CHAPITRE 23

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ALESSIO

J'abandonne mon sac à dos au pied de son canapé deux places tandis qu'elle s'empresse d'allumer ses néons à l'aide d'une petite télécommande. Le salon s'immerge dans une ambiance aux teintes bleue et rose, parfaite représentation de la baie de Sainte-Maxime au coucher du soleil.

Bien que ses cernes violacés persistent sur son visage, Roxane a retrouvé le sourire. Je me devais d'être là pour la consoler après toutes ces horreurs postées sur le net. Je connais ma meilleure amie plus que je ne me connais moi-même. Je sais à quel point le regard des autres est primordial pour sa construction, quand ceux de son père et sa mère sont mauvais ou absents. Elle s'est exigée une bonne réputation pour leur prouver qu'elle était capable de grandir sans éducation. Aujourd'hui, des centaines de personnes l'ont diffamée.

— J'ai pas sucé pour des verres d'alcool gratuits.

Je la remercie pour la canette d'Oasis qu'elle me tend. Elle ouvre la porte-fenêtre et nous nous installons sur son balconnet.

— Je sais, dis-je alors que le vent crée des vaguelettes sur mon t-shirt. Tu étais sortie avec des amies à toi ?

— En fait...

Son hésitation me surprend. Je l'observe gratter la cire qui a coulé autour d'une bougie rouge.

— J'étais avec Erlina, Faolan et Loric, me dévoile-t-elle. On fêtait mon intégration dans leur équipe.

— Hein ?

Que faisait-elle avec eux ? Avec lui ? Cette nouvelle me hérisse le poil et ravive une brûlure dans mon thorax.

— Intégration ? réitéré-je.

— Loric m'a proposé de travailler pour certains de leurs projets. De la photographie de marque, développe-t-elle avec réserve. J'ai accepté. C'est récent.

Je cligne des paupières.
Ça n'a aucun sens.

— En gros, je servirai de modèle en portant des accessoires ou des vêtements de marque.

— En France ? m'étonné-je.

— À l'étranger seulement, pour que je conserve l'image d'une étudiante qui...

— Ne côtoie pas son professeur à des heures tardives ?

Je pince ma langue. Roxane me scrute un instant avec les sourcils froncés avant de secouer sa jambe. Ce tic ne la délaissera jamais.

— Dans tous les cas, il reste le collaborateur de Hailey que nous voyons au studio de danse au moins deux fois par semaine. Ce n'est pas quelques soirées en plus dans un cadre professionnel qui changeront quelque chose.

— Drôle de situation, quand même.

— Elle est dingue cette méfiance que tu places envers lui, conclut-elle après un soupir.

Je me lève de ma chaise. Mon sang s'échauffe, mais je garde mon calme.

— Il te plaît, non ? la sommé-je.

Je ne détache pas mes yeux de l'horizon. L'air semble lui aussi plus lourd, imprégné du sel de mer. Il m'irrite la trachée à chaque inspiration.

— C'est pas le genre de question que je me pose à tout prix lorsque je découvre quelqu'un, siffle-t-elle.

Je fixe la côte pour ne pas me focaliser sur la longue aiguille qui transperce ma poitrine.

— Au pire, imaginons que ce soit vrai, d'accord ? Qu'il me plaise. Ça ferait quoi ?

Putain. Elle continue.

— Beaucoup de dégâts, craché-je entre les dents.

— À qui ?

Last WoundsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant