CHAPITRE 19

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LORIC

Alessio ne dansera plus. Je l'ai appris ce matin.

Sa partenaire est au tableau, en train d'élucider un exercice en mots croisés. Elle a opté pour une robe blanche à fines bretelles, cintrée sous la poitrine. Elle a ramené ses cheveux en un chignon bas et a sublimé sa tenue avec des boucles d'oreilles dorées assorties à son collier.

La conclusion de l'été sur une peau hâlée.

Roxane s'intéresse à l'énoncé en faisant glisser le bouchon du Velleda sur ses lèvres. Je m'efforce de me concentrer sur ses camarades qui semblent toutes prendre des notes, à l'exception de Candice. Cette dernière s'amuse à fabriquer des avions en papier derrière sa trousse. Elle lance l'un d'entre eux au fond de la salle et se crispe lorsque je braque un regard torve vers sa table.

— Oups, il s'est crashé, hasarde-t-elle. Ça m'a tout l'air d'être... un mauvais présage...

— Poubelle, fulminé-je.

Tandis qu'elle renonce à ses projets aéronautiques, Roxane hoquète de rire. Je claque ma langue sur mon palais pour la rappeler à l'ordre. Elle efface ce qu'elle écrit à plusieurs reprises sur le tableau. Je tends la main vers le feutre qu'elle tient toujours.

— Je peux ?

Elle me le donne en signe d'accord. Une vibration s'éparpille dans nos doigts qui s'effleurent, mais aucun de nous deux ne bronche. Nous savons à quel point nos échanges peuvent être électriques.

— Quelqu'un pourrait lui souffler une lettre ? demandé-je à mes étudiantes.

— La première, H, se dévoue Zoé.

— Good. « Bien. »

Je note la réponse dans la case correspondante. Roxane examine celles qui sont vides. Je lui rends le marqueur.

— Vous avez réfléchi, Mlle Wilheim ?

Elle cerne le message. Ses yeux maquillés pivotent dans ma direction, puis elle reprend ses mots croisés. Ses camarades discutent. Je m'apprête à revendiquer le silence, mais Roxane laisse tomber le feutre par terre. Il roule jusqu'à mes chaussures cirées. Maligne, elle s'accroupit pour le ramasser. Son visage revient en hauteur et affronte le mien.

— Vous n'êtes pas le centre du monde, chuchote-t-elle, bien que la haine transparaisse dans sa voix. J'ai d'autres activités que de penser à vous et votre proposition. Par exemple, m'occuper du chiot qu'Alessio a renversé samedi soir et qui a miraculeusement survécu.

— Tu as fait ta journée d'intégration ?

Elle recule.

— En effet.

Les dents plantées dans sa lèvre, Roxane a un déclic. Elle remplit les cases restantes du tableau.

— Head bunting. Comportement social chez le chat consistant à frotter sa tête contre un objet ou une personne. Un peu comme vous, monsieur Ardery. Un gentil chaton qui ronronne à mon oreille devant tout le monde. Vous n'avez pas peur du tout.

Elle vient vraiment de me comparer à un félin?

Roxane s'éloigne, laissant derrière elle une trace de parfum floral et un souvenir fugace de cette conversation. La sonnerie retentit. Candice, déjà prête à partir, l'attend près de la porte.

Je lutte pour maintenir une apparence sereine et un souffle régulier. Ses arrière-pensées se veulent très, très vilaines. Je suis son professeur, un chef d'entreprise désireux de la recruter, mais, avant tout, je suis un homme qu'elle tente d'attirer. Elle ne l'avouera jamais, pourtant, c'est le cas. Et moi, je me plais dans ce jeu dangereux.

Last WoundsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant