CHAPITRE 11

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LORIC

Les nouvelles vont bon train depuis ce matin. Roxane et Alessio auraient dormi ensemble la nuit dernière. Enfin, « dormi » est un bien grand mot. À en juger par le chignon de Roxane, entremêlé aux miettes de croissant, je crains que son sommeil n'ait été des plus brefs.

— Tu mets les dents quand tu suces ? lâche Terry en croquant dans son morceau de pain beurré.

Je lève les yeux au ciel derrière mes lunettes de soleil. C'est la troisième fois qu'il lui pose une question de ce style. Son humour — si on peut l'appeler ainsi — est lourd, exagéré. Je ne suis pas le seul à le penser, visiblement. Alessio semble vouloir noyer son malaise dans le lait de ses céréales.

— Ferme ton clapet, grogne sa danseuse.

— Bah ? J'ai le droit de m'inquiéter pour le bien-être de mes potes, non ?

— Mais tu dérailles ! On n'a rien fait. On s'est couchés tard après ma mésaventure avec le clic-clac, c'est tout !

Elle souffle au milieu de tous ces rires avant de replonger la tête dans ses bras. Si elle ne récupère pas des forces très vite, je risque de ne pas la supporter. Roxane a l'énergie d'un escargot sous sédatif. À son âge, je trouve ça inquiétant.

— Tu n'hésiteras pas à lui appliquer une bonne dose d'anti-cernes, chuchoté-je à Erlina.

J'avale le fond de ma tasse de café et prends congé de ces charmants convives. Je suis en chemin vers notre gîte quand le bruit d'un moteur attire mon attention. Je reconnais le Porsche Cayenne de Hailey dans le parking réservé à la clientèle.

— Bonjour, Hailey. Tu vas bien ?

— Salut, Loric. Bien et toi ?

J'ai un sourire en coin.

— Oui. Certains de tes danseurs ne sont pas en forme, par contre.

— Ils sont malades ?

Les poings sur les hanches, la chorégraphe lance un regard à destination de la terrasse. Elle soupire pour balayer les mèches brunes qui lui barrent la vue, puis reprend :

— Les filles ont des petites mines... (Elle penche la tête sur le côté.) C'est moi ou Roxane dort sur la table ?

— Roxane dort sur la table.

— Elle a continué de boire après mon départ ?

Surpris par le ton paniqué qu'elle vient d'employer, je la scrute. Je ne veux pas qu'elle se mette dans cet état. Ce que je souhaite, c'est que Roxane sorte de sa léthargie, que je me réapproprie son regard intrépide et l'étincelle qui embrase ses paroles fougueuses.

— Un peu.

Sa main monte à son front et s'incline comme une visière pour se protéger du soleil brûlant.

— Même si sa situation me chagrine, je vais la secouer. Elle, et les autres ! Oh, oui ! Ils vont transpirer, aujourd'hui !

— Sa situation ? répété-je pour la retenir.

— Leurs parents seront présents ce soir, sauf les siens. Elle n'en a pas. Du moins, sa mère est tout ce qui lui reste, mais elle refuse de lui donner un fragment de relation. Nikolina préfère déserter la ville et utiliser Instagram pour rentabiliser les tenues qu'elle met dans des guinguettes espagnoles, par exemple...

— Et son père ?

— Disparu. Il a dû déménager dans une autre région... Il n'a plus jamais considéré sa fille à partir du moment où sa compagne l'a larguée.

Last WoundsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant