Chapitre 16 - Ava

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LE SCINTILLEMENT DU SOLEIL sur la neige me donne le tournis

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LE SCINTILLEMENT DU SOLEIL sur la neige me donne le tournis. Abrutie par les médicaments, j'observe l'allée de l'Institut se dessiner en petites images floues qui me donnent mal à la tête derrière les petites vitres de l'ambulance. Quand le camion s'arrête après plusieurs minutes de bringbalements incessants, une ambulancière vient rapidement prendre ma tension et me débarasser de mon tablier blanc enfilé par-dessus mes vêtements.

Ma tête tape contre les parois en plastique du lit transportable quand on me descend de l'ambulance, et mes maux de tête reprennent toute la place dans mon esprit, balayant rapidement mes pensées qui divaguent sur Armelle, Marius et Armand.

- Tout va bien Mademoiselle ? Me demande le conducteur de l'ambulance en m'aidant à me lever du lit.

Je hausse les épaules. Tout dépend de sa vision de "tout va bien".

Je me laisse glisser de mon fauteuil, et mes Doc Martens s'enfoncent dans la neige. Je savoure doucement l'air mordant du froid sur ma peau. Presque un mois que je n'avais plus mis un pied dehors.

Le calme de l'Institut m'apaise. Plus de cris de patients qui courent sur les murs, les pas pressés des infirmiers et des médecins, les pleurs de ma voisine de chambre qui me réveillaient toutes les nuits.

La directrice du Centre, Madame Aubry, m'accueille à bras ouverts, comme si c'était la première que je venais d'arriver ici. Comme si rien de tout ça n'était arrivé.

Une lueur de pitié danse dans le fond de ses iris, et j'essaye avec toute la bonne volonté du monde de ne pas lui coller mon poing dans la figure. Parce qu'elle ne me comprend pas. Jamais elle ne me comprendra. Même avec tous les efforts du monde. Aucun médecin, aucun psychologue ou n'importe qui d'autre ne pourra partager avec moi la souffrance qui me pourrit, me brûle, me tue à petit feu.

Madame Aubry tente de mettre une main rassurante sur mon épaule, mais je la dégage rapidement avec, en prime, un regard assassin.

Les couloirs de l'Institut sont vides, silencieux, déserts. Le bruit des pas de la directrice rebondit entre les murs blancs. C'est si calme que j'ai l'impression d'entendre les battements de mon cœur dans ma poitrine.

Mes yeux détaillent lentement les cloisons sans vie, avant de s'arrêter sur une affiche colorée accrochée sur un panneau en liège d'habitude vide. Deux adolescents dansent un slow, éclairés par une affreuse lumière verte fluo. Au-dessus d'eux, un titre en lettre rose paillettés indique: bal du 15 février - les 50 ans du Centre des Miraculés.

Madame Aubry sent que mon attention est entièrement dirigée vers cette affiche affreusement laide et kitsch. Elle m'offre un sourire niais, sûrement contente de s'être aperçue que j'arrive encore à aligner deux mots malgré le fait que je sois shootée aux médicaments.

- Ce sera une formidable expérience ! Chaque année, les pensionnaires du Centre en ressortent différents. Apaisés, soulagés. Heureux.

La directrice insiste sur le dernier mot en me fixant avec de grands yeux ronds.

- J'ai froid. J'aimerais rentrer dans ma chambre. Je trouve comme seule excuse pour éviter sa pique.

Étonnée par ma réponse, elle hausse les sourcils et déglutit péniblement, avant de continuer à pousser mon fauteuil, visiblement dépitée par ma réaction.

Les longs couloirs de l'étage s'étendent à l'infini, tanguent légèrement devant moi. L'effet abrutissant des médicaments se dissipe doucement, mais pas assez rapidement à mon goût. Pendant tout le trajet en ambulance, j'ai prié pour que je sois complètement sobre au moment de la confrontation avec Armelle.

Le numéro 24 de la chambre se dessine devant moi. Je déglutis lentement, et un filet de sueur froide me coule le long de la colonne quand Madame Aubry toque à la porte. Aucune réponse.

La directrice sort de la poche de son blazer une petite clé universelle, et l'introduit dans la serrure de la porte. Je retiens ma respiration, priant silencieusement pour qu'Armelle ne soit pas là.

La pièce est envahie par le silence. Personne. Je me remets à respirer. Déni le plus total.

- Je vais te laisser réapprivoiser cet endroit. N'hésite pas à passer dans mon bureau. Ma main est toujours tendue, ainsi que celle du personnel.

Sur ces mots qui se veulent bienveillants et réconfortants, Madame Aubry quitte la chambre à reculons, trop pressée de quitter cet endroit qui empeste la tristesse et la colère.

Mes vêtements sont toujours soigneusement pliés dans ma commode, mon lit parfaitement fait, et mon téléphone posé sagement sur ma table de nuit. Je scrute des yeux la pièce qui n'a pas changé depuis mon départ. Mais une chose me hante depuis le début: je n'aurais jamais dû revenir ici.

À travers les barreaux de la fenêtre, j'observe les quelques pensionnaires et personnel de l'Institut marcher dans les jardins. Pour une journée en plein hiver, il fait plutôt beau. Le soleil brille dans un ciel bleu parsemé de seulement quelques petits nuages, et il fait relativement bon. Assez pour pouvoir sortir sans attraper un rhume.

Je tire les rideaux opaques pour me cacher cette vue. Plus je m'éloigne des bonnes ondes, plus je contourne les obstacles du chemin vers la soit-disante guérison, mieux je me porterais. J'allume ma petite lampe de chevet, et la lumière chaude m'apaise la rétine. La pièce ne tangue presque plus. Je m'avance vers le coin d'Armelle, et, sans vraiment savoir pourquoi, commence à chercher quelque chose dans ses affaires. Je n'arrive pas à savoir ce que je cherche, ni pourquoi je fais ça, mais c'est presque hystérique, un besoin vital de franchir la ligne d'intimité d'Armelle.

Mes mains s'agitent toutes seules, comme attirées par un aimant invisible. Elles cherchent dans les tiroirs de la commode, sous l'oreiller, dans la corbeille... Puis, dans un ultime effort, je glisse de mon fauteuil, et atteris lourdement par terre. Je tends la main sous le lit de celle qui partage ma chambre, et tombe sur un grand pull qui ne pourrait jamais appartenir à Armelle.

Même si, je ne le sais comment, ce n'est pas la chose que je cherche, je regarde le petit prénom écrit au feutre noir sur l'étiquette: Marius.

Je fronce les sourcils. Pourquoi un des pulls de Marius se trouve dans notre chambre ? Un gouffre d'incompréhension, de solitude et de jalousie s'ouvre dans ma poitrine. Tout se bouscule, se pousse et se fait mal dans mon tout corps. J'ai l'impression qu'Armelle m'a trahie, remplacée, abandonnée en seulement quelques semaines pour un garçon qui ne pourra que la briser un peu plus qu'elle ne l'ait déjà.

D'un mouvement rageur, les larmes au yeux, je jette le pull sous le lit, et continue de fouiller encore un peu plus dans les affaires de la blonde. Et c'est dans le tiroir de sa table de nuit que je trouve l'objet tant convoité: ma lettre d'adieux.

Et au moment où je fonds en sanglots, allongée de tout mon long sur le sol, la porte de la chambre s'ouvre brutalement sur Armelle qui me dévisage de ses grands yeux verts-gris, suivie de près par Marius.

- Ava ?

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