Chapitre 14 - Eleanor

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Pendant le petit-déjeuner, Archie récitai, à Tante Kate et moi, sa leçon d'histoire de la veille. Sa mère corrigeait ses erreurs avant de le féliciter pour ses progrès. Mon cousin en profita pour négocier une après-midi de libre, mais Tante Kate coupa court à ses revendications. Archie ouvrit la bouche, je crus un instant qu'il allait argumenter, mais il s'exclama.

— Will ! Tu es de retour ! Tu peux m'emmener faire du poney ?

Bouche bée, je regardais mon cousin se lever de table pour se précipiter vers mon frère qui le prit dans ses bras et le serra contre lui. Ma surprise passée, je me levai pour étreindre William.

— Les travaux sont terminés ? demandai-je.

— Pas tout à fait, le plus gros est achevé. Je suis en ville pour quelques jours puis je repars pour deux semaines et tout cela sera enfin terminé.

Mon frère me rendit mon étreinte avant de déposer un baiser sur mon front et de s'écarter pour serrer Tante Kate contre lui. Cette dernière dut intervenir pour demander à son fils de cesser d'importuner Will.

— Archie ! Will vient seulement d'arriver, nous verrons demain si tu as le droit de faire du poney. Je demanderai à ton précepteur ce soir si tu as été sage toute la journée.

Elle se tourna ensuite vers mon frère.

— Bon retour parmi nous, Will. Les Sinclair donnent un bal ce soir, souhaites-tu nous accompagner ? Je suis désolée de te le demander si tôt, mais si je dois contacter Lady Susan, je préfère le faire rapidement.

Mon frère acquiesça puis s'excusa pour aller se rafraîchir et se changer.

Il revint me voir plus tard dans l'après-midi. Je lisais un livre dans la bibliothèque quand il s'assit sur le fauteuil à côté du mien.

— Aucun gentleman n'est venu t'inviter pour une balade aujourd'hui ?

Je souris.

— Il est essentiel d'avoir des moments de pause de temps en temps. Tante kate doit rencontrer l'un des intendants de Clifford House. J'ai saisi l'occasion pour rester à la maison et lire avant de retourner dans le bruit et la foule des bals.

Will rit.

— J'avoue qu'après plusieurs semaines à être seul, je suis content d'avoir un peu de bruit. Je ne supporte plus celui de mes pas. Est-ce que cela te dit de venir en balade avec moi ? Tu m'as manqué ces dernières semaines.

Je remis le marque-page et fermai mon roman.

— J'appelle Lisa pour lui demander de m'aider à me chnager. Nous nous retrouvons dans l'entrée dans une dizaine de minutes.

— Je vais faire préparer le phaéton en t'attendant.

Le sourire aux lèvres, je repartis dans ma chambre le pas rapide.

Le long du trajet, Will me donna des nouvelles du domaine. Cela me fit réaliser à quel point j'avais été entourée ces dernières années et que je me sentais seule ici à Londres. À l'entrée de Hyde Park, je remarquai deux demoiselles que je n'appréciais pas. Me souvenant de leurs médisances, je plissais le nez et mon frère m'interrogea du regard.

— Miss Isabella et Lady Dorothy sont là. J'espère qu'elles ne vont pas nous voir.

— À Hyde Park ? Cela m'étonnerait surtout que j'ai été absent un peu plus d'un mois. Je vais sûrement être l'attraction de la Haute Société pendant ces quelques jours, se moqua-t-il.

J'éclatai de rire avant de lui chuchoter.

— Bien joué, tu as maintenant toute leur attention.

Je préparai mon plus beau sourire de façade, celui qui fait le plus transparaître ma froideur sans paraître impolie. Elles s'exclamèrent à mon approche.

— Lady Eleanor ! Vous n'êtes pas accompagné de Lord Cavendish ?

Avant que je puisse dire quoi que ce soit, Will répondit.

— Pour une fois, je profite de la compagnie de ma soeur.

Miss Isabella fut la première à comprendre et minauda.

— Lord Pembroke, je m'excuse, je ne savais pas que vous étiez de retour. Allez-vous rester jusqu'à la fin de la saison ou comptez-vous repartir bientôt ?

— Je suis ici seulement pour quelques jours pour affaires, puis je retourne sur ma propriété.

Elle cacha difficilement sa déception.

— Oh ! Et vous vous promenez avec votre soeur ?

Le ton de Will devint un peu plus condescendant.

— Je passe du temps avec une personne de ma famille que j'aime et que je n'ai pas vu depuis un mois. Je ne vois pas de mal à cela. Maintenant, je vous prie de nous excuser, mes demoiselles, nous ne devons pas nous attarder. Nous sommes invités au bal des Sinclair et nous devons nous préparer.

Après de brêves excuses, elles nous laissèrent.

— Tu as raison, elles sont insupportables, grimaça Will. J'ai presque envie de repartir ce soir.

Nous terminâmes la balade en saluant quelques amis et nous retrouvâmes Tante Kate et Archie pour le restant de l'après-midi.

Au bal des Sinclair, nous saluions Anthony, sa mère et sa soeur. Lady Grace se montra plus réservée que lors de la soirée musicale. Will me réserva la première de la soirée puis je valsai avec Lord Damian puis la suivante avec Andrew. Pendant que nous tournoyâmes, je lui murmurai.

— Je n'ai pas eu le temps de vous écrire une réponse. L'arrivée de Will à boulversé mes plans. Si vous le souhaitez, nous allons demain soir à l'opéra avant le départ de mon frère. Je pourrais vous transmettre à cette occasion ma réponse.

— Votre frère sera-t-il au courant ?

— Seulement si vous lui en touchez un mot.

— Dans ce cas, je verrai avec Lady Cornélia si cette sortie peut l'intéresser.

Nous échangâmes discrètement un sourire avant de nous concentrer sur le reste de la danse.

À la fin de la soirée, Lord Damian e retrouva dans la salle des rafraîchissements.

— Lucy n'est pas là ? me demanda-t-il.
J'eus un sourire gêné.

— Disons que Sir Frederik tient encore rancune à Lord Sinclair. Bien entendu, sa femme a trouvé une excuse plus diplomate pour ne pas blesser Lady Susan. Si on vous le demande, le Marquis d'Hertford les a convié à un repas de famille en petit comité.

— Je comprends. Je voulais vous informer que ma mère va organiser une partie de campagne dans l'une de nos résidences à quelques heures de Londres. Officiellement, cela sera pour fêter le retour de mon frère après plusieurs mois en Italie où il est parti étudier.

— Lord Grey, Matthew, sera présent. Voulez-vous que je fasse inviter Brackley ?

— S'il vous plaît.

— J'espère que vous savez ce que vous faites, Lady Eleanor.

Il commença à partir, je l'interpelai.

— Attends.

Il s'arrêta et je continuai.

— Je pense qu'il faut profiter de l'occasion pour que nous nous éloignions en public et que vous vous rapprochiez de Lucy. Si vous voulez que votre union se fasse plus naturellement pour la société, cela serait raisonnable de commencer rapidement.

Il acquiesça. Je le regardai s'éloigner et me remémorai ses paroles. J'espère que vous savez ce que vous faites. Si seulement, j'en avais la moindre idée. La seule chose dont j'étais convaincue était de suivre mon coeur et ce dernier ne cessait de me pousser vers Andrew.

Correspondances avec la Marquis (anciennement Réputation) -TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant