L'Hiver suédois

6 [Grégoire] Tes yeux me racontent une autre histoire

[Et U2 chantait https://www.youtube.com/watch?v=sXhjbqDbgDE ]

En mars, le même jour,

-Parce que tu crois que j'ai le choix?

Je me suis levée soudain en colère. Je ne sais pas lequel de nous deux a été le plus surpris par mon attitude. Je ne me mettais jamais en colère. Même le premier soir quand il m'avait annoncé qu'il ne passerait pas la nuit avec moi, je n'avais pas réagi. Alors là debout dans mon studio, les poings serrés, les yeux noirs face à lui, j'étais nouvelle. Tellement surprenante qu'il s'est aussitôt levé.

-tu crois que je le fais exprès de t'aimer? D'accepter de te voir quelques après midi par mois, de ne rien partager avec toi qu'un lit et ces moments d'intimité? D'entendre que tu t'es fiancé par un de tes copains qui se réjouissait de me l'annoncer pour m'humilier? Pour me lancer "tu vois, tu n'es qu'un plan cul pour lui et rien d'autre!"

-Il a dit ça?

-non, il n'a pas eu besoin de le verbaliser. Pas cette fois-ci. Nous avons déjà eu cette conversation il y a longtemps. Je sais ce que je suis, je n'ai plus besoin qu'on m'explique. Il a juste ajouté "elle est si jolie". Comprenons "mais regarde toi ma pauvre fille!"

-Charly, non...

Grégoire s'est approché de moi, a tenté de me toucher de sa main mais j'ai reculé.

-Non! Je ne veux pas de ta pitié, je m'en fiche. Je voulais que tu tombes amoureux de moi comme je suis tombée amoureuse de toi la première nuit. J'y ai cru. Vraiment. Bêtement. Parce que jamais un garçon ne m'avait regardé comme tu me regardais. Je sentais ton désir et je sentais que je savais te plaire. Tu es le premier et le seul garçon que j'ai dragué aussi ouvertement. Ce n'est pas mon genre. Je ne sais pas faire ça, je ne veux pas faire. Je ne suis pas jolie, je ne suis pas désirable mais avec toi, j'ai eu l'impression de découvrir ce que ça faisait de plaire. Ce sentiment était magique et il le reste encore aujourd'hui. Nous dansions sur la piste de la Prima et il suffisait que je te regarde. J'ai cru que je te plaisais vraiment. J'y crois encore. Quand on se rencontre sur le campus, tes yeux s'allument quand nous nous retrouvons face l'un à l'autre. Tu me dis "je ne viendrai pas, il faut qu'on arrête". Mais tes yeux me racontent une autre histoire. Et c'est cette histoire me plait. Je sais que je me trompe mais putain ce que c'est beau à vivre quand tu es là. Dans ces moments là, j'ai l'impression que je te plais autant que tu me plais. Que tu m'aimes comme je t'aime.

Je me suis tue. Le silence s'est installé entre nous. Nous nous regardions sans bouger. 

J'ai reniflé me rendant alors compte que je pleurais.