CHAPITRE 25

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ALESSIO

À l'intercours, je quitte la fac. Une migraine me serre la tête comme un étau depuis la première heure et je ressens le besoin de m'évader un peu. Écouteurs en place, je m'élance vers le Jardin Pisan – un espace vert qui tire son nom de la ville italienne de Pise. Les premières notes de I'm Not Allowed To Die Anymore d'Aaryan Shah résonnent et me font tiquer. Cette chanson est bouleversante. Elle capte les défis récents qui ont ponctué ma vie. Elle est le miroir de mon parcours émotionnel.

I've been asleep since December,
I think I'll freeze in this weather,
Is this the end that I chose?

Comme si je cherchais à esquiver les paroles sans avoir la force de changer de musique, j'accélère le pas en direction des oliviers. Leur vue me réconforte. J'ose espérer qu'ils rejetteront assez d'oxygène pour dissiper le brouillard qui encombre mon esprit.

I'm fighting to keep myself sober,
When I wish my life would be over,
Is there a way I can do both?

Je m'adosse à l'un de ces arbres au tronc massif. J'ignore à quoi je ressemble. Sûrement à un poupon abandonné qui attend que quelqu'un le remarque et le prenne dans ses bras.

Everyone says that they need me,
How do I say I'm defeated?
How do I tell them I'm bleeding?
I'm just not happy anymore.

J'arrache mes oreillettes et les broie dans ma main. Autour de moi, la naissance de l'automne peint les feuilles en jaune et les olives en noir tandis que les plantations de thym et de romarin conservent leurs tons naturels et vivaces. J'aimerais être comme eux – robuste toute une vie – mais je suis malade. Malade à l'instar de ce jeune figuier que je distingue au loin, pulvérisé de produits par un botaniste.

Je n'accepte pas la défaite. Un cœur qui s'épuise à cause d'un mental fainéant. Ça ne peut arriver qu'à moi. Ma mère ne m'aura donc légué que ses faiblesses. C'est sa faute si je dois mentir à mon entourage. De rage, mon talon percute le tronc. J'imagine la détresse de mon père s'il apprenait que je ne suis pas le miraculé que les médecins lui ont promis.

Va te faire foutre, Alicia.
Même morte, tu restes une droguée : tu absorbes ma tranquillité comme de l'héroïne.

Un poids atterrit sur mes baskets et me force à me détourner de la haine que j'éprouve pour cette femme. Mes yeux se posent sur une balle mâchouillée. À ma grande surprise, un Jack Russell attend à un mètre de moi, la patte levée en signe d'invitation à jouer.

— Qu'est-ce que tu fais là ? Les animaux ne sont pas autorisés.

Je regarde à gauche, puis à droite. Le botaniste a disparu. Il n'y a personne dans ce secteur. Je m'accroupis et tends la main vers son museau. En guise de réponse, le chien me donne un coup de langue sur le pouce. Je caresse sa tête avant de le prendre sous le bras. Il ne grogne pas. Il a l'habitude d'être porté.

— Y a forcément quelqu'un qui te cherche.

Déterminé à retrouver son maître, j'embarque sa balle. Il ne me faut pas plus d'une minute pour repérer un homme aux cheveux grisonnants près des plantes exotiques. Dos à moi, il agite une laisse rouge pour faire bruiter le mousqueton à l'extrémité.

— Bonjour ! Excusez-moi, ce chien est à vous ?

L'inconnu opère un demi-tour. Son visage s'illumine.

— Oh, Umut !

Je relâche le petit Jack. Un sourire se dessine sur mes lèvres pendant qu'il se frotte entre les jambes de son propriétaire.

Last WoundsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant