ALESSIO
J'ai beau fouiller tous les recoins d'Internet, je ne trouve aucune photo de Roxane. Soit elle m'a dupé – et je me demande pour quelle raison –, soit Loric la protège des jugements malveillants comme il le lui a promis au moment de la signature de son contrat.
Peut-être que ma curiosité était déplacée. Je le reconnais. Cependant, elle n'a pas pris la peine de s'inquiéter pour moi après notre altercation au studio de danse. Qu'est-ce qui m'énerve à ce point ? L'ignorance de la femme la plus importante à mes yeux ou la loyauté de l'homme que je déteste le plus ?
Elle n'a pas discuté avec moi. Elle m'a regardé partir sans rien dire et j'ai passé la semaine à remettre mon existence à question, à remuer ciel et terre pour comprendre pourquoi elle ne m'a pas retenue. La colère me rend hyperactif. La fac vient à peine de débuter que je me retrouve déjà à la traîne, empêtré dans les mensonges et la rancœur. Aujourd'hui, j'ai préféré sécher les cours dans le dos de mon père et tourner en rond la maison. L'avantage, c'est que j'ai pu profiter de la compagnie de Mambo avant de rejoindre le cabinet de ma psy.
— Entre, m'indique-t-elle.
Le sourire d'Alexandra se tord. Plus je la regarde, plus je remarque que ses traits sont tirés, accentués par la fatigue. Je l'admire pour le métier qu'elle exerce. Elle côtoie nos cauchemars tous les jours. Et s'ils finissaient par la hanter ?
Le cœur serré, je marche jusqu'au fauteuil de consultation. Ma thérapeute a servi mon verre d'eau sur la petite table, où quelques fleurs de saison prospèrent dans un vase.
Sûrement un cadeau de l'un de ses patients.
J'évite son regard. De toute évidence, cette situation me met dans l'embarras. Son stylo valse entre ses doigts pendant qu'elle relit ses notes écrites à la dernière séance.
— Si tu le veux bien, j'aimerais qu'on aborde le décès de ta maman.
Un trou se forme dans ma cage thoracique.
— Pourquoi ? me braqué-je.
La nausée monte. Mes tempes perlent de sueur.
— Je pense que tu as besoin d'en être déchargé.
— Non, je m'en balance. Elle a jamais compté.
D'un œil attentif, Alexandra suit la gestuelle de ma main qui chasse une poussière imaginaire sur ma cuisse.
— Et, selon toi, elle mérite la colère dans ta voix ?
J'arrache un scratch de mon attelle et le remets aussitôt à sa place.
— Ouais, tranché-je. Elle a foutu mon père en dépression et l'a privé de son fils pendant des années. S'il s'était pas battu pour récupérer ma garde, on se serait jamais retrouvés.
— Tout ça, ça compte, m'explique-t-elle. Et ça te ralentit depuis que tu es petit.
— J'ai eu une belle enfance, la contré-je, mes ongles râpant l'accoudoir. Roxane m'a aidé à aller de l'avant.
La pointe de son stylo glisse sur son carnet et entoure le prénom de ma meilleure amie. Elle demande :
— La fille qui compte beaucoup pour toi ?
— Oui. Même si c'est un peu compliqué en ce moment...
— Vous vous êtes disputés ?
— C'est pas vraiment une dispute... On est en froid, raconté-je. Je suis pas d'accord avec certaines de ses décisions et ça lui déplait.
Alexandra hoche la tête. Dans le mouvement de ses cheveux, je vois un crayon de couleur vert les retenir.
— Elle... côtoie un homme plus âgé. Je suis persuadé qu'il se passe quelque chose entre eux et qu'elle me le cache.
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Last Wounds
RomanceUn regard aussi sinistre qu'une plage de sable noir. C'est ce à quoi Roxane Wilheim a pensé quand elle l'a vu pour la première fois. Photographe irlandais, Loric Ardery a tout d'intrigant. L'autorité qui coule dans ses veines ne semble pas là par h...