Lady Olivia a annulé les jeux prévus pour la soirée. Ni Eleanor, ni Lucinda, ni Cavendish n'étaient présents au repas. Piers m'informa de l'amélioration de l'état de santé de Lucinda. Lady Catherine, elle, me rassura en me disant qu'elle avait obligé Eleanor à rester dans sa chambre, le temps qu'elle se remette de ses émotions. Le reste de la soirée me parut sans intérêt et je prétextais rapidement la fatigue pour fuir une fois que j'en eus l'opportunité. Je partis en direction de la bibliothèque ne souhaitant pas m'enfermer dans ma chambre jusqu'au lendemain. Je croisai Cavendish dans le couloir et lui demandai :
— Comment va Miss Lucinda ?
Il sourit aux anges.
— Beaucoup mieux, elle est encore faible, mais elle va se rétablir rapidement d'après mon frère. Je suis heureux de vous apprendre que Lucy a accepté de devenir ma femme. Je pars demain matin demander sa main auprès de son père et les informer de son accident.
Je le félicitais et commençai à m'éloigner quand il m'interpella :
— Brackley ! Lucy m'a dit qu'Eleanor avait eu peur d'une guêpe. Mon frère m'affirme qu'elle vous en a parlé quand vous l'avez sorti de l'eau. Je ne remets pas en doute sa peur, d'ailleurs le valet confirme avoir vu l'insecte quelques instants avant leur chute. Savez-vous ce qui aurait pu provoquer cette réaction disproportionnée ?
Un vieux souvenir remonta à la surface.
— Quand Eleanor était encore une jeune adolescente, douze ans si mes souvenirs sont bons, je suis allé passer l'été chez les Berkeley. Ma mère était décédée l'année précédente et je redoutais de rester seul pendant les vacances, mon père devant se rendre à Londres. Feu le Comte et la Comtesse de Pembroke m'ont invité à les rejoindre sur leur propriété. Un après-midi, Eleanor montait une jeune jument qui venait d'être achetée. Cette bête était nerveuse aussi fougueuse que sa jeune propriétaire à l'époque. Le Comte surveillait sa fille tout en nous houspillant, car William cherchait à déstabiliser sa sœur. L'ambiance était bon enfant jusqu'à ce qu'une guêpe vienne piquer la croupe de la jument qui s'est cabrée de surprise. Eleanor est tombée et la jument, paniquée, est devenue dangereuse. Lord Pembroke a sauté par-dessus la clôture pour sauver sa fille et Eleanor a échappée de peu à un coup de sabot. Depuis elle a en horreur les insectes qui bourbonnent. Pourquoi votre valet ne nous a pas aidé à les sortir de l'eau ?
— Il ne sait pas nager ou très peu. Je préfère qu'il soit resté sur la barque plutôt que d'avoir eu une personne de plus à sauver.
Nous nous séparâmes juste après ces paroles, j'entrai dans la bibliothèque. Au fond de la pièce se tenait Eleanor qui cherchait un livre à l'aide d'une bougie. Elle me tournait le dos, c'était la première fois que je la voyais dans une tenue aussi simple. Ses cheveux étaient nattés, elle portaint une robe sans fioriture avec un châle autour de ses épaules. Je m'éclaircis la gorge pour lui indiquer ma présence. Elle sursauta avant de me sourire quand elle me vit. Je m'avançai vers elle.
— Andrew. Vous aussi, vous cherchez quelque chose pour vous distraire cette nuit ?
La tentation de la serrer dans mes bras se fit pressant, mais j'y résistai de peur de la brusquer surtout après nos aventures de l'arès-midi. Elle leva son regard vers le mien, elle avait pleuré. Je tendis le bras pour poser ma main sur son épaule. Lentement de sa propre initiative, mes doigts glissèrent le long de son bras pour aller s'emmêler avec les siens. Nos mains jointes, je lui demandai avec douceur :
— Comment vas-tu Eleanor ?
Elle inspira profondément.
— Je me sens coupable. Lucy aurait pu se noyer à cause de moi.
VOUS LISEZ
Correspondances avec la Marquis (anciennement Réputation) -Terminé
RomanceAngleterre 1843 Andrew rentre en Angleterre après cinq années passées en France avec son oncle. Il retrouve sa place parmi les pairs du royaume, ses proches et surtout Eleanor, la soeur de William, son meilleur ami. Pendant ses cinq années, ils ont...