Valentina Tome 1 : un monde nouveau

Chapitre 6

Plus je m'éloigne de Ian et plus les bribes de souvenirs s'accentuent... Le manque de ma mère à mon réveil après mon accident, le regard des médecins au-dessus de moi, les quelques mots que j'ai pu entendre en sortant d'anesthésie, la lourdeur de mes jambes et la douleur dans mon dos. Puis, pour finir, la souffrance que j'ai ressentie en apprenant sa mort et celle de ma très jeune sœur. Plus les années s'écoulent et moins je comprends ce qui a pu arriver ce jour-là, enfin jusqu'à ma rencontre avec Louise. Revoir Ian, du moins me rappeler son visage m'a fait un électrochoc et je m'en veux de ne pas lui avoir laissé le temps de s'expliquer. Je suis certainement passée à côté d'une information importante, pourquoi une personne, s'en serait pris à ma mère...

— Justement, je te cherchais. Me lance la voix fluette de Franziska tandis que je franchis le seuil de la cuisine, ce qui me sort de mes réflexions. Tout en me glissant un bras par-dessus mes épaules, elle m'offre un clin d'œil.
— Ah oui ? Moi qui m'imaginais que tu étais parti en quête de renards. Je la taquine.

— Moque-toi ! me dit-elle, en me poussant de sa hanche. Je te cherchais pour ton premier cours, je pourrai bientôt te faire mordre la poussière.

— De quoi parles-tu ?

Devant ma surprise, la jeune Autrichienne par d'un petit rire solaire. C'est bien la première fois que je me sens bien avec une personne que je connais seulement depuis deux jours. Étonnamment, j'ai l'impression d'être à ma place, dans ce grand château et cette sensation d'être de retour chez moi ne me quitte pas depuis que j'ai posé un pied hors de l'avion.

— C'était soit un entrainement au corps-à-corps avec moi, soit une séance avec Zofia. Je me suis dit que pour commencer, ce serait plus agréable pour toi d'être avec moi. J'ai bien ressenti ton malaise avec Zo'.

À l'idée de passer plus d'une minute avec Zofia, mes cheveux se dressent sur ma nuque. La jeune rousse est, de ce que j'ai pu voir, une femme spéciale. Elle ne sourit que rarement, voire jamais et ses yeux de vairons me transpercent l'âme dès qu'elle me fixe. De plus, j'ai toujours l'impression qu'elle veut me dévorer la gorge à chaque mot que je dis. Mais, si Franziska a remarqué ma crispation, j'espère de tout cœur que Zofia n'a rien ressenti...

— ... de ton don.

— De quoi ? Je regarde mon professeur pour la matinée avec des yeux grands ouverts.

— Tu n'as pas écouté ce que je viens de t'expliquer ? me réprimande-t-elle irriter, alors que nous bifurquons dans un long couloir sombre.

Rien qu'au son de sa voix, je sais que je n'aurais pas dû m'égarer dans mes pensées. Franziska me répète sa phrase en détachant chaque mot. Après ce qui me semble une éternité, nous nous arrêtons face à la grande porte en bois et en fer forgé, où je l'ai trouvée avant de partir dans la forêt. Les ornements complexes ressemblent à des tiges et des fleurs entremêlées, je me sens telle une petite souris devant cette immense porte. Mon professeur pour la matinée appuie sa main sur la poignée et l'ouvre en grand. Je me surprends à être déçu lorsque je n'entends pas de grincements sinistres. Mais ce sentiment me quitte rapidement en découvrant l'intérieur.

La pièce est à couper le souffle et tout est rangé au millimètre près. Sur le mur droit, j'aperçois différentes épées et dagues qui reposent sur des portants sophistiqués, des branches en fer forgé agrippant chaque arme. Elles brillent plus les unes que les autres. Au centre se situent plusieurs tatamis avec quelques mannequins dans diverses postures. L'un d'eux tient une lame fictive prêt à attaquer un assaillant imaginaire. Sur le côté gauche, je repère différents arcs attachés à la paroi dans un tourbillon de bois, plusieurs flèches de taille et de matière différentes au sol. Il me semble même en apercevoir une dans un carquois en fer où est incrustée une flamme orangée, j'ai d'ailleurs l'impression qu'il m'appelle.