Chapitre 8

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🎵: Easier- Mansionair 

La maquilleuse tente de cacher mes cernes bleutés, la coiffeuse essaye tant bien que mal de dompter mes cheveux roux et je me concentre pour ne pas tout envoyer bouler et m'enfuir en courant loin de toute cette cérémonie. Alice se fait pomponner à mes côtés et nous nous efforçons de paraître enjouées et excitées devant le personnel alors qu'en réalité, nos coups d'œil et nos sourires sont synonymes de tristesse et de colère.

Puis je mets ma robe. La fameuse. Celle qui est censée nous faire sentir comme une princesse, comme une reine qui part rejoindre son roi. Or, dans mon cas, je m'approche plus de la reine déchue. La couturière s'affaire derrière moi, termine les dernières finitions, coupe les quelques fils qui dépassent, arrange ma traîne, lisse les plis de la soie. Les minutes sont longues, interminables, mais je redoute le moment où je vais devoir quitter cette pièce pour rejoindre l'autel. Je redoute le moment où je vais devoir marcher jusqu'à lui, au bras de mon père, croiser le regard de ma mère, celui des parents de Will, ceux de mes amis, ou des siens...

La couturière ferme la robe, la place et me complimente sur mon allure. À la fin, mes cheveux sont relevés en un chignon élégant, mon maquillage est sobre, ma bouche colorée d'un joli rosé, mon cou et mes oreilles sont ornés d'une parure de perle de culture grise, assortie à ma robe.

- Tu es incroyable, dit Alice en s'approchant.

Je lui souris. Sa robe est grise, comme la mienne, longue, mais fendue sur le côté et tenue par de fines bretelles. Le plus beau reste l'arrière : le dos nu est absolument divin et le nœud réalisé au milieu de celui-ci apporte la petite touche élégante à sa tenue. Son carré brun est parfaitement lissé et son make-up est certainement le plus beau smokey-eyes gris que je n'ai jamais vu.

- Il reste une petite heure... Will est déjà à l'église apparemment.

Le stress grimpe encore plus, mes mains sont moites, et je doute que mes jambes puissent me soutenir encore longtemps. Alice me prend la main, nous approche du mini bar de la salle et me tend un shoot de vodka. Je la regarde, les yeux ronds :

- Vraiment ?

- Vraiment. Acquiesce-t-elle.

Nous trinquons et buvons cul sec. L'organisatrice du mariage entre et nous hèle en nous prévenant qu'il va falloir partir dans quelques minutes. Mon cerveau est en ébullition, Alice me pousse vers la sortie, mais j'en suis incapable. Je ne peux pas.

- Alice... je commence, la voix tremblante.

- June, je sais... me contre-t-elle directement. Tu es morte de trouille, moi aussi, Laura aussi et pourtant elle n'est même pas là.

Des larmes me montent aux yeux, mais je les chasse en faisant de l'air pour éviter de ruiner mon maquillage. Je n'ai pas pu rajouter Laura sur la liste des invités de dernières minutes... en revanche Will a pu ajouter la famille de Sasha... connard.

- Et si je n'y arrive pas ?

Elle grogne en secouant la tête.

- Où est passée la June combattive, hargneuse et vengeresse d'il y a quelques jours ? Eh oh ? June, où es-tu ? crie-t-elle en regardant derrière moi.

Je ris et la serre dans mes bras.

- Je t'aime... murmurais-je à son oreille.

- Je sais, répond-elle en me serrant plus fort.

C'est sa manière de me dire "je t'aime aussi grosse merde". Bon... peut être pas grosse merde, mais petite merde.

- Allez... il faut y aller.

Elle prononce ces mots avec une grimace, replace une mèche derrière mon oreille, me prend par la main puis me pousse vers la sortie.

La voiture nous attend dans la rue, une limousine blanche. Évidemment, il ne fallait pas faire les choses à moitié. La wedding planeuse nous réprimande gentiment en nous disant qu'il ne faudrait pas être en retard le jour de son mariage... si elle savait ce à quoi elle va assister... Elle déchanterait immédiatement.

Le trajet jusqu'à l'église Saint-Pierre de Montmartre se passe dans le silence le plus lourd de ma vie. Ma respiration fait écho à celle d'Alice et j'ai l'impression d'étouffer dans cette cage luxueuse. J'avais demandé à Will de louer une voiture dans un style vintage, mais bien sûr, il ne m'a pas écouté. Sa mère a dû jouer un rôle primordial dans ce dur choix...

La main d'Alice tient toujours la mienne et nous ne nous lâchons pas du chemin. L'impression que ce trajet est interminable me quitte enfin lorsque je visualise l'église au bout de la rue. Comme il n'y a personne à l'extérieur, j'imagine qu'ils ont été prévenus de mon arrivée...

- Ça va aller, je suis là.

Les mots d'Alice me réconfortent un peu, car je sais qu'elle dit vrai. C'est la seule demoiselle d'honneur que j'ai souhaité avoir et c'est bien pour cette raison. Mais malgré ma colère, mon envie de me venger, ma tristesse et mon dégoût, je doute encore. Ne devrais-je pas partir tout simplement ? On dit que l'ignorance est le meilleur des mépris...

J'allais proposer l'idée à ma meilleure amie, mais la voiture s'étant déjà arrêtée au bord du trottoir laissant apercevoir mon père sur le pas de l'église a fini de m'achever. C'est résigné, mais soudainement revigoré par ma rage de lui faire payer et de l'humilier à son tour que je sors de la voiture, triomphante. Alice suit mes pas et l'organisatrice entre rapidement dans l'église pour s'installer. Mon père s'avance au bord des marches sur lesquels je monte et me tend son bras.

- Tu es magnifique ma fille. Prononce-t-il d'une voix émue.

Les larmes qui perlent dans ses yeux font monter les miennes, mais je les chasse en battant des paupières. Mon pauvre papa... je suis désolée par avance...

Alice me tapote l'épaule, me chuchote une jolie « merde à toi » à l'oreille pour me souhaiter bonne chance et la musique commence. Elle entre, les invités se lèvent, se tourne vers l'entrée de l'église et fixe leur regard sur moi. Mes jambes tremblent et je remercie le ciel d'avoir mon père à mes côtés pour me soutenir.

Je respire fortement, relève la tête et avance au bras de mon père, comme une conquérante. Je refuse de paraître faible aujourd'hui. Mon regard est fixé dans celui de Will, je ne souris pas, je ne montre rien, mon visage est impassible. Mes jambes ne tremblent plus- alléluia- la musique de la marche nuptiale résonne dans l'église et mes pas sont de plus en plus assuré. Je croise rapidement le regard d'Alice, remplie de fierté et cela me donne encore plus de courage.

Nous arrivons face à l'hôtel, je lance un sourire crispé à ma mère et à son mari, mon père embrasse ma joue, lâche ma main et part s'asseoir à l'autre bout du banc, seul.

Ça y est... c'est le moment June...

Je déglutis et ravale l'envie irrépressible de vomir. Will me prend la main et me mène jusque devant le prêtre. Alice me sourit et hoche doucement la tête. Je remarque Sasha du coin de l'œil, soudainement la haine remplace mon envie de fuir. Dis adieu à ta réputation connasse. 

The Honeymoon's rematch (Find It #1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant