Chapitre 4

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Comme à son habitude, elle était sexy, vêtue d'une jupe moulante léopard et d'un chemisier non moins moulant beige. En essayant de ne pas trébucher sur les douze centimètres qui ne lui appartenaient pas, elle arriva vers moi et me toisa.

« Gala, tu as rendez-vous avec ton chef à dix heures.

- Mieux vaut tard que jamais... lui répondis-je, un peu énervée par l'éclat que je perçus dans son regard et par son petit sourire sadique à peine dissimulé.

- Tu sais bien que le PDG est toujours très occupé, il devait voir son juriste pour des affaires de contrat.

- C'est bon signe alors ?

- Je ne sais pas. Vous êtes cinq à arriver au terme de votre CDD et tu es la première sur la liste. Je ne suis au courant de rien. »

Je savais très bien qu'elle savait mais une bonne secrétaire devait fidélité et obéissance à son boss. Je n'aurais jamais pu exercer cette profession, je n'étais pas obéissante si j'estimais que cela n'était pas justifié. Marie-Do faisait partie des rares secrétaires qui n'était pas de nature à commérer. Muette comme une tombe, elle était ultra-professionnelle mais aussi capable de venir vous casser les pieds pendant trois jours pour une virgule manquante sur un bon de commande.

« Ça fait un an que je travaille ici, ça n'est pas comme s'il n'avait pas eu le temps de réfléchir à mon sort... Je te rappelle que mon contrat se termine dans quinze jours... »

Elle haussa les épaules et fit demi-tour. Sa maîtrise du mouvement fut digne d'un mannequin de podium, compte tenu de la paire d'échasses sur laquelle elle était perchée. Je ne portais pas cette fille dans mon cœur. Elle était froide, hautaine, remarquablement bien roulée et elle se portait pour cette raison une bien trop grande estime. Heureusement, les traits de son visage n'étaient pas du tout assortis à la perfection de ses courbes, ce qui n'aurait fait qu'amplifier son complexe de supériorité.

Elle était blonde, le cheveux filasse et les yeux marrons. Rien n'était pire qu'une blonde décolorée aux yeux marrons, une blonde se devant d'avoir les yeux bleus. Et pour couronner le tout, comble de la vulgarité, elle s'était faite tatouer un trait de rouge permanent sur le contour des lèvres... Je n'avais jamais osé lui demander si c'était une erreur de jeunesse ou un choix mûrement réfléchi, j'avais trop peur de la réponse.

Je finissais de remplir le filtre à café quand j'entendis Estella arriver et poser son sac à sa place. Je me retournai pour lui dire bonjour, mais elle était déjà près de moi, à l'affût.

« Alors, tu as des nouvelles ?

- Non, mais je suis convoquée ce matin à dix heures...

- Enfin ! Depuis le temps qu'on leur pose la question ! »

Estella était aussi en situation précaire. Elle ne savait pas non plus à quelle sauce elle allait être mangée. Depuis un mois, nous harcelions tour à tour notre supérieur Cédrik, le chef de studio, pour avoir des nouvelles. Il se contentait à chaque fois de botter en touche, prétextant qu'il n'avait pas encore été informé par le Chef fondateur.

Mais une rumeur se propageait, plutôt positive. L'équipe étant une bonne équipe, personne ne voulait la voir amputée d'un ou plusieurs de ses membres. Ce qui ne nous empêchait pas de ne plus parler que de ça et d'être obnubilés au point que certains en avaient le moral au fond des chaussettes. De mon côté, ayant cerné la bassesse et la perfidie des employeurs depuis bien longtemps, je n'en étais pas à ce stade.

Après avoir bu notre café en faisant un débrief du programme télé de la veille debout dans le réduit de cuisine, nous nous mîmes au travail, un peu tendues.

À la recherche de l'homme perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant