Chapitre 8

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Le professeur d'aquabiking apparut sur le bord du bassin et à mon grand soulagement, ce n'était pas celui de l'accueil. Il était grand, les muscles très dessinés et le mollet saillant. Encore un qui devait passer tout son temps libre à soulever de la fonte... J'aurais bien poussé la méchanceté jusqu'à penser que son QI n'excédait pas celui d'un navet, mais j'avais pris de bonnes résolutions et décidé d'accorder le bénéfice du doute à quiconque se mettrait en position d'être la cible de mes sarcasmes. J'optai donc pour un QI de mollusque, le mollusque ayant un semblant de cerveau, contrairement au navet.

Ce grand gaillard était blond, les cheveux en brosse et il portait un slip de bain à propos duquel il était légitime de se demander s'il existait de nos jours des slips de bain pour hommes rembourrés. Ça existait bien pour les soutiens-gorge. Je n'eus guère le temps de pousser plus avant mon investigation car G.I. Joe prit la parole. Ou plus exactement, se mit à aboyer façon camp de redressement pour détenus mineurs américains.

« Vous êtes prêts ??? »

Je fis un bond sur mon vélo quand j'entendis tout le monde répondre en chœur et en hurlant comme s'il en allait de leurs vies.

« Oui Chef !!! »

Je regardai ma voisine, le sourcil levé et l'œil interrogatif, avec l'intention de me renseigner sur la santé psychologique de notre moniteur mais elle avait le visage fermé et était crispée sur son guidon, prête à attaquer l'exercice. On sentait que ça n'était pas le moment de la déranger...

« J'ai rien entendu !! Vous êtes prêts ??? »

Comme venant d'un seul homme, la réponse fusa, résonnant jusqu'au plafond de la piscine.

« Oui Chef !!! »

Claquant dans ses mains pour dynamiser le groupe, composé principalement de sexagénaires, il commença à donner le rythme :
« Alors c'est parti, un, deux ! On y va !! On commence à pédaler ! Vous ne pouvez pas vous tromper, c'est tout droit !!! »

Nous nous mîmes donc immédiatement en mouvement, faisant bouillonner la surface de l'eau.
G.I. Joe nous voyant pédaler à un rythme qu'il ne jugeait pas assez soutenu, crut bon d'ajouter une phrase de stimulation.

« Allez les méméres ! On remue son derrière !! »

Puis, à l'adresse de la petite dizaine d'hommes présents dans le groupe, il cria :
« Allez mes p'tites louloutes, on y va, on pédale ! Vous êtes des hommes oui ou merde ??!! »

Après dix minutes passées à nous torturer et durant lesquelles il ne nous lâcha pas du regard, il reprit.
« Achtung !! À mon signal, on change de sens ! C'est now ! »

Voilà qu'il nous jouait l'officier de la Wehrmacht qui aurait été fan de l'émission de mon enfance Popstars... Vraisemblablement, cet homme-là ne faisait pas dans la dentelle et avait des références étonnantes pour un dur à cuire. Pour enfoncer le clou, soucieux qu'il était de nous aider dans la prise de conscience de nos lacunes corporelles, il ajouta :
« Sirène ou baleine, faites vos jeux !!! »

C'était officiel, je détestais ce prof. Mais il fallait bien reconnaître que sa méthode avait du bon, on pédalait tous comme des dératés. La demi-heure qui suivit fut la pire demi-heure sportive de toute ma vie. On avait alterné le pédage en avant, en arrière, en danseuse, vite, très vite et même sans les mains. À tel point que je me demandai dans quel genre de liquide on pouvait bien baigner à présent. Un bain de sueur, c'était sûr, et pour le reste, mieux valait ne pas savoir. À la fin de la séance, j'étais épuisée mais satisfaite. Je me sentais lavée de toutes mes contrariétés et de toutes tensions physiques. C'était décidé, j'allais revenir quotidiennement en attendant mon départ.

Les jours suivants se déroulèrent sans encombres, ma motivation ne faiblissait pas et je commençais à m'habituer au dictateur qui œuvrait pour nous faire perdre notre gras. En parallèle, je me renseignais sur internet à propos du chantier auquel j'allais participer. Il s'agissait de restaurer un château dont les murs d'enceinte s'étaient effondrés par endroits. Le groupe de bénévoles serait logé dans un couvent qui se situait aux environs.

J'étais chez moi en train de visionner des photos de l'endroit quand le téléphone sonna. C'était l'association qui me confirmait mon inscription et m'informait que mon chèque allait être encaissé. Le nombre de places étant limité, les participants étaient prévenus par ordre d'admission. J'étais la dernière du groupe prévu pour cette cession de travail. J'avais de la chance pour une fois car je m'y étais prise au dernier moment. La gestionnaire allait m'envoyer par mail la liste des choses à amener et des vêtements à prendre. Peut-être pensait-elle que j'allais me présenter sur place en robe de soirée ? Ou peut-être avaient-ils déjà été confrontés à des hurluberlus...

Tout bien réfléchi, il n'était pas impossible de voir débouler une petite nana en mini-jupe et talons aiguilles, moins là pour poser des pierres et du mortier que pour se trouver un mec. Une chose était sûre, ça ne serait pas mon cas, j'avais déjà suffisamment donné dans les rendez-vous ratés. Mon prochain date allait bientôt avoir lieu et j'avais peur qu'à la vue des précédents, celui-là ne soit la goutte d'eau qui ferait déborder le vase de mes désillusions.

À la recherche de l'homme perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant