Chapitre 18 - Armelle

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LE SILENCE S'ABAT sur l'Institut quand la dernière porte du couloir claque

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LE SILENCE S'ABAT sur l'Institut quand la dernière porte du couloir claque. Ava prend sa douche. L'eau claque sur la céramique du bac, et vient troubler le calme ambiant de la chambre.

Après avoir lu et relu les lignes de l'affiche de papier rose, je le replis soigneusement et l'enferme à nouveau dans le tiroir de ma table de chevet en entendant le verrou de la salle de bain s'ouvrir. Les cheveux bruns d'Ava sont trempés et mal enroulés dans une serviette trop petite. Ça fait bizarre de les voir sans couleur. Plus de rouge, seulement un brun foncé terne et malheureux.

- Ça te dis d'aller faire un bain de minuit dans le lac ? Je lâche soudainement alors qu'un long silence plane au-dessus de nous.

Ava fait les yeux ronds, et un large sourire vient fendre son visage. Je lui renvoie son sourire empli de malice, et enfile un gros pull pour ne pas regretter d'être venue ici sans doudoune.

J'aide Ava à s'habiller, à mettre son habituel couche de mascara, et on sort dans le couloir. C'est pile le moment où Yasmina part fumer sa cigarette en pensant que tout le monde dort.

Ava se dirige déjà vers l'ascenseur, mais je lui fais signe d'attendre. Je sors de ma poche l'affiche rose du bal, avec écrit à la vas-vite au dos l'invitation de venir avec Ava et moi au lac. Je la glisse sous la porte de Marius, et presque instantanément, elle disparaît à l'intérieur. J'entends Marius s'agiter derrière le panneau en bois, souffler, hésiter, faire les cent pas, avant de déverrouiller la porte.

- Allez, vite, Yasmina va bientôt revenir. Dit-il en refermant la porte derrière, un discret sourire scotché sur ses lèvres.

Je dépose un baisé fugace sur son cou et pars rejoindre Ava qui nous observe depuis l'ascenseur, une expression indéchiffrable sur le visage. Les portes en métal se ferment pile au moment où Yasmina rentre à nouveau dans le bâtiment pour reprendre sa garde. Et, sans savoir pourquoi, on éclate de rire en même temps.

L'ascenseur s'ouvre sans un bruit, et on s'enfonce dans les couloirs mal éclairés du Centre. Marius pousse le fauteuil d'Ava, sans oser dire un seul mot.

Quand on sort enfin du bâtiment, l'air frais de dehors me donne la chair de poule. Je regarde nos souffles se transformer en un petit nuage blanc, s'assembler, pour finalement se détacher et disparaître dans les airs, balayés par le vent. Après avoir traversés une petite partie de la forêt de pins dans l'obscurité quasi totale, le grand lac se dessine enfin devant nous.

Le reflet de la lune se froisse à la surface de l'eau, et illumine les alentours. On passe devant un panneau qui me fait froid dans le dos: Baignade interdite sans autorisation. Risque de noyade.

- Apparemment, l'année dernière, y'a une fille qui s'est jetée dans le lac pour se suicider. Elle savait pas nager. Souffle Ava, troublant le silence installé entre nous.

Je réprime un sanglot, et Marius me sert furtivement la main. Finalement, à force de tourner autour du lac, on s'installe sous un grand chêne dénudé. Marius étend son grand manteau par terre, et s'assoit dessus.

- Tu te baignes pas ? Demande Ava, une moue dépitée affichée sur le visage.

Il secoue la tête, et sourie:

- Je me baigne si Armelle arrive à me faire tomber dans l'eau. Plaisante-t-il.

Je hausse les sourcils, surprise, et lui tends la main.

- Parie tenu.

Ava pouffe, certaine que je n'y arriverais jamais. Marius se relève, et viens me rejoindre sur le vieux ponton grinçant. Les vaguelettes viennent lécher le bois abîmé, produisant un écho réconfortant. Ava vient nous rejoindre en poussant ses roues avec peine.

- Qui me jette à l'eau ?

Marius et moi aggrandissons les yeux de surprise.

- Mais... Mais tu peux pas nager, Ava. S'étonne Marius en avalant péniblement sa salive.

La brune hausse les épaules, un sourire malicieux sur ses lèvres.

- Et si on s'en foutait ? De toute façon, j'ai plus rien à perdre, si ?

Des larmes perlent aux coins de ses yeux, mais elle garde son sourire collé aux lèvres. Marius se lève soudain, et, sans prévenir, passe une main sous Ava, la soulève de son siège, et la jette dans l'eau.

- MARIUS ! Je hurle en me précipitant la où la brune a disparu, des bulles crépitants à la surface de l'eau.

Sans avoir le temps de me retourner, je sens mes pieds se décoller du sol. Dans un geste de panique, j'attrape la jambe de Marius, l'entraînant avec moi. L'eau glacée me grignote la peau. Mon cœur bat à toute vitesse dans ma cage thoracique, qui menace de se fendre en deux.

Je sens la grande main de Marius agripper mon pull, et me tirer vers le haut. Quand mes poumons se remplissent à nouveau d'air, le rire éclatant d'Ava et Marius fait vibrer l'air tout autour de nous. Ça prend mon cœur, le fait gonfler de joie et de soulagement. Ava n'avait pas autant rit depuis sa tentative. Alors je me mets aussi à rire. Rire, rire à gorge déployée, sans réussir à m'arrêter. Comme si j'essayais de me rattraper de toute cette année qui m'a foutue en l'air, brisée comme une vulgaire poupée de chiffon.

 Comme si j'essayais de me rattraper de toute cette année qui m'a foutue en l'air, brisée comme une vulgaire poupée de chiffon

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Emmitouflée dans le manteau de Marius, Ava s'est endormie, trempée jusqu'aux os. À même le sol, le grand brun me serre contre lui, dans l'espoir que nos deux corps transis par le froid se réchauffent petit à petit. Nos souffles s'entremêlent, se dénouent, disparaissent, et reviennent à nouveau au rythme de nos respirations. On se sourit à tour de rôle, on s'embrasse de temps en temps, aussi.

J'ai l'impression de retrouver un semblant de vie normale. Futile, simple. Une vie d'adolescente. Avec des amis, un petit-ami, des soirées à s'amuser, rire, sans se prendre la tête. Loin des thérapies, des cauchemars, des pleurs et des peines.

- Dis, Marius. Je souffle en me relevant légèrement sur mon coude pour faire face au brun.

- Mmmh ?

J'avale ma salive.

- T'es prêt à tout me raconter ?

Un voile de tristesse assombrit son regard de jais. Il déglutit avec peine, s'allonge sur le dos et observe les astres brillants.

- Oui.

Une petite larme glisse le long de sa joue, et il me tend sa main. Je l'attrape, la serre, et m'allonge contre lui.

Les MiraculésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant