Chapitre 17 - Armelle

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AVA EST ÉTALÉE par terre, des larmes lui coulant sur ses joues rougies par le froid et la honte

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AVA EST ÉTALÉE par terre, des larmes lui coulant sur ses joues rougies par le froid et la honte. Marius lâche précipitamment ma main, laissant une marque brûlante dans le creux de ma paume.

La brune tient à la main une petite enveloppe violette que je reconnais aussitôt : sa lettre d'adieux. Je l'avais gardée dans le tiroir de ma table de nuit, sans vraiment savoir pourquoi. Tout le long où Ava est restée alitée à l'hôpital, je relisais, chaque soir, sa lettre, ouvrant chaque fois un peu plus ce trou béant rempli de culpabilité dans mon cœur. Et ce trou là s'est de nouveau ouvert à la vue d'Ava.

Marius se précipite vers elle pour l'aider à se relever, mais elle le repousse brutalement d'une main.

- Laisse moi ! Je te déteste ! Hurle-t-elle à pleins poumons, faisant de nouveau couler une cascade de larmes sur ses joues.

Marius se relève brusquement, surpris par les mots tranchants d'Ava. De tous les scénarios que je m'étais fait pour me préparer au retour d'Ava, jamais je n'en avais imaginé un tel.

De ses mains agitées de tremblements, elle entreprend de déchirer l'enveloppe. Je jette un coup d'œil à Marius, et je pince les lèvres. Il est livide, et je dois l'être aussi.

D'un discret mouvement de main, je lui demande de quitter la chambre, et, bientôt, le silence revient à nouveau dans la pièce, seulement brisé par les sanglots d'Ava.

Je m'approche doucement d'elle, et pose une délicatement ma main sur son épaule, avant de la prendre dans mes bras, sans dire le moindre mot.

Et, doucement, ses pleurs s'apaisent, comme balayés par le vent ou la mer.

Parfois, le silence vaut bien plus que tous les mots du monde.

Ava doit partir à l'infirmerie faire un bilan de santé

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Ava doit partir à l'infirmerie faire un bilan de santé. Il faut croire que l'Institut ne s'est pas remis de sa tentative de suicide, et ils ne peuvent pas se permettre qu'un de leur pensionnaire ne meurt. Ça leur donnerait une mauvaise image.

La chambre de Marius est vide. J'ai toqué plusieurs fois, mais il n'a pas répondu. Je laisse retomber mes bras le long du corps. Je remets mon bonnet sur la tête, et quitte le bâtiment. Le froid me fait frissonner. La neige crisse sous mes pieds, mon souffle se transforme en un petit nuage blanc. J'aime bien, l'hiver. Tout semble plus calme, apaisant. Les maux sont en quelque sorte endormis.

J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles, et lance aléatoirement un titre de ma playlist. Je laisse les sensations m'envaillir, s'infiltrer dans tous mes pores, s'insinuer dans mes veines.

J'ai l'impression de revivre, depuis que je suis arrivée ici. Adam et le lycée n'existe plus. Les photos, disparues. Mon calme et ma solitude sont revenues. Fini les insultes, les coups, les cours, qui étaient un véritable calvaire.

- Ava va bien ?

Je sursaute quand la voix grave de Marius me tire de mes pensées. Il retire sa main froide mon épaule, et j'enlève rapidement mes écouteurs pour le fixer.

- Oui, ça va.

Il me scrute de ses grands yeux noir de jais, fatigué et triste.

- Elle doit encore être un peu sonnée. Ava ne pensait pas ce qu'elle t'a dit. J'en suis sûre.

Je me précipite de lui dire ce que je pense. J'ai l'impression qu'à tout moment, il pourrait se briser devant moi, se faire balayer par le premier souffle du vent.

Il secoue la tête et baisse les yeux.

- Elle a raison, Armelle. Elle me déteste parce qu'elle sait que je te ferais obligatoirement du mal.

Je fronce les sourcils, sonnée. Mes yeux s'embuent de larmes presque instantanément, et je viens me blottir dans ses bras. Il hésite un instant, avant de me serrer à son tour.

- J'ai trop peur de t'aimer, Armelle. Ça me fait tellement mal. J'ai l'impression que ça me bouffe tout entier.

J'enfouis mon visage dans son cou, et je respire son odeur.

- Mais pourquoi tu as si peur ? Jamais je ne te ferais de mal. On m'en a trop fait pour que je puisse reproduire le même schéma.

Alors que je m'apprêtais à me détacher de lui, Marius fond en sanglots. Toutes ses articulations se tendent, son corps tremble comme une feuille, alors je le serre un peu fort, espérant apaiser un peu sa peine.

- J'ai vu mon meilleur ami mourir devant moi, Armelle.

Mon cœur rate un battement, puis se remet à battre plus follement dans ma poitrine à un rythme insensé.

Il se détache brusquement de moi, comme si avoir dit aussi franchement ces quelques mots lui avaient brûlé le corps. Le brun essuie les larmes qui lui coulent sur les joues, et se détourne de moi.

- Je t'en parlerais. Il marque une pause, soupire. Si j'en ai le courage, je te le promets, je te dirais tout.

Et il me laisse planter là, en plein milieu du chemin de graviers. Il disparaît bientôt à travers les pins, laissant derrière lui un aura de rage et de désespoir qui vient s'ajouter à la culpabilité qui me scie le cœur.

Quand j'ouvre la porte de ma chambre, une petite fiche rose fushia glisse par terre. Je ramasse le papier, claque le panneau en bois derrière moi, et m'étale de tout mon long sur mon lit. Je lis rapidement les inscriptions sur le petit bout de papier, et fronce les sourcils: Un bal ?

Ce sera dans un peu moins d'un mois. Une petite boule se forme dans mon ventre. Je n'irais pas. Porter une robe, sentir le regard de dégout des gens sur ma peau, me sentir sale et mal dans ma peau, j'en ai déjà la nausée.

Je range la petite feuille aux couleurs criardes dans le tiroir de ma table de chevet, et ferme les rideaux de la chambre. Plongée dans le noir, j'allume la petite lumière jaunâtre de la minuscule salle de bain, et enfile mon maillot de bain, avant de rentrer dans la douche et de sentir l'eau chaude glisser sur ma peau. Instinctivement, je soupire de plaisir au contact de la chaleur.

Je coupe l'eau, avant de commencer à me savonner, fermant les yeux pour m'empêcher de voir la moindre parcelle de mon corps. Ce corps sali, insulté. Ce corps qui me donne la nausée quand une main inconnue le frôle ou essaye de l'apprivoiser.

Les mains douces et chaleureuses de Marius disparaissent pour laisser place à celles d'Adam. Une discrète larme s'échappe sur ma joue, et, bientôt, je me laisse aller contre la paroi de douche, laissant ce déverser des litres de larmes.

Je me demande si, un jour, ce corps m'appartiendra de nouveau, ou s'il restera à jamais la propriété de mon bourreau. Que j'apprendrais de nouveau à l'aimer et à le respecter. À se sentir légitime d'exister.

Les MiraculésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant