4. [Grégoire] Je l'attendais déjà

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Et Catherine Lara chantait [https://www.youtube.com/watch?v=9S1HJGbw9yo]

Toujours en octobre,

Le jeudi soir suivant ressembla au précédent. Même début de soirée, même boite de nuit.

Mais j'attendais. Je l'attendais déjà.  Je n'avais bien sûr eu aucune nouvelle de lui de la semaine. Que savais-je de lui? Qu'il s'appelait Grégoire, qu'il était étudiant en 2ème année de droit et qu'il m'avait renversé le cœur de ses yeux.

Je n'avais rien dit de mon attente aux filles. Je ne voulais pas être cette fille qui regrettait une nuit de baise. Il avait été franc avec moi. Qu'aurais pu lui reprocher? Qu'aurais je pu attendre de quelqu'un qui trompe sa copine une nuit avec une fille rencontrée deux heures plus tôt sur une piste de danse?

Grégoire était parti au petit jour, avait une copine, ne m'avait pas contacté, aurait pu revenir, il savait où j'habitais après tout. J'avais sursauté à chaque fois que la sonnette de mon studio avait retenti dans la semaine. Mais il ne s'était rien passé et je l'attendais ce soir là.

J'étais assise sur une banquette avec les filles et nos voisins de palier à finir ma première margarita quand je l'ai vu sur la piste. Il était avec la même bande de copains. Pas de filles dans leur groupe. Je me suis demandée pourquoi sa copine ne venait pas. Qu'espérait-il de ces soirées-là? Il avait bu, moi aussi. Je le regardais évoluer au rythme d'une chanson de Police. J'avais envie de le rejoindre, envie qu'il me voit, qu'il me sourit, qu'il m'embrasse, qu'il me fasse l'amour. Et soudain je me suis demandée s'il allait se souvenir de moi, encore une fois. Ou alors il allait draguer une autre fille. J'ai vu leurs regards, les siens, ceux de ses copains,  se poser dans un coin de la boite de nuit où tout un groupe de filles discutait. J'ai dû me décomposer car Maude s'est penchée vers moi

-ça va ?Elle regarda dans la direction de ce que je semblais fixer. C'est pas le mec avec qui tu as passé la nuit jeudi dernier? ...pas mal dis donc. Tu vas le voir?

-non

-pourquoi? il te plaisait !  

C'est sûrement à force de le regarder qu'il m'a vu. Il s'est arrêté net de danser et sans sourire s'est approché de nous.

 - Mademoiselle Charly...Il s'est assis sur le pouf face à ma banquette, une table basse nous séparait

-Greg'...Il ne m'avait pas oublié. Ses yeux, son sourire ne m'avaient pas oublié

Et aussitôt, j'ai retrouvé cette incroyable assurance, cette certitude de séduction. Il a posé ses coudes sur la table, son menton dans ses mains et m'a souri.

- comment vas tu?

-bien et toi? Bien rentré?

-oui, je me suis traîné tout le vendredi en cours...

-faut dormir la nuit papy...

-c'est ce que j'avais prévu mais j'ai rencontré une fan de Daho et on a parlé musique toute la nuit...

Nous nous sourions comme deux gamins prêts à faire une nouvelle bêtise.

Il n'a pas fallu plus de deux minutes pour que nous nous embrassions à pleine bouche.  Sa main glissait dans mon cou, sur ma joue, dans mes cheveux. Je frissonnais ravie d'être assise pour pouvoir absorber l'océan d'émotions qui soudain me submergeait.  

J'avais fait cesser toutes les discussions à notre table. Louise et Maude mais aussi François, Nicolas  nous regardaient médusées par ce garçon sorti un peu de nul part. Je me contrefichais de tout ce qui pouvait bien se passer au delà de nous deux, de son corps penché sur le mien, de ses lèvres charnues qui engloutissaient les miennes. Ils ont vite repris leurs descentes de Margarita et Malibu ananas nous oubliant à nos baisers.

Les copains de Grégoire sur la piste de danse étaient moins indifférents. J'ai vite senti leur animosité, compris leurs regards, leurs réflexions. Plus Grégoire m'embrassait, plus ils revenaient à la charge tentant de l'entraîner avec eux.

-qu'est ce que tu fiches Greg?

-...Tu sais qu'il a une copine et qu'elle est très jolie?

Je ne répondais pas, Grégoire partait mais revenait toujours vers moi. Fichez nous la paix, une nuit, juste une encore.

Après avoir dansé un long moment tous les deux ou proches l'un de l'autre, nous sommes partis rapidement entre l'envie de les fuir et celle de nous retrouver.

- tu es certaine de vouloir que je monte?

Grégoire s'est arrêté  sur le perron de mon immeuble. Deux marches à franchir et il était chez moi.

- oui

Je l'ai embrassé. 

- je ne passerai pas toute la nuit avec toi...

-oui

Me coller à lui, ne pas le laisser douter, pas maintenant.

-Charlotte...

-Grégoire !

Ma bouche l'a persuadé, mes mains l'ont entraîné. Acte 2, le retenir?

Cette deuxième nuit ressembla à la première. Je savais cette fois-ci comment elle allait se finir et je décidais de tout donner pour lui montrer combien nous étions bien ensemble. Nous avons ri, fait l'amour encore et encore et puis parlé aussi. Un peu plus de nous, nous découvrant. J'appris que sa copine s'appelait Anne et qu'ils étaient ensemble depuis la terminale, donc depuis trois ans. Mais ils ne vivaient pas ensemble. Elle était en fac de lettres, n'aimait pas sortir. Alors il venait le jeudi soir souvent en boite pour finir la semaine avec ses potes étudiants avec qui il jouait au foot.

Nous n'avons pas développé plus. Je n'avais pas envie qu'il pense à elle quand il m'embrassait. La nuit avait été belle. Nous avions fait l'amour longtemps. Ses bras m'avaient enveloppé et j'étais bien. Quand sa respiration s'est calmée, j'ai profité encore un moment de cette tendresse imprévue avant de m'endormir moi aussi. J'étais calée en chien de fusil dans ses bras.

C'est lui qui a bougé le premier pour récupérer sa montre dans sa poche de jean et regardait l'heure. 7H20. Assis sur le bord de mon lit, il venait d'enfiler son caleçon qu'il avait rapidement abandonné par terre avec ses vêtements et  les miens. L'envie l'un de l'autre nous avait happé dans un tourbillon incroyable. 


-Charlotte...il va falloir que je parte.

J'aurais voulu lui cacher ma mélancolie mais au petit matin, fatigue et fin d'alcool aidant, elle s'est affichée sur mon visage en majuscules.

Il se rallongea allongé sur le flanc, un bras retenant sa tête. Sur le dos, je regardais le plafond de mon studio. La première lumière matinale transparaissait les rideaux de la grande fenêtre.

-Oui. Tu veux un café?

- Non Charlotte... j'avais déjà dit que je ne dormirai pas ici

- je te proposais juste

-Regarde moi

J'ai cessé de regarder le soleil sur mon plafond pour me tourner vers lui. Je ne pouvais pas cacher ce que je ressentais. 

- je n'aurais pas dû revenir. Je n'ai rien à te donner et je profite juste.

C'était vrai. Il allait partir, la retrouver, être heureux et je resterai seule. Je n'arrivais pas à me raisonner. En deux nuits, Grégoire m'avait conquise. J'aimais ses yeux, j'aimais ce qui se passait entre nous. Nous vivions des débuts de nuit magiques si fortes en séduction pour finir sur ces matins gris, de mélancolie pour moi, de mal-être pour lui. Si j'avais espéré après notre première  nuit le voir réapparaître, je savais cette fois-ci que c'était peine perdue. 

-Je n'aime pas être ce salaud et toi tu mérites mieux que ça. Regarde ce que je fais de toi. C'est la dernière fois que l'on fait ça. J'adore ces nuits avec toi mais on doit arrêter là.

Grégoire s'est rhabillé, je l'a regardé remettre ses vêtements. Sa chemise était froissée, ses cheveux emmêlés et je n'avais qu'une envie y passer mes cheveux comme cette nuit.

Grégoire ne reviendrait plus. C'était fini.

Et ses va-et-viens durèrent un an.

L'Hiver suédoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant