. Je n'avais plus pensé à lui depuis un moment. Il avait disparu de ma vie comme il y était entré. Personne de mes amis Erasmus ne le connaissait, alors il n'apparaissait jamais réellement dans nos discussions. C'est Niels qui me vint en tête quand Grégoire me posa cette question mais quoi lui raconter? Que j'avais embrassé un Canadien, que je ne m'en souvenais plus et que je rêvais que ça se reproduise? Qu'il était actuellement entre la Grèce ou la Turquie et qu'il ne se souviendrait peut-être plus de moi à notre retour à Stockholm.

-Moi je...

C'est à ce moment -là que Maude apparut et réalisa avec qui je parlais. 

-Charlotte, on s'en va! ...ah...c'est toi. 
Elle se rembrunit aussitôt de découvrir Grégoire face à moi. Si les copains de Greg ne m'aimaient pas, je ne pouvais pas revendiquer mieux du côté de Louise et Maude. Elle lui jeta un regard noir qui se suffit à lui-même. 

-Oui c'est bien moi. Bonjour Maude! Comment vas tu depuis la dernière fois? 

Je les regardais l'un, l'autre tour à tour surprise. Ils s'affrontaient droit dans les yeux et je ne savais pas ce qui se jouait. Une vague de jalousie me transperça et j'eus peur qu'ils soient sortis ensemble.

-Comment ça? Vous vous voyez? 

-Non, on s'est croisés à la Primavera il y a quelques temps, c'est tout. Maude baissa les yeux soudain gênée. 

-Et je lui ai demandé de tes nouvelles et ton adresse. Elle ne t'a pas dit? 

Je me suis tournée vers Maude furieuse. 

-Non j'ai oublié! 

- tu parles ! Tu m'as clairement fait comprendre que tu ne voulais pas me la donner!

- Oui et alors ! Maude releva la tête et le fusilla du regard. Ce n'était pas important! Charlotte, tu es en Suède maintenant. Tu n'as pas besoin de ...ça!

Ca c'était Grégoire. Elle le désignait ainsi, comme une chose méprisable et insignifiante. 

J'explosais. 

-Comment ce n'est pas important ? Tu es qui pour décider à ma place ce qui est important dans ma vie Maude?!

-Maude a raison Charlotte. Grégoire s'approcha de moi et posa sa main sur mon bras comme pour m'apaiser. Tu as mieux à vivre, je n'aurais pas dû. 

Je ne sais pas lequel des deux me blessa le plus sur l'instant. Qui étaient-ils pour décider de ma vie? Mais si je pouvais comprendre pourquoi Maude ne m'avait rien dit, ce que Grégoire insinuait me meurtrit. IL supposait que j'étais encore cette pauvre fille amoureuse qui se raccrochait toujours à lui. Le mélange d'émotions qui me submergea me fit monter les larmes aux yeux. 

-C'est clair, répondis je sèchement. J'ai autre chose à vivre. Bon Maude on y va? A une prochaine Grégoire...ou peut-être pas. 

Je tournais les talons pour partir et il me retint sa main sur mon bras. 

-Charlie...

Je fis volte face. 

-Tu as raison Grégoire. J'ai changé. Ce n'est pas qu'une histoire de physique, de style. Je décide pour moi-même maintenant. 

Il s'approcha et posa sa main sur ma joue comme pour tenter de m'apaiser. Ce contact m'effondra intérieurement mais je n'ai rien montré. Et je suis partie sur cette envie de pleurer qui me ramena plusieurs mois en arrière. 


L'Hiver suédoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant