ROXANE
L'horizon n'est que torpeur. J'essaie de me remémorer la dernière fois où j'ai eu l'esprit serein.
Mes larmes forment des crevasses salées sur mes joues irritées. Sans hésitation, je supprime tous mes réseaux sociaux avant d'activer le mode avion de mon iPhone. Je ne veux plus un seul contact avec le monde extérieur. Je veux rester cloîtrée dans mon appartement.
Ne plus bouger. Ne plus hurler. Me taire. Disparaître. M'effondrer. Prier.
Mes ongles s'enfoncent dans mes paupières, à rien de m'arracher les globes oculaires. Le moment où Candice recueille le geste démesuré d'Élie tourne en boucle. Leurs cris ulcérés, les faciès outrés des témoins, les sanglots oppressants de Zoé...
J'ai soif. Une soif d'alcool me submerge, mais je n'ai plus de bouteilles. J'ai vidé mes placards lorsque j'ai pris la décision de me soigner. Quelle erreur monumentale. Pourquoi guérir quand je ne suis bonne qu'à dépérir ? Je songe un instant à contacter Alessio, à lui dire que j'ai besoin d'aide, mais je me rappelle que notre relation décline, que je l'ai confronté dans les vestiaires, et que je suis dans le déni de ses aveux. Je ne peux pas lui soutirer des explications, entendre qu'il est fou de moi, et, quelques jours plus tard, faire comme si de rien n'était dans ses bras. À long terme, peut-être que je ne survivrai pas à cette situation. Pour l'instant, je me contente d'encaisser. De me fâcher. De pleurer. Jusqu'à opprimer mon corps. Encore, encore et encore.
Trois coups me provoquent un sursaut. Dans un réflexe anxieux, je pince mes lèvres. Un Satyre ? Est-ce que l'un d'eux m'a suivie et a découvert où je réside ? Je chancelle. Mes dernières forces se morcellent, puis l'œilleton me délivre une image salvatrice. J'ouvre la porte. Loric entre chez moi. Aucune parole. Que nos souffles. Que ses bras qui m'enlacent. Que mes larmes qui redoublent. Ce moment est hors du temps. La chaleur de sa main se répand sur mon crâne, apaise ma migraine, tandis que son odeur vanillée débouche mon nez.
— C'est fini. Je suis là.
Je pose une joue trempée sur son épaule.
— Est-ce que... Est-ce que Candice...
— Je l'ai conduite chez son médecin, me réconforte-t-il. Zoé l'accompagne. Elles attendent de tes nouvelles.
Je hoche la tête.
— Merci beaucoup.
Il me serre plus fort contre lui et j'étrangle près de son oreille :
— C'est moi qui aurais dû prendre ce coup de poing.
Je sens ses muscles se contracter, puis trembler.
— Non, Roxane. Ni toi ni elle.
— Mais si, mais si ! scandé-je, enrouée. J'étais leur proie, leur jouet. Pas elles ! J'aurais dû être courageuse et me défendre toute seule. Je leur avais dit de s'éloigner de moi, mais elles ont pas voulu ! J'aurais pu éviter ça, mais j'ai eu peur, je... Je devais les mettre à l'abri, les empêcher de rester, mais...
— Regarde-moi.
Il prend mon visage en coupe. Le gris de ses yeux subit des perturbations dignes d'un film apocalyptique.
— Vous ne méritez aucun coup. Tu ne fais qu'exister. Ce qui est arrivé n'est pas ta faute.
Des spasmes remuent ma cage thoracique.
— Élie va être viré ?
Il soupire.
— J'imagine que oui.
— Tant mieux.
— Je ne crois pas, Roxane. Je n'excuse pas ce qu'il a fait, évidemment, c'est très grave, mais il n'a été qu'une énième victime de Marie.
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Last Wounds
RomanceUn regard aussi sinistre qu'une plage de sable noir. C'est ce à quoi Roxane Wilheim a pensé quand elle l'a vu pour la première fois. Photographe irlandais, Loric Ardery a tout d'intrigant. L'autorité qui coule dans ses veines ne semble pas là par h...