Chapitre 35

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Varian avait franchi plusieurs croisements et parcouru de nombreuses rues sans avoir rencontré personne. Tous les habitants de la Citadelle semblaient être couchés. Revenant sur ses pas, il commençait à peine à se sentir rassuré et à se détendre lorsqu'il entendit un brusque raffut métallique provenant de l'endroit où il avait laissé ses deux amis. Alors qu'il s'apprêtait à tourner au coin d'une maison, il se figea et tendit l'oreille. Comme il le redoutait, des bruits de course ne tardèrent pas à résonner entre les murs de pierre. Avec un soupir contrarié et inquiet, le jeune homme avança en redoublant de prudence.

Revenu près du pont, il s'arrêta juste à temps pour se dissimuler derrière une rangée de tonneaux et observa la scène en catimini. Les mains levées, ses deux amis faisaient face à une dizaine de gardes casqués, armés de torches et d'épées. Ils étaient parés d'armures métalliques et de tuniques en tissu. Leur équipement se fondait dans cet environnement moyenâgeux, y rendant la présence d'électricité ou de revolvers d'autant plus ahurissante.

— Ça pue, l'histoire, là...

Axel tenta un geste d'apaisement, mais releva bien vite les mains sous la menace du soldat le plus proche. Le seul officier muni d'une cape s'avança et prit la parole.

— Messieurs, que faites-vous dehors après le couvre-feu sans milicien pour vous accompagner ?

Malgré le casque qui étouffait sa voix, les intonations du haut gradé étaient féminines. Axel et Judicaël ne s'y attendaient pas et marquèrent un bref instant de surprise. Derrière ses tonneaux, Varian jura tout bas.

— Merde, un couvre-feu. Manquait plus que ça.

— Et toujours en tenue de travail alors que la dernière expédition minière d'aujourd'hui est rentrée il y a déjà plusieurs heures, ajouta la femme d'un ton suspicieux en penchant la tête face à leurs vêtements noirs parfaitement identifiables.

— Euh, je ne me sentais pas bien, j'avais besoin de prendre l'air... improvisa le Breton d'un ton hésitant.

— Cela nécessitait une baignade nocturne ? souligna-t-elle avec une ironie grinçante en désignant leurs habits trempés de la pointe de son épée dégainée.

— Non, ça, c'est moi... intervint Axel d'une voix aussi mal assurée que celle de son ami.

Il fixait la femme avec autant de discrétion que possible afin de mettre ses pouvoirs psychiques en application et tentait de manipuler ses émotions pour la convaincre qu'elle et ses hommes n'avaient rien à craindre d'eux. Mais son stress rendait l'exercice périlleux.

— Je suis tombé dans l'eau, il est venu à mon secours, et... euh...

Quelque chose n'allait pas avec ces deux-là, elle le pressentait. Même si un instinct inconnu tentait de lui souffler que tout allait bien et qu'ils n'étaient pas dangereux... Mais la soldate n'avait pas l'habitude de se laisser dicter ses actes par ses émotions. Elle ne croyait que ce qu'elle voyait ou entendait ; elle se fiait à des preuves tangibles et concrètes avant d'agir. Et à l'heure actuelle, rien ne lui certifiait qu'elle pouvait accorder sa confiance à ces individus suspects.

L'un de ses hommes l'interpella à mi-voix et s'avança pour lui murmurer quelques mots à l'oreille. C'était bien ce qu'elle pensait. Elle approuva les doutes du milicien d'une inclinaison de tête avant de reporter son attention sur les deux intrus.

— Qui êtes-vous ? Je n'ai pas souvenir de vous avoir déjà aperçus dans l'enceinte de la Citadelle.

— Euh, c'est compliqué, commença à paniquer Axel en réalisant qu'ils étaient pris au piège. On... euh...

Son angoisse grandissante l'empêchait de continuer à utiliser son don. Sa concentration faiblit et il perdit le peu d'emprise qu'il avait sur son interlocutrice. Elle en était désormais certaine : ils avaient quelque chose à se reprocher. Tout sentiment d'apaisement oublié, elle emprunta une torche à l'un de ses hommes et la brandit en direction du plus frêle des inconnus, qui continuait de balbutier sans que personne ne l'écoute.

NÉGUENTRIA (Les Transformés - Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant