Et Everything but the girls chantait [ https://www.youtube.com/watch?v=Q4sPkS8b62Q&list=RDQ4sPkS8b62Q ]
En septembre,
Je suis arrivée à Stockholm depuis trois semaines. L'été s'est exceptionnellement prolongé (dixit les locaux) et nous profitons d'un temps exceptionnel. La Baltique est encore de ce bleu profond, les Suédois migrent encore chaque week-end vers leurs maisons avec les pontons dans l'archipel. J'ai vite été immergée dans cette vie scandinave et surtout d'étudiante internationale.
A mon arrivée, j'ai découvert que nous serions une communauté d'une grande centaine de jeunes venus du monde entier: européens en majorité mais aussi des américains, asiatiques, africains. Nous sommes tous semblables dans nos différences: seuls et avec cet impérieux besoin de sociabiliser. La vie en communauté s'est mise en place à cheval entre nos trois résidences universitaires au milieu des étudiants suédois. Eux semblent aussi demandeurs de rencontres que nous. Nous avons peu à peu défini nos lieux communs: le restaurant universitaire, le grand parvis et les pelouses face au bâtiment ancestral ("profitez en, nous ont averti les Suédois. Bientôt la neige recouvrira les lieux) , la piscine et le sauna de notre résidence dans le quartier de Sodermalm et le Dubliner, un grand café très cosy comme seuls les Scandinaves savent les imaginer.
Je me suis trouvée des affinités avec mes voisins de palier : NiKos le grec, Maureen l'irlandaise, Jamie le new-yorkais, Paula la brésilienne, Apolonia la polonaise . Nous partons ensemble le matin sur le campus, nous retrouvons tard le soir pour boire une bière, fumer une clope.
Hier soir, avait lieu notre première vraie soirée à l'initiative des festifs espagnols. Dans le sous sol de la résidence, nous avons accès à une salle idéale pour nous retrouver. Chacun avait essayé de préparer "son plat national". Mes crêpes ont eu un grand succès mais les litres et litres de sangria ont noyé le goût et le souvenir de quelques saveurs locales. Je soupçonne Jon et Santi les basques d'avoir ajouté du rhum aux grands saladiers vu la gueule de bois et le dynamisme dont je fais preuve ce matin. Quand Apolonia est entrée dans ma chambre, je végétais encore en pyjama avec un café sur mon lit.
- tu n'es pas prête? On doit retrouver les Canadiens dans une demi-heure au Dubliner
- Les Canadiens? Pourquoi on les retrouve?
- On leur a proposé de leur faire le tour des essentiels pour qu'ils rattrapent au plus vite leur retard.
Je me souvins soudain de ces canadiens qui sont apparus pour la première fois à la soirée de la veille: Zac, Niels, Oliver et Ethan arrivés depuis deux jours bien après tout le monde. Ils avaient une session de partiels à valider avant de commencer leur année universitaire suédoise. Impatients de rattraper le temps perdu et surtout ne pas être en décalage avec l'ensemble des Erasmus, ils avaient soif de tout découvrir au plus vite.
- je ne me souviens pas du tout qu'on leur avait proposé de leur faire découvrir la ville. La loose...je suis décalquée.
- tu ne dois pas te souvenir non plus du nombre de sangria que tu as bu! Tu te rappelles au moins de ce qui s'est passé avec l'un des Canadiens?
-c'est à dire?
Apolonia éclata de rire !
-Ah oui la frenchie ! Va falloir que tu passes à l'aspirine et quand tu auras émergée, je te dirai lequel des quatre tu as embrassé à pleine bouche sur la piste de danse
-Quoi?
Je me suis relevée tellement vite que j'en renversais le reste de ma tasse de café sur mon lit.
-Ah zut!Je me levais rapidement pour aller de quoi éponger ma bêtise. Apolonia en profita pour partir toujours en riant.
- Allez! Move on! Je te laisse te doucher et je repasse te prendre dans quinze minutes !
-Apolonia! Ne pars pas sans me raconter ce que j'ai fait et avec qui !
Elle a claqué la porte avant même que je ne finisse ma phrase.
Quand une demi-heure plus tard, nous sommes entrés au Dubliner, je n'osais lever les yeux vers ces quatre canadiens assis dans les confortables canapés. Lequel avais-je embrassé la veille ? Apolonia n'avait même pas voulu me dire si elle plaisantait ou non. « tu verras bien si l'un d'entre eux réagit et on en reparle ce soir ». Nous avons arpenté la ville, l'université, les résidences, nos endroits essentiels toute la journée. L'ambiance était douce, j'ai discuté un peu plus avec Zac et Oliver : ayant longtemps vécu à Montréal, ils sont francophones. Mais rapidement nous avons repris des échanges en anglais pour ne pas mettre le reste du groupe anglophone à l'écart.
-Bon alors dis moi ! Je n'ai embrassé personne hier soir ! Tu m'as fait marcher !
Je rentrais avec Apolonia dans notre résidence après avoir laissé les garçons dans la leur à quelques pâtés de maison.
Elle a souri avec malice
-désolée ma belle mais c'est pourtant vrai ! C'est Niels que tu as embrassé à pleine bouche.
Niels, le grand aux cheveux châtains au sourire craquant. Il n'avait fait aucune remarque tout au long de la journée me parlant à peine. Je l'avais juste entendu râler quand nous parlions français. Il ne devait pas plus se souvenir que moi de cet épisode nocturne abusant eux aussi de la sangria « améliorée ».
- Vous dansiez un slow absolument indécent sur la chanson d' Everything but the girl. Et tu criais « and I miss you » en ajoutant un prénom français . « grège » c'est ça ?
J'ai souri en écoutant sa prononciation anglo-polonaise de « Greg » et j'ai pensé « il faudra que je lui raconte ». Mais je ne raconterai rien à Grégoire. Depuis que j'avais déménagé, je n'avais aucune nouvelle de lui et c'était normal. Il ne connaissait pas mon adresse chez mes parents ni mon téléphone. Mon appartement était notre seul lien et je l'avais rompu dans la hâte.
François, mon voisin de palier, m'avait dit durant l'été qu'un garçon était passé me demandant.
- A quoi ressemblait-il ?
-aucune idée, c'est Mickaël, tu sais le black du 3ème qui me l'a dit. Il a ajouté qu'il avait l'air surpris et déçu
L'idée d'avoir manqué Grégoire m'avait rongée. J'avais compris que je n'étais guérie de rien, il restait encré en moi. J'étais partie animer des camps d'ado d'abord dans le Jura puis en Grèce tout l'été. Juste rentrée, mes valises étaient prêtes pour la Suède. Si je ne pouvais me détacher de lui, au moins je m'en éloignais physiquement. C'était un premier pas.
Embrasser des inconnus m'aiderait peut-être à en franchir un autre. Je n'avais pas hâte.
Grégoire me manquait mais j'avais une vie à vivre.
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L'Hiver suédois
RomanceCharly et Grégoire, deux étudiants se rencontrent un soir en boite, une rencontre qui ne devait durer que le temps d'une nuit. Greg a déjà une copine, ils vont se fiancer, se marieront un jour et il ne veut pas remettre sa vie en question. lls ne de...