NÉGUENTRIA (Les Transformés - Tome 1)

Chapitre 22

Il fallut une quinzaine de minutes et quelques essais infructueux aux cinq amis pour que chacun parvienne enfin à retrouver sa forme humaine. Personne n'y arriva du premier coup. Athénaïs et Liam furent les plus rapides à comprendre comment procéder, aidés par leur statut de rapace. Varian ne tarda pas non plus. Axel et Judicaël eurent besoin de davantage de temps, perdus dans tout ce qu'il leur fallait ressentir et maîtriser. C'était loin d'être aussi aisé que de suivre les étapes d'une recette de cuisine. Après plusieurs soupirs exaspérés, Félix dut se résoudre à se Transformer lui-même pour leur réexpliquer en détail la manière de procéder.

Les jeunes gens furent également stupéfaits de réaliser qu'ils comprenaient à présent n'importe quel langage animal, et ce bien qu'ils soient redevenus humains. Ayant de nouveau repris sa forme originelle, Félix haussa les épaules à leur réflexion. Cette capacité ne le choquait plus depuis longtemps.

— Voyez, c'était pas si terrible, lâcha-t-il une fois qu'ils furent tous redevenus eux-mêmes.

— Pas si terrible, tu parles... maugréa Jude, un peu vexé d'avoir été le dernier à se métamorphoser.

— Commence pas, le clebs. Vous avez eu d'la chance que j'sois là, j'crois.

— C'est vrai, reconnut Varian, désireux de tempérer l'ambiance qui s'était tout à coup refroidie. Merci, on s'en serait pas tirés sans toi.

— D'ailleurs, comment tu savais qu'on était là ? l'interrogea Axel.

— Les araignées. On les voit jamais en surface, d'ordinaire, mais elles se sont remises à rôder dans l'coin depuis quelques jours. Sachant qu'c'est cette planque que Seth utilise quand il s'en prend à des Terriens, on en a déduit qu'il avait recommencé.

— On ?

— Allez. Si vous pouvez parler, vous pouvez avancer, fit l'homme en frappant sèchement dans ses mains avant de se redresser, esquivant la nouvelle question du Kitsune. On en a encore pour deux bonnes heures, à pied. Vous tiendrez ?

Son regard d'or s'attarda sur Athénaïs, Judicaël et Varian, qui acquiescèrent tous les trois en silence. Leurs blessures étaient certes douloureuses, mais ne les empêchaient pas de marcher. Les plus légères d'entre elles avaient même cessé de saigner. À présent qu'ils avaient subi leur Transformation initiale, ils se sentaient presque revivre. Les cinq amis se remirent donc debout et suivirent leur sauveur à travers les bois.

Félix progressait à leur tête sans marquer d'hésitation. Il paraissait connaître la forêt comme sa poche et avançait entre les arbres avec une aisance déconcertante. Dédaignant les pistes qui paraissaient toutes tracées, il les faisait parfois couper parmi la végétation touffue, ignorant leurs protestations lorsqu'ils traversèrent des bosquets de ronces qui leur griffèrent les jambes. Il retenait néanmoins les branches qui leur barraient la route pour la personne juste derrière lui, à savoir Athénaïs.

Ils cheminèrent ainsi à la file indienne pendant plusieurs dizaines de minutes. À un moment, la jeune femme ne parvint pas à rattraper à temps un long rameau de feuilles dures. Le végétal lui fouetta le visage et les bras, provoquant une fine coupure au niveau de sa joue gauche et ravivant la douleur de ses points de suture. Athénaïs poussa un grognement. Ayant senti qu'elle n'avait pas saisi la branche qu'il lui retenait, Félix jeta un regard par-dessus son épaule et constata son état.

— Merde, déso.

— T'inquiète, Sun.

— Athé ? Ça va ? l'interpella en même temps la voix lointaine d'Axel.

Le Kitsune cheminait presque en fin de file, mais tout comme pour la jeune femme, son ouïe était devenue hypersensible à la suite de sa Transformation. Il avait donc perçu sans peine la plainte de son amie. Celle-ci lui répondit sans trop élever la voix.