Saint-Tropez, France,
Vingt-deux ans plus tard.
ALESSIOLa sonnerie retentit dans tout le lycée. Je commence à rassembler mes affaires sous l'œil satisfait de notre professeure d'espagnol.
Bientôt, les bureaux qui m'entourent deviendront des tables d'évaluations. Cette année est passée à une vitesse exceptionnelle. Depuis deux semaines maintenant, nos journées se voient rythmées par des révisions, ce qui nous permet de combler nos dernières lacunes avant le bac. Ça me profite pas mal. En maths, surtout. Je déteste cette matière et je crois qu'elle non plus, ne m'aime pas beaucoup.
Tandis que je place les anses de mon sac sur mes épaules, Roxane se lève. Elle est absorbée par son téléphone. La lumière filtrée par les fenêtres laisse miroiter des reflets roux sur ses cheveux et souligne son charme naturel. Ma meilleure amie est belle. Elle l'a toujours été.
La plus belle personne de ma vie.
— Terry m'a envoyé un message. Kiara et lui sont déjà partis.
— On va se grouiller, alors, acquiescé-je.
Nous disons au revoir à Mme Soriano avant de disparaître dans le couloir où bon nombre d'adolescents délibèrent sur les événements de la journée. Roxane s'agace au milieu de tout ce monde. Elle agrippe mon poignet afin que je puisse continuer à la suivre. Après une lutte interminable, elle réussit à nous frayer un chemin jusqu'à l'extérieur. C'est agréable de sortir sous ce ciel chaud et parsemé de traînées nuageuses. Cependant, je jure qu'aucune sensation ne peut égaler le frôlement de nos peaux.
Nous atteignons le parking. Les cars scolaires se remplissent peu à peu et des voitures de parents d'élèves vrombissent autour du parterre de fleurs. J'extirpe les clés de ma poche.
— Tu sais, ça me manquera.
Roxane se retourne.
— Quoi donc ?
— De suivre les cours à tes côtés, articulé-je en la fixant. On a toujours été ensemble, de la maternelle au lycée. Je suis content de tourner une page, mais...
J'arrête de marcher. Elle m'imite. Son regard se fige sur mes taches de rousseur et me perturbe un court instant.
— Je suis triste de quitter un endroit qui me lie à toi, confié-je.
— Moi aussi.
En douceur, elle redonne le pas.
— On doit se focaliser sur le positif. On va passer le bac et, enfin, on pourra s'orienter dans des études qui nous correspondent vraiment. On ne se perdra pas de vue, Alessio. Jamais, me console-t-elle. Rappelle-toi ce qu'on se promettait quand on était petits : on sera toujours présents l'un pour l'autre, même dans dix ans.
Je souris. Elle n'a aucune idée de la place qu'elle a pris dans mon cœur. Elle m'a sauvé. De toutes les manières possibles.
Avant de la rencontrer, aller à l'école relevait d'un challenge de taille. Les murs vert fade de la maternelle me donnaient des nausées et l'encadrement métallique des fenêtres m'évoquait les barreaux d'une prison. À seulement cinq ans, j'éprouvais déjà le besoin de fuir, de retrouver mon père qui m'attendait à la porte de ma famille d'accueil, sevré de drogues, mais intoxiqué par les remords.
Chaque jour, la peur m'envahissait. Mes camarades étaient bruyants. Ils couraient, sautaient et applaudissaient avec un enthousiasme débordant. Ils me stressaient, ne m'apportaient que de l'agitation alors que je voulais du calme ; je suis né prématuré, et un bébé prématuré ressent tout, trop fort.Je refoule ces mauvais souvenirs au fond de ma mémoire, puis ouvre mon casier.
— Tu comptes beaucoup pour moi, Roxane.
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Last Wounds
RomanceUn regard aussi sinistre qu'une plage de sable noir. C'est ce à quoi Roxane Wilheim a pensé quand elle l'a vu pour la première fois. Photographe irlandais, Loric Ardery a tout d'intrigant. L'autorité qui coule dans ses veines ne semble pas là par h...