19.[Niels et Grégoire] Là où nous nous étions quittés

15 0 0
                                    


20 décembre en France, veille des vacances de Noël 

Et Wham chantait [last Christmas]. A retrouver sur la playlist youtube https://urlz.fr/cxMx

Rien n'avait changé finalement quand je mis un pied sur le sol français en fin de matinée. Paris grouillait comme toujours de bruits, de pollution et je m'engouffrais dans le premier TGV en direction de Nantes. J'avais convenu de m'arrêter d'abord pour 24 heures dans mon ancienne ville universitaire histoire de voir mes amis. Les congés de Noël commençaient le lendemain pour eux, c'était l'occasion pour que l'on profite d'une soirée avant que chacun ne se disperse dans sa famille. Mes parents avaient un peu tiqué mais je leur avais assuré qu'ensuite, je resterai avec eux jusqu'à Noël et les jours précédents mon départ à la montagne. Mes frères ne rentraient pas avant ce week-end eux non plus de toute façon. 

C'est François et Maude qui  vinrent me chercher à la gare et je me réjouis de les retrouver. Je retrouvais mon ancien immeuble où rien réellement n'avait changé. Machinalement je cherchais mon nom sur la série de sonnettes de la porte d'entrée sans le trouver évidemment. 

- C'est un Gallois qui s'est installé à ta place! Ca nous a fait rire que ce soit un Erasmus qui te remplace, sacré hasard. Il a fait quelques fêtes avec nous mais le plus souvent il traîne avec la communauté étrangère. 

Je souris aux explications de François me retrouvant dans cette description de vie. Moi aussi je côtoyais des Suédois mais la plupart du temps, c'était avec les Erasmus que j'évoluais. C'était une histoire de rythme, de découvertes à mener qui ne collaient pas avec les "locaux". 

Je passais le début de soirée à les regarder tous autour de la table basse dans l'appart de Maude à grignoter et boire notre traditionnel malibu ananas. Si j'avais mille choses à leur raconter, j'ai vite senti que mes histoires devraient être assez courtes. La Suède se vivait avec ceux avec qui je partageais cette aventure. Nous n'évoluions plus dans les mêmes sphères. Stockholm m'avait ouvert sur le monde, j'avais désormais des envies d'ailleurs. J'enviais les Américains qui partaient le lendemain en road-trip et je les imaginais sur les plages grecques ou dans un ferry traversant le Bosphore. Nous avions commencé à planifier pour février notre voyage à St Petersbourg. Février me paraissait si loin et déjà si proche. J'avais passé tout mon trajet à somnoler pensant encore aux paroles de Niels, à ses bras autour de moi, à ses lèvres au creux des miennes, à son bonnet que je n'avais pas quitté même si à Paris le temps était exceptionnellement doux. François m'avait chambré de me voir avec : " tu peux l'enlever, te voilà revenue dans un pays civilisé!" . Je l'avais donc rangé dans mon sac à dos. J'avais quinze jours devant moi à ne plus craindre le froid et donc techniquement à ne plus penser à Niels.

-Eh Charlie! Tu es avec nous? 

-Oui pardon, un coup de fatigue, je me suis levée super tôt ce matin. 

-Tu as intérêt à être en forme pourtant! On a prévu de t'emmener dans un nouvel endroit ! Ils ont ouvert un super bar dans la " Tour Lu" et ensuite on finit à la Primavera évidemment!  

Redécouvrir Nantes, mon ancien appartement, traverser les rues pour découvrir ce bar me saisit tout comme l'idée d'aller à la Prima. A chaque coin de rue, je retrouvais Grégoire.  Cette ville était emprunte de notre passé, de notre histoire. Ici je l'avais croisé, là sur le pallier, nous nous étions embrassés pour la dernière fois... Cette nostalgie envahissante me fit réaliser encore une fois que rien n'était réglé. Et le contraste entre Niels que je venais de quitter ce matin et le fantôme de Grégoire ce soir me saisissait. 

-Alors qu'en dis tu? Génial non?

Je parcourus le bar où nous étions rentrés pour découvrir ce qui excitait autant François. Il avait raison. L'architecture du lieu, le côté industriel mêlé au contemporain, les grandes tables, le bar archi-bondé sous une musique rythmé donnait une ambiance assez folle. Les pompes à bière semblaient intarissables. Nous avons trouvé miraculeusement une table où tous nous installer. Peu à peu, alcool aidant, je me suis détendue et j'ai retrouvé mes amis riant de toutes leurs histoires de cours, de fêtes et de leurs joies et peines de cœur. Maude et Louise étaient désormais célibataires pour de bon et semblaient vivre beaucoup d'histoires dans lendemain qui leur convenaient. Aline avait quitté Nicolas et même la ville pour continuer ses études à Paris. Je sentais qu'il se passait quelque chose entre Maude et lui mais sans savoir précisément quoi. François lorgnait sur une de ses amies de fac, une certaine Joy, petite et frêle qui nous avait accompagné. 

C'est bien plus tard après quelques tournées de bières, en remontant des toilettes qui se trouvaient au sous-sol, que je "le" vis. Il était assis autour d'une des grandes tables à discuter avec plusieurs garçons que je ne connaissais pas. Aucun de son groupe habituel et ma première réaction fut la satisfaction de ne pas les voir eux. Il n'y avait pas de filles avec eux et pas Anne surtout. Ce fut mon deuxième soulagement.  Il portait une chemise que je ne lui connaissais pas, une de couleur camel qui lui allait bien. Evidemment. Tout ce qu'il portait m'avait toujours plu. C'est comme ça le premier soir que je l'avais remarqué. 

Je suis restée figée à le regarder sans pouvoir bouger, sans me cacher non plus. J'ai reconnu la vague qui me submergeait. Le garçon à sa droite lui a parlé, il s'est retourné et c'est là qu'il m'a vu. Je l'ai vu se figer lui aussi, les yeux écarquillés. Et son regard s'est plongé dans le mien, je sus  que nous reprenions là où nous nous étions quittés. 


L'Hiver suédoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant