La période "M": le pot aux roses

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Finalement, début mars 1997, un coup de tonnerre déclencha une sorte de marche arrière. Un dimanche, je descendis dans la cuisine et mon père m'interpella :

« — Alors, tu fumes du haschisch, me disait-il.

— Non.

— Avoue-le, je sais très bien que tu mens !

— Mais, franchement qu'est-ce que tu inventes ?

— Ta mère a lu une lettre, et tu parles d'herbe dedans. »

La lettre en question était un brouillon d'une lettre que j'avais écrite à Sophie.

J'avouai donc que je fumais de l'herbe, mais je ne dis rien pour le reste. Par contre, quand il me demanda qui fumait, je ne lui ai rien répondu. Il m'a sorti directement les noms de Amy, Valérie, Marc et donc, par conséquent, Angélique et Bruno vu que j'étais tout le temps avec eux. Mon père, par leur comportement et façon d'être, avait directement compris que ces personnes-là n'étaient pas claires, et pourtant avant cet épisode, il ne m'en avait jamais parlé. Mes parents voulaient dénoncer Amy, Marc, Amy, Angélique et Bruno à la police (ma mère croyait même que c'était Amy qui m'avait incité à fumer du H.)

Mes parents organisèrent une rencontre avec le directeur de l'école, pour tout lui expliquer. Il voulait lui aussi que j'explique comment tout se passait dans l'école : les trafics, échanges, noms des jeunes qui fumaient. Je refusai. Je n'étais pas une balance, et je ne voulais pas m'ajouter de problèmes en plus. Si j'avais tout dit, j'aurais eu une bande sur le dos, et je ne savais pas ce qui pourrait se passer. J'en parlai quelque temps plus tard à un ami, venu faire un stage d'éducateur à l'école. Il m'expliqua que les éducs avaient fait une liste des « jeunes à problèmes, à surveiller ». On était tous dedans. Je ne suis plus sûr si c'était durant la même période, mais d'ailleurs Marc, avait souvent une voiture de police le matin, qui le suivait pour voir s'il allait bien à l'école. Quand je racontai tout cela à la bande, une sorte d'hostilité envers moi s'empara d'eux. Finalement, on ne se vit plus et on se parla à peine, lorsqu'on se croisait dans les couloirs.

Je commençais à souffrir un peu du manque, car il y a une dépendance au cannabis, mais à long terme. Je ne voulais plus voir M., je pensai que pour avoir moins mal pendant mon sevrage, il ne fallait plus que je la voie. Et pour lui annoncer cela je me suis très mal pris. Je l'insultai un jour dans le couloir, lui tombant dessus alors qu'elle venait simplement me voir un midi. Puis, je lui écrivis une lettre pour lui dire que pour ne plus souffrir, il fallait que j'arrête de la voir. Mais ma lettre était assez froide et je lui avais mis tous mes problèmes sur son dos, je dois dire que c'était ma vision des choses à ce moment-là. Je ne savais vraiment plus ce que je faisais, le manque m'avait enlevé le peu qui me restait de raison. À partir de ce moment-là, je ne parlai plus à M. On ne se disait même plus bonjour. Un jeudi, je ne pus rentrer à l'école, et je téléphonai à ma mère pour qu'elle vienne me chercher, je me sentais trop mal. On alla voir le médecin de famille. Il fit une prise de sang mais ne trouva rien du tout. Par contre, je dormis pendant trois jours sans m'arrêter.

Les vacances de Pâques arrivèrent, ainsi que le camp de patrouille. Il fut encore pire que le précédent, et tout ce qu'on a fait est arrivé aux oreilles des chefs. On a passé ces trois jours à boire comme des trous, au café ou dans la tente, et les petits nouveaux, ayant vu toute l'histoire allèrent tout raconter. Nicolas, Sébastien et moi-même nous sommes faits virer des scouts. Je m'enfonçais encore plus. Lorsque mes parents apprirent le motif de mon renvoi, ils eurent encore plus mal : alcoolisme, tabagisme et humiliation de scouts. Ce fut pour eux la goutte d'eau en trop, le vase commençait à déborder.

Mes parents voulaient que j'aille voir un psychiatre. J'étais réticent au début, mais à force de discussion, je pris assez bien la chose et acceptai. Ma première consultation se déroula le 30 avril et se passa fort bien. Mon psy était quelqu'un de très souriant, très à l'écoute. Je trouvai enfin une personne à qui parler, qui m'écoutait sans émettre le moindre jugement. Pendant plusieurs années, j'allai chez lui toutes les deux à trois semaines.

Peu après mon renvoi de chez les scouts, mon père trouva pour moi un job comme employé huit heures semaine à nouveau au magasin de Jodoigne le samedi. Leur étudiant venait tout juste de donner son préavis. Cela m'occupait puisque je n'avais plus aucune activité les week-ends, et en plus je me faisais de l'argent de poche. Je commençai à travailler au début du mois de mai, avec un contrat à durée déterminée, jusqu'au 31 décembre. C'était pratique, mais l'argent me filait entre les doigts. Bien que je ne fumais plus, tout partait en disques. La musique gardait toujours cette place importante dans ma vie. Elle me faisait toujours autant de bien, m'aidait à tenir lorsque cela n'allait pas.

Depuis que j'ai arrêté de fumer, j'ai beaucoup changé : je ne pense plus à boire, ma mentalité de « grunge » a presque complètement disparu, je porte des vêtements normaux, c'est-à-dire que je m'habille bien : petite chemise à la place de ces t-shirts de métalleux et jeans déchirés. Je ne supporte plus la drogue, qu'on m'en parle, qu'on m'en montre... Seulement, on me demande encore assez souvent pour en fournir, et chaque fois que j'entends ça j'ai envie de vomir.

Il y avait encore une autre tache d'ombre : mes parents téléphonèrent aux parents de Valérie, qui sont respectivement mes parrain et marraine, et leur annoncèrent qu'elle prenait des substances illégales. Mais moi, j'avais nié qu'elle prenait de la merde et Valérie crut pendant longtemps que je l'avais en quelque sorte dénoncée à mes procréateurs.

Mon esprit redevenant lucide, le 11 mai, je composai un poème résumant mon histoire d'amour avec M., et ensuite, je lui écrivis une lettre pour m'excuser. Elle me pardonna, on se reparla, mais la complicité entre nous disparut, c'est normal, après tout ce que je lui avais fait subir. Il faudra du temps pour réparer les pots cassés, si on arrive un jour à les réparer. Mais malgré tout ça, j'étais toujours malheureux. Je n'arrivais toujours pas à arriver au bonheur, pour moi la vie était toujours emplie de ténèbres. Je n'étais pas encore sorti de ce tunnel, qui obstruait ma vie depuis si longtemps.

Salut, moi c'est Greg [édité chez Atramenta]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant