Je me rappelle que c'était un week-end, vers la mi-août. Mes sœurs devaient être chez mon père, et ma mère s'était absentée. J'étais seul à l'appartement, à essayer d'étudier. J'ai commencé à sérieusement paniquer. Je n'arrivais plus à me concentrer. Ces questions me revenaient sans cesse, comme à Clervaux : « Et si je foirais ? ». Impossible de contenir cette sensation dans mon estomac. Le bide entièrement compressé. J'arrivais plus à respirer. Je perdis totalement le contrôle de moi-même.
Lorsque ma mère rentra, accompagnée de mon parrain, j'étais couvert de sang de la tête au pied. Je m'étais à nouveau mutilé. Je ne m'étais pas limité au bras. Mon corps comporte encore nombre de ses cicatrices : sur les jambes, sur mon bide. Heureusement que les entailles, sur le visage, n'étaient pas profondes. Ils essayèrent de me raisonner, rien n'y faisait. J'étais en pleine panique. Ma mère commença à me faire des reproches, et je me dirigeai vers la balustrade de la terrasse. Je m'apprêtai à faire un plongeon de six étages. Ce fut mon parrain qui me retint de justesse.
Ils m'emmenèrent à l'hôpital faire soigner tout cela. Mon parrain travaillait aux urgences de cet hosto-là, ce qui fait que je fus traité assez rapidement, avec une bonne grosse dose de calmants. Mais bien sûr, on ne me laissa pas sortir comme cela, bien que toutes les blessures soient désinfectées et pansées. Il fallait que je voie un psy.
Lorsqu'il arriva, il parla illico d'hospitalisation. Je me suis mis à pleurer. Je ne pouvais pas me laisser faire enfermer. Pas si prêt du but ! On lui expliqua la situation : j'étais suivi par un psy qui dépendait du même réseau universitaire que l'hôpital, que j'avais cet examen très bientôt et que certainement la pression m'avait fait craquer. Je ne sais plus avec exactitude comment cela s'est passé. Si c'est avec mon psy qu'on a eu cette solution. J'allais chez ma tante une bonne semaine, pour terminer de préparer mes examens.
Étude le matin, après-midi à picoler un peu avec le cousin et ses potes. L'horaire me convenait. Je bossais bien la matinée, et le reste de la journée, même si l'activité n'était pas spécialement saine, me permettait de me changer les idées. Le temps passa vite très vite.
La veille de l'examen, je n'arrivais pas à dormir. J'étais excité comme une puce, mais à la fois inquiet. J'avais hâte de passer tout cela, d'avoir enfin la réponse, de savoir si j'étais capable d'arriver à quelque chose.
On y était arrivé : début septembre 1999, le moment de vérité. Le moment où se jouait tout mon avenir. Malgré la dernière crise, passée quelques semaines plus tôt, j'étais assez confiant. J'avais vraiment bien étudié. J'émettais cependant des doutes pour les mathématiques, mais si je réussissais haut la main le reste, c'était bon. Par contre, il y avait un oral. Je ne sais plus s'il y avait de la matière pour celui-ci, certainement des questions sur mes lectures. Il y avait par contre toute une partie sur mes motivations à poursuivre ces études. L'oral me foutait sérieusement les jetons. Parler. J'avais vraiment difficile à m'exprimer en public, ça me faisait peur. Peur de ce que l'on allait penser de moi, peur des réactions de mes interlocuteurs et de ne pas savoir le gérer, de ne pas avoir assez de répondant (note, que pour le répondant, c'est encore un peu le cas maintenant, mais j'y reviendrai dans les annexes).
C'était bizarre. Retourner faire un examen, comme cela. Je n'avais plus l'habitude, je n'avais plus passé un examen depuis plus d'un an et demi. Je ne m'étais plus assis sur un banc depuis maintenant dix mois. J'avais du mal à cacher mon stress.
Comme prévu, l'écrit se déroula comme sur des roulettes. Mais vint l'oral. En attendant mon tour, nous étions une petite dizaine à passer cette épreuve, je tentais de garder mon calme. Ce fut à moi de passer à l'échafaud. Mini panique. Je me retrouvais face à un jury de plusieurs personnes. Malgré quelques bégaiements, je me lançai. J'expliquai un peu mon parcours, pourquoi j'avais abandonné mes études, et surtout pourquoi je voulais devenir assistant social. Bien que leurs voix, aux membres du jury étaient douces et n'émettaient aucun jugement, ils ne laissaient rien paraître. En sortant, je ne savais pas si je les avais convaincus.
L'attente était interminable. Plusieurs jours sans nouvelles. L'incertitude me rongeait. Puis un beau matin, j'eus la réponse tant attendue : J'étais admis ! J'allais pouvoir commencer à préparer mes affaires, je recevais les clés de ma chambre le dimanche soir de la même semaine !
D'un coup, la chape de plomb, toute cette incertitude s'était envolée. Je n'étais pas au bout de mes peines, je savais bien que j'aurai encore beaucoup de travail à faire sur moi-même. Mais, au fond de moi, résonnaient ces quelques mots : c'est une nouvelle vie qui commence !
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Salut, moi c'est Greg [édité chez Atramenta]
Non-FictionEst-ce que cette histoire vaut la peine d'être racontée ? Honnêtement, je n'en sais rien. Pendant des années, je pensais que ce que j'avais traversé faisait de moi quelqu'un d'extraordinaire, d'avoir une histoire hors du commun et qu'il fallait que...