Chapitre 18

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Je traversai le couloir du bas à petit foulée, sortis et rejoignis la camionnette dans laquelle étaient déjà installées Sœur Marie Lazare et Sœur Espérance.

Cette dernière était blonde, une mèche dépassait de sa coiffe. Je n'avais jamais vu de sœur blonde non plus. Vu leur âge, elles devaient avoir déjà atteint la soixante, je me demandais comment Sœur Espérance pouvait encore avoir les cheveux de cette couleur.

Ils auraient au moins dû commencer à grisonner mais ils étaient tout aussi blonds que ceux d'Augustine, qui elle allait chez le coiffeur tous les mois. La sœur y allait-elle aussi ? Ça me parut difficile à croire. À voir leurs chaussures et leurs lunettes, des choix personnels, on se doutait qu'elles avaient d'autres chats à fouetter que de connaître les dernières tendances. 

Et puis je m'imaginais mal Sœur Espérance la tête en arrière au dessus d'un bac, en train d'écouter la coiffeuse lui raconter les derniers potins sur le trio amoureux entre la guichetière de la poste, son mari et son amant. Mais on n'était jamais à l'abri d'avoir des surprises, Augustine me l'avait déjà prouvé.

Sœur Marie Lazare, qui était au volant, démarra après s'être assurée que nous avions bouclé nos ceintures et nous prîmes la route. Elle commença à chantonner faute d'auto-radio et je regrettai amèrement le dernier album de Muse lorsque j'entendis le refrain de Dominique nique nique...

À mesure que la sœur se familiarisait avec son public, restreint mais exigeant, et qu'elle prit de l'assurance, on passa de petits chantonnements timides à un chant d'intensité supérieure, ce qui aurait pu être supportable si elle avait chanté juste. Malheureusement pour nos oreilles, l'interprète originale Sœur Sourire, comparée à notre Sainte à la fausse note, sonnait comme Maria Callas. Et non contente de nous casser les oreilles, Sœur Marie Lazare se mit en tête de battre la mesure à l'aide de la pédale d'accélérateur, nous projetant en avant à chaque mesure...

Sœur Espérance tourna la tête vers l'arrière pour me regarder et je perçus sur son visage décomposé un air tout à la fois contrit et résigné. Elle attrapa sa croix pectorale et l'embrassa, se signa rapidement, suppliant sûrement le Seigneur de leur pardonner cet outrage à la musicalité, en face duquel elle était impuissante.

Il n'était bien sûr pas question de faire remarquer à Sœur Marie Lazare que le chant nécessitait un certain talent, voire un talent certain pour être pratiqué avec maîtrise en public.

J'attrapai la poignée de la portière pour amortir les broutages de la voiture et m'affaissai sur mon siège, résignée également, en attendant silencieusement la fin de notre calvaire.

M'inquiétant des tomates qui risquaient d'en prendre un coup en étant secouées de la sorte, je jetai à mon tour un coup d'œil à l'arrière, mais tout avait heureusement été bien calé.

Dix minutes plus tard, nous étions arrivées, à mon grand soulagement.

Une bonne partie des commerçants avaient déjà pris les meilleures places et étaient en train d'installer leurs étals. L'ambiance était bon enfant, tout le monde avait l'air de se connaître. La place du marché étant déjà investie de toutes parts par des bouchers, poissonniers, primeurs et fromagers, nous prîmes une place de long d'une des maisons de ville la bordant et nous retrouvâmes à côté d'un marchand de bonbons.

Ses tables étaient recouvertes d'une toile cirée à rayures roses et blanches et chaque bac en plastique contenait un genre différent de petites douceurs. Je repérai mon péché mignon, les nounours en guimauve enrobés de chocolat, qui se trouvaient du côté opposé au nôtre. Je m'aperçus que pendant que je détaillais l'étal quasiment en état d'hypnose, fascinée par cette multitude de sucreries, le marchand en faisait de même avec moi.

À la recherche de l'homme perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant