Chapitre 2

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Le jeune homme me sourit.

« Enchanté, je suis Fabricio. »

À en juger par l'accent chantant qu'il avait mis dans la prononciation de son prénom, Fabricio parlait couramment l'espagnol. Il se leva pour me faire la bise. Il était à peu près du même âge que moi, brun, les cheveux souples et bouclés, la peau mate. Relativement petit pour un homme, il ne devait pas excéder le mètre soixante-quinze. Il était fin et musclé, sûrement sportif, et avait l'air avenant. Il me sourit de nouveau en me souhaitant la bienvenue. Je le remerciai en me rasseyant.

Je me tournai vers la femme. Elle était blonde décolorée et ses cheveux étaient coupés en un carré permanenté dont aucune mèche ne bougeait quand elle tournait la tête. Elle devait utiliser au moins une bombe de laque par jour.

« Je suis enchantée, Comtesse Augustine Beauvillé d'Argenville. »

Elle inclina légèrement la tête mais sans faire mine de bouger ou de se lever. Je notai du coin de l'œil que Fabricio avait réprimé un sourire. Je répliquai du tac au tac.

« Enchantée de même, Madame la Comtesse. Je suis Galadryel  Sarquet de la Mutraîssière. »

La réalité était beaucoup moins reluisante puisque je m'appelais Galadryel Layan. Mais si cette comtesse voulait faire le concours du plus beau nom à particule, je me prêterais volontiers à son petit jeu, je l'avais d'ores et déjà dans le pif. Ma bonne résolution de rester zen au sein de ce nouvelle environnement était tombée à l'eau. Était-il franchement utile d'étaler dès sa première phrase son curriculum vitae de descendante de la noblesse, au nez de nouveaux arrivants qui étaient là pour charrier des cailloux ? Je ne le pensais pas. Un simple Augustine aurait suffi. De son côté, cette anti-roturiers n'avait pas noté le ton sarcastique de ma réponse puisque je vis son œil se teinter d'un véritable intérêt.

« Incroyable... Je suis véritablement étonnée de retrouver ici une Sarquet de la Mutraîssière ! »

Elle devait sûrement l'être puisque je venais juste d'inventer ce nom. Je poursuivis sous les regards amusés de nos deux compagnons, qui eux avaient bien saisi mon petit manège.

« Oui, je vous l'accorde. Je suis moi-même étonnée de me découvrir un intérêt pour le bénévolat. Maman n'approuverait pas... Elle nous avait prévu des vacances à Monaco, mais tout ce faste, ce luxe... Ne trouvez-vous pas que c'est un tantinet surfait ? »

Je lui lançai un regard entendu et enchaînai.

« Mais vous, Comtesse, que faites-vous donc ici ?

- Oh, vous savez, j'ai également un intérêt pour le bénévolat... »

Je sentis un léger voile de déception dans son regard qui me fit penser qu'il y avait anguille sous roche, voire baleine sous gravillon.

« Fort bien... »

Célestin nous interrompit, voyant une gêne s'installer chez notre représentante de la haute société.

« Maintenant que les présentations sont faites, venons-en aux contingences matérielles. Le petit-déjeuner est à huit heures. Je passerai vous réveiller à sept heures trente au cas où. Toutes nos provisions sont dans un placard de la cuisine. Le nôtre est le placard Charles X, c'est le dernier sur la droite. Ils ont tous des noms de rois de France, c'est une idée des sœurs. Je crois que Sœur Anne-Sophie Marie Madeleine est férue d'histoire. D'autre part, il y a plusieurs réchauds à gaz à disposition, suffisamment pour tout le monde. De quoi faire du thé, du chocolat ou du café. Les bons jours, vous aurez droit à des croissants s'il y a des volontaires pour se lever et aller à la boulangerie du village. Sinon, ça sera biscottes, beurre et confiture. Confitures faites par les sœurs d'ailleurs. »

À la recherche de l'homme perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant