ROXANE
Deux mois me séparent du dernier échange entretenu avec ma mère. Rien ne me prédestinait à repenser à ce coup de fil, mais Loric n'a d'autre choix que de rouler devant la plage de la Madrague pour sortir de la ville. Rien n'a bougé. Les mêmes filets suspendus à la cabane de pêcheur se balancent dans le vent, et l'épi de roches brille autant sous un ciel délavé que sous la lune.
Maman se passionne pour les réseaux sociaux. Je suis persuadée qu'elle a déjà vu mon nom se faire salir, mais je reste sans nouvelles de sa part. À quoi je m'attendais, au juste ? J'ai souhaité ne plus dépendre d'elle financièrement et ses transferts d'argent étaient une manière de garder contact avec moi, pas de savoir comment j'allais.
Pas étonnant qu'elle ne me défende pas face à mon harcèlement.
La voiture sillonne l'autoroute. Tel un enfant curieux, Faolan trace des formes éphémères sur sa fenêtre embuée pendant que je joue à Angry Birds.
— Si tu continues, je t'abandonne ici et tu rejoins à l'aéroport à pied, le menace Loric.
— Relax, bro. « Relax, frérot. » Ces dessins sont inoffensifs. Ils n'abimeront pas ta belle bagnole, eux.
Eux ? J'avoue ne pas comprendre. Mon regard croise celui d'Erlina, à ma gauche. Un coussin d'avion enveloppe déjà ses épaules, ce qui me fait sourire.
Ces deux-là vont me manquer. Leur séjour ne durera qu'une semaine, mais leurs joutes verbales me laisseront un grand vide. Nous approchons de l'aéroport. Après cinq kilomètres de bouchons, Loric se gare au dépose-minute. Je descends également de la voiture, histoire de dégourdir mes jambes.
— Vous atterrirez à quelle heure à Dublin ? leur demandé-je.
— 18:20. Il sera 19:20 chez vous, rétorque Erlina dégageant sa chevelure rouge à l'arrière. Et après, on a presque trois heures de route jusqu'à Galway.
Loric lui remet sa valise.
— Bon voyage. Saluez tout le monde pour moi.
— Ouais, compte sur nous. Mais la prochaine fois, ce serait bien que tu le fasses toi-même, l'encourage Faolan.
— Promis.
Erlina m'offre une étreinte chaleureuse. Ses sacs heurtent doucement mon dos.
— Dès qu'on rentre, on s'organise un truc. OK ?
— Avec plaisir. Profitez bien de vos familles !
Faolan s'avance pour me faire la bise.
— Prends soin de lui, me glisse-t-il à l'oreille.
Je l'observe s'éloigner sans être en mesure de répondre. Lui et ma make up artist passent l'entrée du Terminal 1 et s'évaporent dans une nuée de voyageurs.
Il sait quelque chose ?
— Tu viens ?
Je me retourne. Loric referme sa portière. Je monte à l'avant, là où Faolan était assis, et regarde quelques avions décoller tandis que la Mercedes emprunte un nouvel itinéraire.
— J'ai une question...
Je prends un instant pour le contempler. Il n'y a rien de plus attirant qu'un homme attentif à sa conduite. Ces mêmes mains qui enrobent le volant ont caressé mes hanches, mes cuisses, mon cou, ma poitrine... Je pince le bracelet de ma montre pour me ressaisir.
— Tu n'es pas parti avec eux parce que... tu ne te sens pas prêt ?
Le son du clignotant se propage dans l'habitacle.
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Last Wounds
RomanceUn regard aussi sinistre qu'une plage de sable noir. C'est ce à quoi Roxane Wilheim a pensé quand elle l'a vu pour la première fois. Photographe irlandais, Loric Ardery a tout d'intrigant. L'autorité qui coule dans ses veines ne semble pas là par h...