Chapitre 17 - Andrew

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— Brackley ! Puis-je échanger quelques mots avec vous ?

— Bien sûr.

Cavendish regarda Eleanor et Lucinda s'éloigner avant de reprendre la parole.

— Si vos intentions envers Lady Eleanor sont sérieuses, ne perdez pas de temps. Lord Grey s'apprête à lui proposer à nouveau le mariage...

Ma conversation de la veille avec Cavendish faisait écho à la dernière que j'avais eu avec Lady Cornélia. Je regardais au loin Eleanor prendre place à côté de Lady Adélaïde et de Sinclair sur la couverture posée au sol. L'idée du pique-nique organisée par Lady Olivia avait fait fuir son fils cadet. Malgré les efforts de sa mère, la procimité avec les membres de la haute société le mettait mal à l'aise. J'avais surpris Lady Dorothy pointer du doigt l'oeil de Piers et cette dernière avait ensuite ricané avec son acolyte Miss Isabella. La colère, que j'avais ressentie, avait à peine été assouvie quand Lady Dorothy s'était étallé devant tous les invités en trébuchant sur un caillou à notre arrivée sur les lieux. Cavendish, de son côté, s'était installé auprès de Lucinda et de Lady Catherine qui les surveillait de près.

Lord Grey vint me rejoindre au moment où je m'apprêtais à retourner vers le groupe.

— Brackley, je souhaite vous parler en privée à propos d'Eleanor ? Auriez-vous quelques instants ?

J'acquiesçai et il reprit la parole.

— J'aimerais savoir quels sont vos intentions visi-à-vis d'elle ? Avant la mort de son père, elle m'avait confié que vous aviez entretenu une correspondance. À l'époque vous étiez en France et, d'après elle, vos échanges lui avaient permis à surmonter le deuil de sa mère.

— En effet, ayant vécu le même drame, nous avons beaucoup partagé sur le sujet.

— Et vos intentions ? Votre retour bouleverse mes projets. J'aimerais lui proposer à nouveau le mariage, mais après l'avoir vu en votre compagnie, hier soir, je ne suis pas certain qu'elle réponde par l'affirmative. Eleanor est une amie, je ne voudrais pas qu'elle accepte ma proposition par obligation.

— Eleanor a été très longtmeps seulement une amie, mais dernièrement, je la vois différemment. Pour être honnête, après la partie de campagne, je vais contacter son frère et je compte demander la main d'Eleanor très rapidement. Je ne souhaite pas le faire plus tôt, j'ai cru comprendre que cette partie de campagne était l'occasion pour Cavendish de proposer le mariage à Miss Lucinda.

— Êtes-vous amoureux d'elle ? Elle mérite le bonheur.

— Et j'espère lui rendre au centuple celui qu'elle m'apportera. Chacun de ses sourires, chaucun de ses regards percutent mon âme. J'ai l'impression de faillir à chaque fois que je la tiens entre mes bras. Je l'aime comme je n'ai jamais aimé.

Lord Grey me fixa un instant avant de se tourner vers les autres.

— Merci, même si je reste persuadé qu'elle et moi pourrions former un couple assorti, je ne peux pas lui faire la même déclaration.

Sur ces derniers mots, il me laissa seul et je rejoignis le groupe d'Eleanor, Sinclair et Lady Adélaïde.

Notre sortie fut malheureusement écourtée par une averse, brève mais intense. Plusieurs demoiselles crièrent lorsque la pluie s'abatta sur nous. Eleanor éclata de rire suivi par Lady Adélaïde. Sinclair et moi avions sacrifié nos vestes pour les couvrir. Des voitures furent vite envoyés pour nous permettre de rentrer nous abriter. Nous fûmes les derniers à rejoindre un véhicule. Je m'assis à côté d'Eleanor tandis que Sinclair prit place vers Lady Adélaïde. Quand la voiture se mit en marche, la jeune femme devint blanche et elle s'agrippa au bras de Sinclair.

— Respirez Adélaïde. Nous sommes bientôt arrivés.

Eleanor se pencha vers elle et prit sa main libre.

_ Lady Adélaïde, je vois déjà le manoir, nous y sommes presque. L'averse s'est calmée, il n'y a rien qui peut nous arriver.

La panique de Lady Adélaïde s'atténua au fur et à mesure de leurs paroles. Elle retrouva son calme peu de temps avant notre arrivée. Sinclair l'aida à sortir en premier. Je serrai brièvement la main d'Eleanor avant qu'elle ne sorte. Elle m'adressa un sourire bref et complice et mon coeur s'emplit de joie.

Le soir les conventions sociales reprirent leur place. Je me retrouvais entourer de Lady Dorothy et de Lady Adélaïde. Je réussis à éviter de converser un maximum avec la première et demandai des nouvelles à la deuxième. Après le repas, un jeu de charade fut organisé et je me retrouvais dans l'équipe de Lucinda. L'enthousiasme de certains participants nous laissaient peu de place pour jouer. Elle entama la conversation.

— Avez-vous pu parler à Eleanor aujourd'hui ? Je veux dire une conversation plus approfondie que le permet la Société ?

— Je n'ai pas pu discuter avec elle de cette manière.

Elle afficha un air déçu.

— J'ai eu des paroles malencontreuses hier soir et je n'ai pas pu voir avec elle si elle m'en voulait encore.

Je retins ma surprise.

— Que s'est-il passé ?

Elle éluda ma question.

— Je vais être indiscrète, mais j'aimerais que vous me répondiez. Aimez-vous Eleanor ?

— De tout mon coeur.

Voyant qu'elle s'apprêtait à me questionner à nouveau, j'ajoutai.

— Et mes intentions vis-à-vis d'elle sont honnêtes et sérieuses.

Elle fut soulagée.

— Je m'excuse Lord Andrew d'avoir douté de vous. Dans ce cas, je dois vous informer qu'Eleanor envisage de partir rejoindre son frère dans leur domaine. Elle m'en a parlé avant de venir ici.

Elle ne put en dire davantage car ce fut son tour de jouer.

À la fin de la soirée, je m'installai sur mon bureau et ouvrit mon écritoire de voyage. Je trempai ma plume dans l'encrier et commençai à écrire.

Eleanor,

Vous ne lirez cette lettre qu'une fois de retour à Londres. Vous voir chaque jour me ravit et augmentze à la fois mon impatience. J'ai hâte de pouvoir vous aimer au grand jour. Peut-être trouverais-je le courage de vous avouer clairement mes sentiments avant la fin du séjour. Sachez cependant que mon coeur vous est totalement dévoué.

Correspondances avec la Marquis (anciennement Réputation) -TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant