CHAPITRE 5

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ALESSIO

J'ai regretté d'avoir dit ça. Ces rêves n'étaient pas beaux. Pas beaux du tout.
Morphée m'a piégé. Cette nuit-là, j'ai rêvé qu'elle ne m'avait pas écouté, que sa main était restée sur ma joue. J'ai rêvé que j'avais trouvé le courage de me pencher, de m'arrêter pour l'admirer, puis de l'embrasser.

L'imaginaire m'a retranché dans des fantasmes déviants. J'ai rêvé que Roxane m'accordait de déposer des baisers interdits dans son cou. Je l'ai entendu haleter contre mon oreille et l'ai sentie me ramener contre ses lèvres pour m'ordonner de recommencer. Son corps était collé au mien. Il me réclamait, et... je savais que ce n'était pas normal.

Maintenant, la rage me consume. Je m'en veux d'avoir vécu une expérience qu'on ne se permettrait jamais. C'est impossible. Pas nous. Pas avec une amitié pareille. J'ai honte. Face à cette copie de bac, je n'aspire qu'à disparaître. L'énoncé me demande d'écrire l'équation de la neutralisation entre l'hydroxyde de magnésium et l'acide chlorhydrique, mais je ne suis même pas en mesure d'expliquer la réaction que j'ai eue cette nuit-là.

— M. Alessio Evans ?

Je lève la tête. Un professeur du lycée de Toulon, envoyé en renfort pour superviser notre examen, m'adresse une œillade meurtrière au-dessus de sa fiche de présences.

— Oui ?

— L'épreuve a débuté, me rappelle-t-il sur un ton passif-agressif. Veuillez cesser de vous agiter sur votre chaise, je vous prie. Cela gêne les autres candidats.

Je tourne la tête et confirme ses paroles. Plusieurs terminales du bahut me regardent comme si j'étais un extraterrestre.

— Pardon.

Je prends mon stylo, le reprends après qu'il ait glissé d'entre mes doigts. Seuls mon nom et ma date de naissance figurent sur cette feuille. Il faut que mes pensées se calment et que je me mette au travail. Il n'y a pas mort d'homme, après tout. Roxane ne le saura jamais. Moi, je vais oublier pourquoi elle s'est imposée dans mon sommeil sous une forme intime.

♡♡♡

ROXANE

Bien que je les aie préparées au préalable, ces premières épreuves me livrent à un sentiment de défaite. Les sujets sont tombés comme un cheveu sur la soupe et ont pris un malin plaisir à m'apporter des doutes. En plus, notre classe a été mélangée avec les autres. Je ne suis pas dans la même salle qu'Alessio ni dans celle de Kiara et Terry. Il me reste encore trois jours à tenir. Je devrais rentrer et réviser, mais l'anxiété que j'ai accumulée me rendrait inefficace. J'ai besoin de l'évacuer.

Maman ne m'a pas souhaité bon courage. Pourtant, je sais qu'elle compte sur ma réussite.

Il y a quelque temps, Hailey nous avait donné l'autorisation de nous rendre au studio lorsque nous en ressentions l'envie, et ce, même si elle ne s'y trouvait pas. Après avoir pris le bus et parcouru une partie de la ville sous trente degrés, je tape le code d'accès et me change dans le vestiaire. Puis, je vais m'échauffer en musique. Peu à peu, un brasier m'envahit, symbole du bon assouplissement de mes muscles. Je danse sur Isolation d'Aaryan Shah. Je laisse l'improvisation faire ce qu'elle veut de mon corps. Une chorégraphie m'imprègne et s'impose, évidente. Je l'apprends, la peaufine, la répète. Peut-être que la nuit s'installe, mais je ne détecte que le halo tamisé de la pièce alors que je me libère de mes chaînes.

Soudain, j'entends un grincement. Je ralentis ma volte avant de découvrir qu'un assemblage de tiges de métal noir a été placé non loin de l'estrade. Un trépied. Je me crispe avant de murmurer :

Last WoundsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant