Réveil

103 6 5
                                    

Pdv Elwin

  — Allez, Keefe, on va essayer avec un énergisant.

  J'attrape la mâchoire de mon patient, ouvre sa bouche et y verse la demi du contenu brunâtre de ma fiole. Les lèvres de Keefe commencent à tremblotter légèrement. C'est déjà un bon début.

  — Tu sais ouvrir les yeux?

  Ses paupières se mettent à trembler également, jusqu'à ce qu'elles s'entrouvrent futilement. Aussitôt, comme si le mécanisme s'était remis en marche, il sourit et lâche :

  — Alors, mon bon docteur? Bellecoiffe vous avait manqué?

  — Enfin ! m'extasie-je, ignorant sa blague de mauvais goût. Ce n'est pas trop tôt après la bonne dizaine d'élixirs que je t'ai fait ingurgiter !

  Il se redresse, mais porte la main à son front presque instantanément.

  — J'ai mal à la tête.

  — Pas étonnant, tu es resté plus d'une semaine dans le coma et tu fais des gestes mille fois trop brusques pour ta situation. Allonge-toi, je vais te chercher un anti-douleur.

  Je fais tout de même apparaître une sphère rouge autour de son crâne en un claquement de doigts tandis qu'il s'exécute en soupirant.

  — Ton cerveau est surmené, Keefe. (Il lâche un imperceptible grognement mécontent.) C'est sans doute la raison de ton incapacité à bouger. Il a trop de choses à faire pour s'occuper de coordonner tes mouvements. L'énergisant devrait pourtant l'aider plus que ça...

  Je m'éloigne pour aller farfouiller dans mes flacons, trouvant rapidement un anti-douleur.

  — Dis-moi, Keefe, lance-je en retournant sur mes pas, fiole à la main, tu ne crois pas qu'il faudrait prévenir ton père que tu es réveillé? Je sais que le Conseil l'a tenu informé des événements de Loamnore, mais il n'a pas eu de nouvelles depuis.

  Keefe est boudeur, à présent. Il a les bras croisés, les sourcils froncés, et une petite moyé collée aux lèvres. Son surjeu me vole un petit rire. Je continue :

  — Et puis même si tu ne l'adores pas vraiment, c'est ton père, et il a le droit de savoir.

  — Est-ce qu'il est venu me rendre visite ne serait-ce qu'une fois?

  Je secoue la tête, penaud.

  — Alors il n'a pas à venir maintenant.

  Plus forte que de l'agacement, je ressens de la peine dans ses paroles.

  Je soupire.

  — Tu ne sauras pas l'éviter indéfiniment, Keefe.

  Il ne répond pas, les yeux dans le vague. Je sens bien que le sujet est clos. Il va falloir parler traitement, maintenant.

  — J'ai besoin de savoir quelque chose.

  Il me coule un regard curieux en biais.

  — Est-ce que tu ressens un changement quelconque? Ce que ta mère t'a fait subir devrait se faire ressentir, d'autant plus que d'après mon bref examen, ton cerveau est surmené.

  Il déglutit silencieusement, comme s'il ne voulait pas confier l'information qui va suivre.

  Il finit tout de même par ouvrir la bouche.

  — Sophie ne vous l'a pas dit?

  — Me dire quoi?

  Il prend une grande inspiration.

  — Je ressens vos émotions.

  Je lève un sourcil.

  — Et... qu'est-ce que je ressens, en ce moment?

  Il pousse un ricanement discret.

  — Vous êtes perplexe, voyons, mon bon docteur !

  — Oui, bon, peut-être que ça se voit à ma tête... gromelle-je.

  Keefe se met à bailler à s'en décrocher la mâchoire.

  — Il va falloir que je te trouve des énergisants plus puissants, tu est déjà fatigué, alors que tu n'es pas réveillé depuis dix minutes.

  — Mmhmm.

  Et il sombre dans le sommeil.

Sacrifice (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant