Chapitre 21 - Armelle

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ARMAND L'INFIRMIER est venu chercher Ava après le déjeuner

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ARMAND L'INFIRMIER est venu chercher Ava après le déjeuner. C'était aujourd'hui que les parents pouvaient venir rendre visite à leur enfant, tout en discutant dans les jardins de l'Institut, une tasse de thé relaxant entre les mains pour se réchauffer. Moi, je n'avais droit qu'à un appel glacial avec ma mère dans la salle des téléphones complètement déserte. Pour une fois, Yasmina me laisse tout le temps dont j'ai besoin.

Les sonneries s'enchaînent et retentissent dans la pièce vide. Le silence me donne des frissons. J'ai l'impression de revenir dans ma chambre, à Paris, où le silence pesant m'étouffait. C'était un silence dur, qui vous enveloppe pour mieux vous tuer par la suite. Ce n'était pas un de ces calmes apaisants et rassurants de Marius. C'était un silence destructeur et meurtrier, parce qu'il vous laisse seul avec vos pensées noires, suicidaires, à ressasser toutes les insultes, les regards dégoûtés et intrusifs.

La voix glaciale et sans vie de ma mère retentit dans le haut-parleur du téléphone.

- C'est toi, Armelle ?

Je me racle la gorge. Instantanément, je sens les larmes me monter aux yeux. Je les chasse d'un battement de paupières, et répond par l'affirmatif.

- Tout se passe bien à l'Institut ? Tu as réussi à... Ma mère s'arrête brusquement dans sa phrase, de peur de dire ce mot fatidique qui rendra enfin tout ça réel pour elle.

Mon cœur se serre brusquement dans ma poitrine. J'ai espéré du plus profond de mon être, depuis que je suis venue ici, que ma mère ai enfin réussi à accepter le fait que j'ai tenté de me suicider. À réussir à placer des mots sur l'impensable. Surtout pour une mère. Comment son enfant peut-il penser un instant à mettre fin à ses jours ? Quand il est plus malheureux que jamais.

- Tu as réussi à te soigner ? Arrive-t-elle finalement à articuler, d'une voix fluette que je ne lui reconnais pas.

Un rire jaune m'échappe et rebondit douloureusement sur les murs blancs dénudés.

- Je ne serai plus jamais la même Armelle qui se tait quoi qu'on dise, maman. J'ai voulu mourir. Mettre fin à mes jours parce que je n'en pouvais plus de vivre avec le cœur lourd. Parce que la seule personne qui était sensée me protéger de tout ça m'a abandonnée. Mais j'ai l'impression que ça, tu n'es pas prête à l'accepter. Je ne guérirai jamais. J'apprends simplement à vivre avec mes cicatrices.

Après ces mots, je sens mes jambes se dérober sous moi, des larmes s'échappent de mes yeux, et roulent sur mes joues avant de s'écraser sur le carrelage. Et, pour la première fois depuis ma tentative, j'entends ma mère éclater en sanglots.

- Je suis tellement désolée, Armelle... Tellement désolée de ne pas avoir réussi à voir que tu allais si mal... Lâche-t-elle, sa voix étouffée par les pleurs.

Les masques tombent, dévoilant deux âmes ébréchées par la vie, mais surtout, une mère et une fille qui se comprennent enfin après de longs silences douloureux.

Les masques tombent, dévoilant deux âmes ébréchées par la vie, mais surtout, une mère et une fille qui se comprennent enfin après de longs silences douloureux

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Ébranlée par les pleurs de ma mère, je quitte la salle des appels les jambes en coton et les joues trempées à cause des larmes. Quand je descends les grands escaliers en marbre, les voix et les rires des parents et de leurs enfants m'étouffent. Mes parents aussi auraient dû être là, en train de me serrer dans leurs bras et de me dire à quel point je suis courageuse, qu'ils sont fiers de moi. Que je vais guérir et pouvoir bientôt rentrer à la maison.

À travers cette marrée humaine, j'essaye d'apercevoir Ava ou Marius en me mettant sur la pointe des pieds. Je me faufile entre les tables du buffet qui croulent sous la nourriture, et entre ces familles qui dégoulinent d'amour. J'ai soudain le cœur qui me martèle la cage thoracique, et un nœud qui me broie les entrailles. Une grande main aux doigts noueux m'attrape le poignet. Je reconnais instantanément l'odeur apaisante de Marius qui m'attire près de lui. Il passe son bras autour de ma taille et me sert contre lui. Mes muscles se détendent rapidement, et je peux à nouveau respirer normalement.

- Maman, je te présente Armelle. Ma... Il se racle la gorge et appuie légèrement ses doigts sur mes côtes. Ma copine.

Ces quelques mots me font l'effet d'une bouffée de chaleur, et je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire, avant de me concentrer réellement sur la personne qui me fixe en silence.

Marius ne m'a jamais vraiment parlé de sa mère. Simplement qu'il l'avait déçue et fait du mal, et que c'était pour ça qu'il avait accepté de venir ici malgré sa réticence.

La femme est presque aussi grande que Marius. Sa peau est légèrement plus claire que celle de son fils, tout en restant d'un noir profond. De jolies tresses tombent en cascade sur ses épaules. Elle sourit tendrement, de petites fossettes lui creusent les joues et font ressortir ses grandes cernes qui témoignent de sa fatigue.

- Tu dois être Armelle ?

La mère de Marius continue de me sourire. Je hoche la tête, et essaye tant bien que mal de lui renvoyer son sourire bienveillant. Marius m'encourage d'une pression de la main.

- Marius m'a un peu parler de vous, madame. Je bégaie, et retire d'un geste pressé la main de Marius.

- Appelle-moi Imanie, Armelle.

Alors la dite Imanie se baisse à ma hauteur, et me prend dans ses bras. Et je me laisse aller dans cette étreinte chaleureuse qui sent le citron et la lessive propre. Quelques larmes s'échappent de mes yeux et teintent le pull en laine de Mme. Kombo. Pendant un court instant, j'ai l'impression que cette figure maternelle si apaisante soigne et panse mes plaies. Même les plus profondes. Et alors, sans réellement savoir pourquoi, je murmure doucement au creux de son oreille:

- Merci.

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