~Chapitre 29~ (parti 2)

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Pourtant, elles survivent sous des formes inattendues durant tout le Moyen Âge et même bien au-delà de cette période, y compris dans les contes populaires.

Faute de les percevoir, en particulier, dans les littératures européennes du Moyen Âge, on s'expose à des interprétations textuelles souvent « littéraires » dans le pire sens du mot, c'est-à-dire sans profondeur historique ou culturelle, lorsqu'elles ne sont pas, tout simplement, anachroniques.

Toutefois, si le mythe est le matériau premier de la littérature médiévale, il faut pouvoir distinguer le mythe hérité (mythe ethnoreligieux) du mythe inventé par la littérature (mythe littéraire).

Ce qui frappe le plus dans l'histoire de la Chasse infernale, c'est sa variabilité, sa faculté de se fondre avec d'autres croyances, d'en tirer des éléments et de les amalgamer.

Les témoignages cités laissent entrevoir deux grands vecteurs.

D'abord, le culte des ancêtres qui favorise la fusion du thème avec la table des âmes puis le repas des fées ; ensuite, les rituels cultuels qui aboutissent aux mascarades et aux cortèges carnavalesques.

Sur ce tronc vinrent se greffer des motifs tirés de la légende du Chasseur sauvage, puis lorsque, les clercs se furent emparés de la Chasse infernale et l'eurent adaptée au dogme chrétien, d'autres éléments venus d'une création médiévale, la légende du Chasseur maudit qui n'est, somme toute, qu'une Chasse infernale en miniature, car réduite à sa plus simple expression, c'est-à-dire à un unique participant humain ; et à son tour cette légende édifiante évolue au fil des âges pour produire celles du juif errant et du vaisseau fantôme.

Cette perméabilité des traditions entre Iles repose, à notre avis, sur un fonds commun, sur une vision de l'univers commune, et la démarche intellectuelle qui se laisse entrevoir est une tentative d'explication et de maîtrise du monde dans lequel vivaient nos ancêtres.

Des témoignages vont ainsi se succéder depuis le plus Haut Moyen Âge jusqu'au début de l'ère moderne : des noms vont jalonner cette série : Orderic Vitalis et la Mesnie Hellequin, Gautier Map et le roi de Herla, le Roman de Fauvel, etc.

Il s'agit chaque fois, du reflet plus ou moins déformé de traditions encore très vivantes dans la tradition orale et donc la permanence de mythes autour de noms légendaires (Hellequin, Mannequin, Arthur, etc). Plusieurs traces peuvent être suivies : le culte des ancêtres, les rituels qui vont aboutir aux mascarades et cortèges du carnaval, la légende du chasseur maudit, ou encore celle du chasseur sauvage que les clercs vont transformer en vie de ST Hubert pour l'adapter au dogme chrétien.

C'est que le mythe primitif se déforme et que les valeurs vont s'inverser, par le bouleversement qu'occasionne le christianisme en Europe.

Les divinités tutélaires vont se retrouver rejetées du côté des puissances infernales et démoniaques tandis que les mythes qui ne pouvaient être expurgés étaient privés de sens.

Les autres étaient modifiés en fonction de la morale nouvelle, ou de la tradition biblique.

Pourtant, ils ne disparurent pas, restés bien ancrés dans l'esprit des populations rurales (« païen » dérivé de pagus, lieu, a donné paysan).

On évoque tout d'abord la redoutable contiguïté de la passion cynégétique et de la fureur diabolique et, au 19ᵉ siècle encore, il n'est de contrer dans lesquelles ne circulent d'inquiétantes histoires, de nature à renforcer ce soupçon.

Ici, en Poméranie, on murmure que les chasseurs étrangement chanceux ont en réalité passé un abominable marché : en échange de chaque pièce de gibier acquise de leur vivant, ils auraient accepté de traquer, pour le compte de Satan, une âme après leur mort.

Là, en Vendée, on assure que le sinistre « Crieur » qui conduit la chasse volante des « Grands-Bois » est un chasseur ayant conclu un pacte avec le diable pour assouvir à jamais sa passion.

Cette défiance collective trouve sa cristallisation dans l'image du diable-chasseur.

C'est en effet sous les traits d'un homme tout de vert vêtu, portant une gibecière en cuir et la tête couverte d'un chapeau avec une longue plume, que Satan apparaît régulièrement tant dans l'iconographie que dans les traditions orales. Il ne s'agit pas seulement de la représentation classique du Prince des ténèbres, le traqueur d'âmes par excellence. Dans toute l'aire alémanique, de nombreuses légendes brodent sur le motif de la funeste rencontre, au détour d'un sentier, entre un promeneur et un chasseur affable, qui est en fait le Chasseur vert.

Bertrand Hell Sang Noir Chasse Foret Et Mythe De L'Europe Sauvage En Europe.

Tout ce syncrétisme va se décliner en plusieurs histoires types, au fil du temps :

Passant de jour, comme de nuit, visible ou invisible, formée de cavaliers, de piétons ou des deux, composée de personnes, ayant un aspect normal ou bien celui de leur, dernière, heure, accompagnée d'animaux ou non, d'un chariot, la Chasse infernale reste par-delà les siècles l'une des légendes les plus singulières du Moyen Âge, un modèle d'interaction des traditions cléricales et de la mythologie populaire.

Elle nous ouvre les portes d'un imaginaire jamais en repos, qui travaille par associations, véritable quête de la connaissance de l'univers pris dans sa totalité, où ici-bas et au-delà interfèrent en permanence, où l'homme n'est donc jamais seul et échappe à l'angoisse existentielle, car il sait que des liens l'attachent au passé comme à l'avenir, sait où il va et ce qu'il deviendra, qui il rejoindra lorsqu'il aura quitté ce monde sublunaire et quelles seront ses activités.

La Chasse infernale relève de ce fait aussi de la religion, soit-elle païenne ou chrétienne, ainsi nous invite à méditer un message qui perdure dans les siècles des siècles.

Son récit relate la vision d'un certain Gauchelin, un prêtre normand qui une nuit se heurte à une « Mesnie » (En vieux français, une mesnie désigne un cortège, un équipage, un train de chasse, de valets de meute), aérienne et terrifiante, conduite par un géant nommé Hellequin (ou Herlechin).

Alors qu'il revient après avoir visité un malade, le prêtre entend venir une armée. Il veut ainsi se cacher, mais le géant armé d'une massue le contraint de rester près de lui. Passe ensuite toute une cohorte de pillards, de chevaliers noirs, armés pour la bataille, de femmes à cheval, confessant leurs turpitudes, etc.

Surnaturelle Of Love (Teen Wolf)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant