13.[Jonas et Niels] Tu nous as manqué

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Stockholm en décembre 

[et Depeche Mode chantait "Just can get enough" ]

-Hey Charlie ! Je ne savais pas que tu courais! 

Je me suis retournée essoufflée, au moment où j'allais rentrer dans notre résidence, pour me retrouver nez à nez avec Niels. Un mois que je courais et j'arrivais enfin à tenir le coup sans poser mes poumons à terre à chaque soufflée. Je n'avais partagé ça avec personne encore et je me crispais à ce que la personne qui le découvre soit le beau Niels. 

-Je m'y mets doucement. Et toi? tu pars ou tu arrives? 

-Je reviens! Je suis allé jusqu'à Danderyd mais il fait vraiment froid ce matin!

Jusqu'à Danderyd? Il venait donc de courir environ 20 km et aucune goutte de sueur ne transpirait de son visage frais comme après une douche. Je me suis demandée à quoi moi je pouvais ressembler après avoir couru victorieusement 7 km. Je réajustais mon bonnet d'où sortait ma tresse pour espérer avoir un minimum d'allure mais je savais d'avance que c'était peine perdue. 

-On pourrait courir de temps en temps ensemble, ça te dirait?

Mon pire cauchemar était en marche: j'allais devoir refuser un rendez vous avec ce garçon si attirant. Mais ce n'était pas un rendez-vous, c'était une honte programmée si j'acceptais.  Niels était réputé pour être très sportif, on l'avait maintes fois vu courir, jouer au foot, au hockey, au basket. Il semblait à l'aise partout et dans n'importe quel sport. 

-Euh tu sais...je n'ai pas du tout ton niveau! Tu ne ferais que m'attendre, répondis-je piteusement. 

-Eh! je ne te propose pas un marathon! Juste un moment à passer ensemble...

Sa voix se radoucit soudainement et il plongea ses yeux dans les miens. 

-J'allais prendre mon petit dej' à la cafet, tu viens avec moi? on sera mieux dedans à discuter qu'ici ! 

C'est ainsi que je m'assis transpirante face à Niels à la cafet encore déserte à cette heure matinale. Je le regardais engloutir des petits pains au sésame et à la crème sans aucune retenue.

-Ca fait longtemps que je ne t'avais pas vu ! 

-Je suis toujours là pourtant! 

-Mais tu n'es pas venue ce week-end avec nous à Malmö...

Les Européens et quelques américains s'étaient organisé une virée dans le sud de la Suède, virée à laquelle je devais participer mais Jonas avait insisté pour que je l'accompagne à la fête d'un de ses amis. Depuis un mois que nous sortions ensemble  je passais tous mes week-ends avec lui dans le studio où il vivait au dessus du garage de ses parents. Jonas était très casanier, nous sortions peu, il ne semblait pas avoir beaucoup d'amis. Ce vase clos m'avait au début beaucoup plu. Il était totalement disponible à notre histoire. Enfin un garçon qui semblait avoir besoin de moi. Evidemment je comparais tout ce que nous vivions à ma "non-histoire" d'amour avec Grégoire. Le contraste était saisissant. Jonas me téléphonait chaque jour, passait rarement à mon appartement mais me réclamait sans cesse chez lui. Je n'avais qu'à me laisser porter par ses envies. Nous vivions une relation tranquille mais je m'apaisais dans ses bras. 

-Alors c'était comment Malmö? 

J'ai attaqué à mon tour mon petit déjeuner écoutant Niels me raconter leur week-end à l'extrême sud de la Suède. Leur trajet en train, les vieilles rues typiques, la Turning Torso, la Tour la plus grande de Scandinavie en construction, leur soirée dans un bar, la vodka, le sauna.. Je riais de ses anecdotes, il avait une capacité à tout vivre et tout raconter avec enthousiasme. J'eus l'impression de me retrouver avec eux sillonnant les rues en pleine nuit et soudain je réalisais combien cette ambiance me manquait et que j'avais assurément raté quelque chose. 

J'avais eu cette impression tout le week-end. Pour une fois nous sortions avec Jonas pour retrouver quelques amis à lui dans un bar. Il y avait quatre garçons et deux filles. Ils avaient fait l'effort en début de soirée de parler anglais pour m'intégrer mais au fur à mesure des tournées de bière et de cidre, ils avaient décroché et s'exprimaient tous en suédois semblant m'occulter totalement. Jonas avait traduit au départ mais avait enlever sa main de ma jambe pour s'enflammer sur une discussion qui semblait lui tenir à cœur. Mon niveau de grande débutante en suédois ne m'avait pas permis de suivre. Cette solitude ressentie doublée de rancœur envers Jonas s'amplifia en écoutant Niels. Le contraste de leur soirée avec la mienne était saisissant. Quand nous étions rentrés tard dans la nuit, Jonas n'avait pas compris ma morosité et l'ambiance avait été glaciale le dimanche matin. J'avais prétexté une grosse migraine et un devoir de géographie à rendre en urgence pour m'extraire de ce dimanche avec lui. Il n'était pas dupe sur mes mensonges mais ne s'était pas excusé pour autant. 

- On a décidé de repartir le week-end prochain !

- Où?

- A Malmö encore. La ville est géniale et nous n'en avons vu qu'une petite partie. On a rencontré des Erasmus là-bas qui nous ont proposé de nous montrer d'autres lieux. Tu viendrais? 

- OUI ! 

Je m'étais exclamée tellement vite et fort que Niels en rit et son visage s'éclaira comme toujours d'un grand sourire. Je me rendais compte que je ne voulais plus manquer aucun de ces week-ends  de découverte. J'avais quitté ma vie française pour cela: cette année devait casser mes codes, dépasser mes limites et il n'était plus question que je me morfonde dans un bar avec des étudiants qui m'ignoraient. 

-Génial! Tu nous as manqué tout le week-end ! C'est pénible de ne plus te voir...

Niels me sourit doucement et soudain je réalisais qu'avoir un copain attentionné ne suffisait pas à mon bonheur. Je n'avais pas quitté Grégoire pour me cloîtrer encore. Et le sourire de Niels m'emportait vers bien d'autres aventures



L'Hiver suédoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant