L'Hiver suédois

28. [Niels] Alors il allait bientôt rentrer?

Et Richard Marx  chantait [https://www.youtube.com/watch?v=S_E2EHVxNAE]

Malgré le froid intense, chaque matin depuis mon retour à Stockholm, je chaussais mes baskets pour aller courir. Les Suédois savaient dégager les routes pour continuer à vivre normalement même par -20 degrés. J'avais demandé à Noël une paire de running adaptées à la course sur terrain gelé. L'hilarité familiale avait été intense en entendant ma demande mais mes frères avaient dû se résoudre à l'évidence: ils retrouvaient une petite sœur sportive et nous avons même profité d'une sortie commune à Fort de France pour tester mon endurance. Je n'étais pas peu fière d'avoir pu les suivre. 

J'avais cru que mes poumons n'allaient pourtant pas survivre à ces températures suédoises mais le besoin était plus fort que la contrainte. La nuit tombait à 15 heures, il ne fallait pas manquer ce temps si court de lumière. 

Et puis je courais pour assainir mes pensées, pour tenter de déblayer ce qui se jouait en moi. IL y avait eu cette nuit hors du temps avec Grégoire et le retour de Niels était imminent. Je ne savais plus trop comment gérer toutes ces émotions mais je me sentais en même temps tellement vivante! Pour la première fois, je me savais en capacité de choisir. J'avais refusé que Grégoire m'embarque une nouvelle fois dans une relation toxique où je dépendais totalement de lui. Et en même temps, il m'était apparu évident cette nuit-là que ce qu'il y avait entre nous était à part. Je le savais depuis la première nuit passée dans ses bras, il semblait l'avoir réalisé depuis mon départ. Pas seulement une histoire de sexe, pas seulement une fuite en avant pour supporter son couple. Il avait suffi que nos regards se croisent de nouveau pour que toutes nos certitudes tombent. Je lisais du désir dans ses yeux, l'envie de me séduire en un sourire, le plaisir à me donner à chaque caresse, à chaque mouvement de son corps sur le mien. Mais  Anne était toujours présente, ces deux ans de douleur pesaient encore sur moi et j'avais décidé de fermer la porte à cette relation qui m'empêchait de vivre et d'avancer. 

Tout ce remue-méninge sentimental décuplait mon endurance. J'atteignais ce matin-là un circuit de 10 km et si j'avais encore eu un minimum d'énergie, j'aurais explosé de joie. J'avais hâte de raconter ma progression à Niels, de courir de nouveau avec lui, de ne plus avoir honte de le voir m'attendre, de fondre encore sous son sourire et ses encouragements si bienveillants, ses "let's go Charlie, you rock!". 

- Il paraît que les Américains rentrent demain ! 

J'étais à peine installée à la table du petit déjeuner dans le self de notre résidence universitaire que Maureen lâcha cette information à la cantonade. Mes cheveux encore humides retombèrent dans mes yeux alors que je levais la tête de surprise. Pour me reprendre et feindre le détachement, je croquais dans un petit pain à la cannelle. 

-Ah bon? 

Maureen, Apolonia, Pilar et Andreas éclatèrent de rire simultanément. 

-Tu peux nous refaire ce "ah bon" ? C'est si drôle ...

Elles continuèrent à glousser. 

-Et toi Charly? tu ne sais pas quand ils rentrent? 

Pilar me regarda pleine de malice dans les yeux. 

-Moi? Pourquoi je le saurais? 

-Tu as peut-être eu l'info par une carte postale? 

Je lançais à Apo un regard noir. Tu leur as dit? 

- Bah quoi? C'était un secret? Tu crois qu'on a pas toutes vu les cartes accrochées sur le mur de ta chambre ? ! 

Je savais ce qu'Apo manigançait: elle était en train de me jeter en pâture à tous les Erasmus pour me forcer à parler de Niels. Elle me trouvait trop silencieuse sur le sujet et me poussait dans mes retranchements. Depuis mon retour, je n'avais rien lâché sur mon absence de la Xmas Party et du fait que Niels avait planté Lara " so hot" en pleine soirée prétextant être fatigué. 

Quand rassasiées de toute l'histoire, nous sommes parties en cours, je suis revenue sur l'information lâchée par Maureen...Alors il allait bientôt rentrer?