Colère et larmes

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Pdv Biana

  Je me promène avec Dex dans le parc d'Everglen, nos pas tranquilles et légers rythmant le doux gazouillis des oiseaux.

  Mes pensées finissent par converger jusqu'au souvenir de l'aveu de ses sentiments. Je n'ai même pas dû l'appeler après cet incident assez épique. Il est venu me rendre visite de lui-même.

  Grâce à mon Éclipse, nous avons réussi à semer nos gardes du corps. Haletant et riant comme des fous, nous nous sommes effondrés contre le tronc d'un immense saule pleureur qui était pour ainsi dire le bienvenu. Notre fou-rire passé, nous nous sommes levés et avons commencé à marcher.

  Nous entrons dans la partie boisée, nous protégeant des rayons du soleil certes chaleureux mais tout de même écrasants. Nous soufflons tous les deux de soulagement en ressentant la douce caresse de cette fraîcheur nouvelle sur notre épiderme.

  — Dex ?

  — Oui ?

  — Tu comptes t'inscrire au Bureau des Unions ?

  Il rougit. Il est vraiment trop mignon. Je me sens un peu coupable. D'abord, je recrache les pâtisseries que j'ai avalées durant l'après-midi tandis qu'il me confie ses sentiments, et ensuite, je lui pose cette question assez cruciale.

  — Euh... À-à vrai dire, je ne sais pas encore. Et toi ?

  — Tout dépend de toi.

  — Tu serais prête à devenir mal-assortie ?! demande-t-il, sonné.

  — Je serais prête à tout pour toi, Dex, réponds-je.

  Ma remarque peut sembler mièvre, et c'est sans doute le cas, mais elle est pourtant honnête. Il me prouve qu'il l'a compris lorsqu'il m'adresse un sourire rayonnant qui laisse entrevoir ses fossettes.

*

  Nous sommes montés dans ma chambre, parce que mon esprit machiavélique a réussi à convaincre Dex de lui faire un petit relooking. Je suis en train d'appliquer une lotion sur son cuir chevelu lorsque quelqu'un toque à la porte, brisant le calme relaxant qui s'était installé jusque-là.

  — Qui est-ce? demande-je.

  — C'est Fitz, répond la voix de mon frère depuis le couloir. Je peux entrer?

  — Bien sûr que non.

  Je pose mon doigt sur mes lèvres pour dissuader Dex de dire quoi que ce soit.

  — Biana, je dois te parler. Laisse-moi entrer !

  — Même pas en rêve, réplique-je calmement alors que lui est en train de s'énerver. Parle-moi depuis le couloir.

  C'est une de mes plus grandes passions. Pousser mon frère à bout, jusqu'à ce qu'il me hurle dessus, alors que je reste parfaitement posée. Je sais que Fitz se met très vite en colère, et je sais également que ce sentiment pousse les gens à dire ou faire des choses qu'ils regretterons plus tard.

  — C'est important ! proteste-t-il plus fort.

  En réalité, si je ne le laisse pas entrer cette fois-ci, c'est simplement parce que je ne veux pas qu'il voie Dex. Même s'il n'en a pas l'air, je califierais volontiers mon frère d'aussi protecteur que Grady, si pas plus.

  — Tu t'es disputé avec avec Sophie?

  — Je ne me suis pas disputé !

  — Donc, ça concerne Sophie.

  Silence. Plutôt éloquent.

  Je soupire, exaspérée par ses manières enfantines.

  — Tu as besoin de mes conseils pour lui acheter un cadeau?

  Dex pouffe en silence, ce qui relève du génie.

  — Non plus.

  — Alors de quoi veux-tu me parler?

  — Je l'ai embrassée.

  Dex quitte sa chaise pour rouler sur le sol de chêne, hilare.

  — Mais pourquoi viens-tu me voir, alors? C'est une bonne nouvelle, non?

  Son silence est si interminable que je me demande s'il n'est pas parti.

  — Elle dormait.

  Dex cesse soudain de se tordre de rire. À vrai dire, je suis tout aussi choquée que lui. Ce n'est pas dans les habitudes de Fitz. D'ordinaire, il se montre plus courtois avec les filles.

  — Tu le lui as dit, au moins?

  — Non, murmure-t-il si faiblement que je faux ne pas l'entendre.

  Dans un accès de colère, sans faire attention au fait que mon frère pourrait voir Dex, j'ouvre la porte à la volée et lui colle une grande gifle.

  — COMMENT AS-TU FAIRE ÇA ?!?

  Mon frère se frotte la joue.

  — C'est justement ce que je me demande.

  Et soudain, il éclate en sanglots. Autrefois, il n'aurait jamais pleuré pour une fille. Il doit vraiment être dingue de Sophie.

  — Écoute, Fitz. Tu vas sauter à Havenfield. Ensuite tu vas lui dire. Et pour finir, tu vas me faire le plaisir de te faire pardonner !

  — Je n'oserai jamais lui dire en face.

  — Ah, non, tu ne vas pas lui écrire une lettre, tout de même? Ça, c'est pour les lâches.

  Pas de réponse.

  — Fitz, vas-y maintenant !

  — Maintenant? demande-t-il, incrédule.

  — Tu auras plus de chances de te faire pardonner si tu arrives en pleurant.

Sacrifice (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant