Lorsque j'arrivai au club privé, on m'informa que William n'était pas encore arrivé. Je m'installai dans un coin et commandai une assiette d'œufs brouillés et un peu de thé. De l'autre côté de la salle, deux gentlemans commençaient leur journée par un brandy. Pour ma part, je n'appréciai pas boire de l'alcool aussitôt et mon oncle m'avait bien fait comprendre qu'il fallait garder le plus longtemps possible l'esprit clair si l'on souhaitait rester à l'affût d'opportunités et de ne pas se laisser embarquer dans des investissements suspects.
J'avais eu plusieurs fois l'occasion de voir Alexander prendre au piège un escroc qui pensait pouvoir le berner et déjouer les plans de ce dernier. J'avais mis du temps à remarquer que le verre d'alcool que prenait mon oncle en début de soirée ne se vidait pas avant notre départ. Il trempait les lèvres dans les liqueurs qu'on lui proposait en avalant le moins possible. Avec le temps, j'avais également pris cette habitude. En revanche, sa consommation de thé faisait la richesse des marchands de la capitale française.
Le niveau sonore des deux hommes commença à monter et des brides de leur conversation me parvinrent. Si les péripéties de l'un des fils cadets d'un nobliau désargenté m'ennuièrent comme plusieurs gentlemen présents, mon attention fut attirée lorsque le nom d'Eleanor fut mentionné.
— Lady Eleanor est de retour. Veux-tu parier pour savoir qui sera son prochain fiancé ?
Son compère haussa les épaules.
— Il n'y a pas de suspense, Lord Cavendish a dansé avec elle la première valse. Sa saison va être d'un ennui. En revanche son amie, Miss Templeton, je miserais plus sur elle pour un scandale, surtout après avoir été chaperonnée par la baronne Latimer.
— De toute façon, elle porte la même tare que sa mère, elle est immariable.
Je m'éclaircis bruyamment la gorge, ces deux idiots me regardèrent surpris, mais nullement coupables de propager de tels rumeurs. Je me levai et m'approchais d'eux, le plus vieux des deux me reconnut.
— Brackley, vous êtes revenu de France.
Je le toisais.
— Par moment, je me demande si je ne devrais pas repartir que de vous entendre dire des âneries sur deux des familles anciennes et très respectées du royaume. Votre arbre généalogique impressionne beaucoup moins que les leurs, Wilson. Je vous souhaite que mon ami Pembroke n'apprenne jamais que vous parliez de sa sœur en mentionnant un pari. Vous avez de la chance qu'il ne soit pas encore arrivé, votre conversation n'aurait pas eu les mêmes conséquences.
Je les foudroyai du regard une dernière fois. L'ami de Wilson donna un coup de coude à son ami et montra d'un signe de tête William qui venait d'entrer dans la pièce. Ils prirent la fuite rapidement en abandonnant leurs verres à moitié remplis. Will me rejoignit et me demanda :
— Que faisais-tu avec ces imbéciles ?
Je soupirai et entraînai mon ami vers la table que j'occupais, le valet m'attendait juste à côté avec mon repas et mon thé. Will passa commande et je lui répondis :
— Ils étaient insupportables. Je leur ai demandé de partir avant d'appeler quelqu'un pour les faire sortir s'ils continuaient à boire et à vociférer.
Will soupira, la fatigue se lit sur son visage.
— Certains n'arrivent jamais à se tenir en public, c'est désolant. Rien qu'une soirée de bal m'a déjà donné l'envie de repartir dans mon domaine. Cela m'ennuie de laisser Eleanor toute seule, mais je n'aurais l'esprit tranquille tant que je n'aurais pas vérifié le matériel.
— Je pense que tu n'as pas de soucis à te faire pour Eleanor. Elle a bien été accueillie hier soir et Lady Catherine veillera à ce qu'il ne lui arrive rien.
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Correspondances avec la Marquis (anciennement Réputation) -Terminé
RomanceAngleterre 1843 Andrew rentre en Angleterre après cinq années passées en France avec son oncle. Il retrouve sa place parmi les pairs du royaume, ses proches et surtout Eleanor, la soeur de William, son meilleur ami. Pendant ses cinq années, ils ont...