En pénétrant dans la salle à manger, le détail qui m'a frappée en premier, c'est sa grosseur. Une pièce immense où trône en son centre une table massive avec des ornements plus complexes les uns que les autres et plusieurs chaises toutes habillées de spirales et de dessins taillés dans le bois. Des arabesques fines qui ressembleraient presque à des veines et des inscriptions latines dissimulées par-ci par-là. Elle est apaisante, avec sa bonne odeur de viande fumée et son papier peint crème qui illumine le parquet brun foncé.
Je suis les filles et m'installe près de Zofia. Habituellement, je prends chacun de mes repas dans ma chambre en compagnie de Ian, pour apprendre à mieux nous connaître. Cela ne m'a donc pas donné le temps d'en partager un avec mes nouvelles amies. Franziska me lance un clin d'œil en apercevant la panique que je tente de dissimuler derrière un sourire crispé. J'inspire profondément pour tâcher d'apaiser l'affolement de mon cœur. Je me concentre sur le crépitement de la cheminée, qui se trouve dans la pièce attenante et retrouve un rythme cardiaque à peu près calme pour un vampire. Du moins, jusqu'à ce que les pas du chef retentissent dans mon dos.
Il dépose une assiette devant Franziska, puis Louise avant de contourner la large table et d'installer la dernière face à moi.— Mesdemoiselles, renarde rôtie avec son jus et ses légumes verts. Mademoiselle Zofia, votre Écossais.
Nonchalamment, le cuisinier désigne un grand homme roux au regard vitreux. Les canines de mon amie sortent instantanément prêtes à le dévorer, tandis que je fais de mon mieux pour me concentrer sur mon plat de viande en sauce.
— Bon appétit. Lance-t-il avant de rejoindre ses fourneaux dans un claquement de botte.
Dès cet instant, j'ai fui les œillades des filles, de peur de les mettre mal à l'aise ou d'être prise d'un haut-le-cœur. Les seuls sons qui résonnent dans la pièce sont ceux des couverts, des conversations entre Franziska et Louise, les aspirations de Zofia et chaque lampée de Vamp dans son bol de lait. Mon champ de vision, c'est rétréci pour se concentrer uniquement sur mon assiette, remplie de viande saignante que j'ai à peine touchée. J'inspire profondément l'odeur ferreuse du sang de l'écossais et mes canines s'allongent aussitôt. Un désir incontrôlable vient chatouiller mon estomac : celui de mordre dans sa chair tendre.
Je dépose mes couverts et résiste autant que possible. N'ayant pas encore abordé ce sujet avec Ianatan et de peur que cela est un effet négatif sur ma santé, je préfère m'abstenir. À la place, je saisis mon verre rempli du plasma de la renarde qui fume dans mon assiette, le lève légèrement et en bois quelques gorgées pour essayer de calmer mes nerfs mis à rude épreuve.— N'est-ce pas Val ?
Je me tourne pour contempler Franziska, incapable de répondre à sa question puisque je n'arrive pas à me concentrer. Mon regard s'arrête malheureusement sur le cou du jeune homme qui, par malchance, est assis tout près de moi. Je déglutis péniblement en voyant son hémoglobine frais perlée du coin de la bouche de mon amie. C'en est trop pour moi, j'avale en une gorgée la fin de mon verre et quitte la table pour m'éloigner de ce tableau aussi envoutant que terrifiant. Malgré toute ma détermination, mes jambes ne me portent pas, mes yeux restent fixés sur le dîner de Zofia, et même mon corps n'arrive pas à sortir de cette trans dans laquelle me met cette odeur. Inquiètes, les filles me dévisagent et après plusieurs secondes, c'est Franziska qui prend la parole la première.
— Tout va bien ?
— Je... le sang... je bredouille en montrant le repas de notre amie.— Tu en veux ? Je suis d'humeur prêteuse aujourd'hui, tiens.
Tandis qu'elle me tend l'un des bras, comme si ce n'était rien d'autre qu'un morceau de chiffon, je me raidis et pioche dans mes dernières volontés pour ne pas craquer malgré ma salivation extrême. Je remue la tête, un mélange de non et de tremblement qui n'a aucun sens. Zofia ne doit pas remarquer mon état, car elle enchaine d'une voix guillerette :
— Tu sais, tu dois en boire de temps en temps, sinon tu ne seras jamais au maximum de tes dons Val... Je comprends que tu ne sois pas à l'aise avec ce fonctionnement et si cela te dérange de le mordre, je peux t'en verser quelques gouttes dans ton verre.
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Valentina Tome 1 : un monde nouveau
Ma cà rồngValentina jeune femme de 28 ans, paraplégique depuis 10 ans suite à un accident de voiture décide de mettre fin à ses jours. Tout aurait pu être simple, si l'ébauche de son suicide ne se serait pas passer un soir de pleine lune. C'est à ce moment...