Chapitre 1 - Armelle

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LES PIEDS DANS LE VIDE, une cigarette à la main, j'observe les voitures, minuscules petits points de couleur, se déplacer sur les grandes routes bétonnées

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LES PIEDS DANS LE VIDE, une cigarette à la main, j'observe les voitures, minuscules petits points de couleur, se déplacer sur les grandes routes bétonnées. Ma cigarette se consume, avec une lenteur infinie, et, bientôt, les dernières braises me brûlent le bout des doigts. Je jette le mégot,et respire un grand coup, des larmes aux coins des yeux.

Je balance doucement mes jambes dans le vide. Savoir qu'au moindre faux pas tout peux s'arrêter augmente l'adrénaline dans mes veines. Qui me fait vibrer. Si je tombe, tout s'arrête. C'est la fin. Le noir total. La mort. Mais au final, est-ce que ce n'est pas ce que je veux ? La mort est tellement, tellement plus simple que la vie, enchaînement de destruction et de tristesse. De colère et de haine.

Un vent frais agite mes cheveux blonds. Je ferme les yeux et le laisse s'infiltrer dans tout mon corps. Sous mon sweat, je frissonne. J'ai l'impression que Paris n'a jamais connu d'hiver plus froid que celui-ci.

- Mademoiselle, vous allez attraper froid, avec tout ce vent. Clame Flora, la femme à tout faire de chez moi.

Je serre les mâchoires.

- C'est pas un rhume qui va me tuer, Flora. Je réplique en me levant.

Flora écarquille les yeux quand elle me voit debout sur le bord du toit. Si je glisse, je tombe. Et personne ne me pleura. Maman versera quelques larmes de crocodile en pensant secrètement que c'est mieux d'avoir perdu sa fille suicidaire, et je ne sais même pas si Papa se rendra compte de quelque chose, sûrement trop occupé à s'occuper de ses clients blindés de thune. Et ce n'est sûrement pas mon lycée qui organisera un truc hypocrite où tous les gens qui ne me connaissaient pas viendraient vanter des exploits que je n'ai jamais accompli. Parce que je ne suis même pas capable de vivre, de serrer un peu les dents en me disant que dans quelques années, tout va s'arranger. Enfin, c'est ce que mes psychologues hors de prix m'assurent.

- Votre mère vous cherche, Mademoiselle. Elle doit vous dire quelque chose de très important. Continue Flora en camouflant ses mains tremblantes derrière elle.

Je soupire, regarde une derrière fois en bas, et descends du rebord. Je vois Flora soupirer de soulagement et repartir, pieds traînant, vers la cage d'escalier.

Je passe une main dans mes cheveux, me frotte les yeux, et enfonce les mains dans les poches de mon jogging, avant de descendre à mon tour. Quand Maman a quelque chose d'important à dire, c'est que cette chose-là n'est pas vraiment agréable à entendre.

Maman porte son habituel tailleur bleu marine repassé à la perfection

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Maman porte son habituel tailleur bleu marine repassé à la perfection. Elle est assise sur le canapé en cuir du salon, sa main gauche croisée sur celle de droite. Mon petit-frère, Loan, était assis à ses côtés, la tablette dans ses mains, en train de regarder un épisode de Tchoupi. C'est dingue de voir à quel point ma mère n'en a rien à faire que Loan passe ses journées sur son écran à regarder des trucs débiles.

Au bout de quelques minutes à attendre en silence devant ma mère, celle-ci s'aperçoit de ma présence, et daigne enfin lever les yeux de son portable.

- Ah, Armelle. Je te cherchais. Dit-elle en se lissant les cheveux de la main.

Je lève les yeux au ciel, attendant qu'elle crache le morceau.

- Tu te rappelles de l'Institut à la montagne dont je t'avais parlé, après...

Elle avale péniblement sa salive, ses doigts fins triturant le bouton de son tailleur.

- Après ta...tentative.

Elle avait chuchoté le dernier mot avec une voix fluette qu'elle utilise quand elle est gênée.

- Oui ? Je fais, en fronçant les sourcils.

- Eh bien, je t'ai inscrit là-bas pour huit mois. Le temps que tu te remettes de ça.

Je laisse tomber mes bras le long de mon corps, et fixe ma mère avec stupeur. Un silence pesant envahit la pièce, et seules les voix du dessin animé de Loan brisent ce calme. Je crois qu'une larme rencontre ma joue, et finit sur le parquet du salon.

Peut-être que j'aurais dû mourir, cette nuit-là.

- Flora a déjà préparé tes affaires. Dit ma mère de sa voix glaciale en se levant du canapé.

Elle part vers le bar se servir un verre de whisky, avant de quitter la pièce, ses talons tapant contre le sol. Loan la suit, et tout redevient silencieux.

À cet-instant là, j'aurais aimé pouvoir fumer une cigarette. Sentir la fumée me brûler les poumons aurait fait taire cette appréhension qui me tord l'estomac.

Je remonte à l'étage, et fouille dans les tiroirs de ma commode pour trouver mon maillot de bain. Une fois enfilé, je m'enferme dans la salle de bain, en prenant bien soin de baisser tous les volets de celle-ci. 

Quand j'ouvre l'eau, le liquide chaud me brûle presque la peau, et je la laisse couler le long de ma peau, effleurant la petite cicatrice sur mon crâne. Je me laisse glisser contre la paroi de la douche, et laisse mais larmes se mêler à l'eau chaude.

Une fois glisser sous mes draps, j'éteins toutes les lumières de ma chambre, ferme les volets et ma porte à clé en prenant bien soin de caler un bout de mouchoir dans la serrure, et enfile à toute vitesse mon pyjama. Quand j'éteins la lumière, le noir envahit soudain la pièce, et tout m'éclate à la figure. D'un seul coup. Brutalement. Comme un coup de poing en pleine face.

Ma tête qui tape contre le rebord du lavabo, ma vue qui se trouble, la boîte de cachets qui s'éclate par terre en même temps que moi, et du sang. Tout ce sang. Partout autour de moi.

Des voix qui hurlent, la lumière qui s'allume et m'éblouie. Des sanglots, des mains qui m'enserrent, et les lumières rouges et bleues des ambulances.

La douleur, les pleurs, le chagrin, et le noir. Le noir. Et après le noir, la mort, qui vous accueille dans ses bras rassurants. Sauf que celle-ci ne m'a jamais tenue dans les siens.

Les MiraculésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant