CHAPITRE 27

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ROXANE

Vendredi, j'ai cru m'évanouir de honte. J'ai envoyé un message à Hailey pour lui annoncer que j'avais une angine due au changement de saison, ce qui était bien évidemment un bobard. L'idée de côtoyer Loric, qu'il me regarde danser, m'était insurmontable. Je ne pouvais pas accepter qu'il me considère comme une erreur.

Lui aussi m'a évitée. Il a déplacé la prochaine séance photo afin que nous ne nous revoyions pas jusqu'à mon retour au campus, autrement dit aujourd'hui. Je regrette la vitesse à laquelle ma semaine de stage s'est écoulée. En compagnie de Lara et de nos patients à quatre pattes, mes problèmes appartiennent à un autre monde. Ce matin, la réalité me rattrape. J'ai la boule au ventre. J'ai menti à Alessio, mais pire encore, je me suis menti à moi-même.

Mes jambes flageolent comme des brins d'herbe trop grands tandis que je pousse la porte du Parangon. J'ai peur de ce qui m'attend.

— Coucou, meuf !

À peine ai-je posé un pied dans le hall que Candice me saute dessus. Je soupire, soulagée par sa présence.

— Salut.

Elle glisse une cigarette entre ses lèvres et nous nous dirigeons dans la cour, loin du brouhaha. Je lui parle de Mambo, d'Alessio qui décide de l'adopter et je décris les différentes chirurgies auxquelles j'ai assisté dans le courant de la semaine en prêtant attention aux étudiants autour de nous. Certains sont attitrés au pôle Business, d'autres au pôle Entreprise.

Le carillon de la sonnerie résonne à travers les branchages et serre mon ventre d'appréhension. Fidèle à l'élève modèle dont elle s'est juré récemment l'image, Candice entre en première dans notre salle. Loric est déjà installé à son bureau.

— Hello, Mr Ardery! « Bonjour, M. Ardery ! »roucoule mon amie. How are you today? « Comment allez-vous, aujourd'hui ? »

— Good, thank you. « Bien, merci. »

Son ton est monocorde. Je m'assois à ma table sans en dire autant. Mes mains tremblent légèrement alors que j'allume mon ordinateur. J'incline mon écran vers moi dans l'espoir qu'une barrière numérique suffira à me cacher. Nos camarades arrivent peu après et ronronnent en voyant notre professeur habillé d'un pull en cachemire gris. Dans ce matin morose, ses yeux ressortent comme deux nuages descendus du ciel, vite troublés par un cyclone nommé Eléonore. La proviseure adjointe se faufile entre les rangées et se poste à côté de Loric qui semble aussi surpris de sa visite que nous.

— Bonjour, mesdemoiselles. Navrée de vous déranger si tôt, dit-elle, le visage fermé. Cinq d'entre vous sont attendues dans le bureau de Mme Leibovici.

Elle déplie la feuille qu'elle tient entre ses mains. Candice jette un œil inquiet dans ma direction.

Qu'est-ce que c'est que ce cirque ?

— Soline Mérédis, Cybèle Vautrin, Ariane Lefèvre, Mila Valtierra et Tamara–Jade Delacroix.

Je sens mon cœur s'arrêter une fraction de seconde. Mon prénom n'a pas été cité.

— Qu'est-ce qu'il y a ? l'interroge Ariane, soucieuse.

— Rangez vos affaires et rejoignez le bâtiment administratif, s'il vous plaît.

Bien qu'elle conserve une voix douce, une tension habite Eléonore qui observe nos camarades se lever dans un silence mortuaire. Dans son dos, Loric se crispe.

— J'attends qu'elles reviennent ? s'enquiert-il.

Elle lui répond par un regard réprobateur et une saveur acide imprègne ma salive. Les filles désertent la classe. Personne n'ose bouger.

Last WoundsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant