CHAPITRE 7

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ROXANE

— Tu m'as écoutée, Roxane ?

Je cesse un instant d'arracher le scotch qui scelle l'un de mes cartons pour sonder ma mère.

— Non, désolée.

— Je te paie une école privée et le loyer de cet appartement pour que tu puisses étudier dans des conditions optimales, répète-t-elle en mâchouillant son chewing-gum avec une intensité agaçante. Je ne veux pas être déçue.

— Pourquoi le serais-tu ?

Elle soupire face à la ville de Sainte-Maxime. Je passe toujours pour une idiote auprès d'elle.

— Ces vidéos sur YouTube m'inquiètent un peu. Elles ont dépassé le million de vues en quelques jours, constate-t-elle, les yeux baissés vers son téléphone. Ce succès ne doit pas te monter à la tête.

— Ce succès, comme tu dis, appartient avant tout à Hailey. Je trouve ça super cool pour elle. Les gens vont commencer à s'intéresser à ses cours, et...

— Son avenir professionnel est déjà tracé, pas le tien. Ne t'égare pas.

Je retiens un soupir. Jamais, ô grand jamais, je ne serai encouragée. Maman a du mal avec tout ce qui fleurit plus vite qu'elle n'est devenue gérante d'une boutique de luxe. Lassée de son attitude, j'abandonne l'idée de défaire un autre carton et saisis les clés de mon futur chez moi.

— Je n'ai pas prévu de te décevoir, scandé-je, blessée. Je sais que tu as sacrifié beaucoup d'argent pour moi depuis que tu as quitté papa.

— Au moins, tu en as conscience. Tu ne déballes pas tes affaires de lycée ?

— J'en ai assez pour aujourd'hui.

Mon sang bouillonne. Je la dépasse, elle, et le sac à main Gucci qui pend au bout de sa manucure corail. Nous sortons de l'immeuble sans échanger un mot et le trajet jusqu'à la maison se fait dans un silence pesant. J'ai la chance d'habiter dans une des régions les plus prisées de France, mais je ne trouve aucun réconfort dans ces paysages dignes de cartes postales, ornés de palmiers et de lauriers roses. Les cigales peuvent toujours chanter ; je sais que d'une manière ou d'une autre, l'accent croate de ma mère résonnera encore longtemps dans mes oreilles pour me fredonner des critiques. Qu'ai-je fait pour les mériter ? Si elle est autant fermée à la bienveillance, c'est à cause de papa. Je n'y suis pour rien.

Pendant que sa berline freine dans la cour de notre maison, j'envoie un message à Alessio pour lui proposer une sortie en fin de journée sur la plage de la Ponche. Il accepte au bout de quelques secondes.

— Je ne dîne pas avec toi ce soir, l'avertis-je.

D'un claquement de portière pour réponse, je réalise que ce que je dis n'a aucune importance.

C'est ça.
Je n'ai aucune importance.

♡♡♡

ALESSIO

— Tu veux de la sauce pimentée ?

Roxane me dévisage.

— C'est criminel d'ajouter de la sauce pimentée sur une pizza chèvre miel, Alessio.

— C'est criminel tout court de manger une pizza chèvre miel...

— Tu sais pas ce qui est bon.

Elle croque dans sa part sans plus attendre. Elle a tort. Être à ses côtés, assis sur un rivage méditerranéen avec son parfum floral, ça, c'est vachement bon.

Last WoundsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant