NÉGUENTRIA (Les Transformés - Tome 1)

Chapitre 28

Au contraire de ses deux amis, Varian n'avait eu aucun problème à maîtriser sa partie animale. Dès sa première Transformation, il avait accordé toute sa confiance à Félix. Il avait suivi aveuglément le moindre de ses conseils et les choses s'étaient déroulées à merveille pour lui. Au bout de trois jours, il savait se métamorphoser aussi bien que le Phénix de Feu lui-même.

Il lui avait en revanche fallu un peu plus de temps pour découvrir toutes les subtilités de son corps de lion, et il avait même offert un beau fou rire à ses amis lorsqu'il avait tenté de rugir pour la première fois. Il n'avait pas osé y aller trop fort et avait par conséquent émis une sorte de gros miaulement ridicule. Comble du miracle : même Félix avait esquissé un bref sourire en coin moqueur, avant de lui conseiller de recommencer à pleine puissance. Athénaïs et Axel avaient prévu le coup en se bouchant les oreilles. Varian avait hoché la tête en agitant sa crinière, inspiré profondément, puis fermé les yeux.

Cette fois, il avait poussé un rugissement retentissant.

Étant l'un de ceux qui avait le plus de facilités avec sa Transformation, Varian ne tarda pas à s'ennuyer pendant que Félix s'acharnait à poursuivre ses explications auprès d'Axel et de Jude. Une idée amusante lui vint bientôt en tête. C'était complètement salaud de sa part, mais... à présent qu'il y avait songé, il n'allait pas pouvoir s'empêcher de la mettre en application.

Un après-midi, alors qu'ils s'entraînaient tous comme à leur habitude, Varian prit une pause de quelques instants et observa ses amis. Athénaïs et Liam batifolaient dans les branches basses d'un arbre proche. Axel venait tout juste de se changer en Kitsune et lissait distraitement ses queues du bout du museau. Un peu plus loin, Judicaël et Félix semblaient s'engueuler, pour changer. Le lion soupira. Il n'aimait pas la tension constante qui régnait entre ces deux-là, mais il ne pouvait pas y faire grand-chose.

Il ouvrit la gueule comme pour bâiller d'ennui, ce qui n'était pas si faux en soi...

... et rugit de toute sa voix de stentor, faisant vibrer les végétaux alentours et s'envoler une nuée d'insectes paniqués.

Le loup et le Phénix de Feu se retournèrent en lui lançant un regard noir. Cela avait au moins eu le mérite de les mettre un instant sur la même longueur d'onde ! Dans son arbre, la chouette effraie géante grimaça de douleur et manqua la branche sur laquelle elle projetait d'atterrir. Elle se rattrapa in extremis un peu plus loin avant d'insulter copieusement le lion dans un chuintement furieux. Elle avait l'audition sensible, elle, non mais oh !

Le Kitsune aussi, d'ailleurs. Mais lui se trouvait encore plus proche de Varian... et ne s'attendait pas non plus à son rugissement-surprise.

Pour toute réaction, Axel poussa un glapissement strident... avant d'écarquiller les yeux, de vaciller et de s'écrouler au sol.

En un bond, le lion fut auprès de lui, confus et inquiet. Il ne tarda pas à être rejoint par le Phénix Noir, descendu de sa branche grâce à un drôle de vol plané pas encore parfaitement maîtrisé qui le fit s'écraser au sol, près du corps du renard.

— Dégagez d'là, vous !

Alors que les deux animaux paniquaient, Félix fourra une main dans la crinière de Varian, plaqua son autre paume contre l'une des ailes de Liam, et les écarta sans douceur pour poser un genou à terre devant le Kitsune inconscient. Rapidement, il palpa ses flancs puis son cou, avant de secouer la tête et de foudroyer le lion du regard.

— Crise cardiaque, siffla-t-il. T'es fier de toi ?!

— Ça va, c'est pas si grave, avec lui... ?

— Tu lui as niqué une de ses vies pour un motif à la con.

— J'ai pas fait exprès, c'est bon...