Chapitre 8

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Le lendemain matin, j'en étais toujours au même point. Je me levai en traînant car je commençais à ressentir de la fatigue physique. Je décidai de remédier au problème en allant prendre rendez-vous le soir même chez l'esthéticienne pour des soins du visage et un massage. C'était le genre de passe-temps qui me remettait toujours d'aplomb. Me faire bichonner pendant deux heures me ferait le plus grand bien. Et je pourrais en profiter pour faire un crochet par le café et tenter de répondre à Walter.

En attendant que Célestin vienne frapper à ma porte, je parcourai un magazine. Il passa accompagné de Fabricio, qui cette fois-ci était déjà sur le pied de guerre. Il n'avait vraiment pas dû apprécier de faire la vaisselle la veille. C'était parfait pour moi, je n'avais pas le courage de faire le petit-déjeuner. Je les laissai partir vers la cuisine et me dirigeai vers la salle. Je croisai Sœur Marie Lazare dans le large couloir qui traversait le bâtiment. Elle me salua avec le sourire.

« Bonjour Gala. Je ne vous avais pas vue depuis un petit moment...

- Bonjour ma Sœur. Oui, ça fait deux jours. Je suis un peu fatiguée, c'est le contrecoup de l'activité de la journée. Je ne suis plus très dynamique le soir. C'est vrai que je ne vous ai pas été d'une grande aide pour l'instant. Ni pour le potager, ni pour les confitures...

- Ne vous en faites pas, nous n'avions prévu de faire les confitures qu'aujourd'hui en fin de journée. Je vais aller cueillir les cerises en début d'après-midi avec Sœur Espérance et nous commencerons à nous en occuper dans la foulée. Êtes-vous intéressée pour vous joindre à nous ? Il faudra les équeuter et les dénoyauter. »

J'en étais quitte pour remettre ma virée au village et pour reporter la prise de mon rendez-vous, ce qui me provoqua un petit pincement au cœur.

« Bien sûr ma Sœur, vous pouvez compter sur moi. »

Dans un sens, cela me donnerait aussi plus de temps pour réfléchir. Je m'asseyais à notre table quand je vis Maïra entrer, me remarquer et venir vers moi. Je la regardai approcher. Elle était très souriante dès le matin. Je lui enviais cette capacité à être toujours de bonne humeur que je n'avais pas. J'étais plutôt d'humeur maussade mais j'espérais que ça ne se verrait pas trop. Je lui adressai un bonjour chaleureux accompagné d'un sourire mesuré.

« Bonjour Maïra...

- Bonjour... Tu connais comment je m'appelle ?

- Oui, j'ai déjà entendu parler de toi...

Son expression me fit penser qu'elle savait à qui je faisais allusion. Elle avait un accent charmant.

« Oui, moi aussi... Fabricio m'a raconté de toi... »

Maïra avait encore un peu de progrès à faire en expression orale. J'hésitai à la corriger directement, ne voulant pas la froisser. J'optai pour une méthode semi-diplomatique.

« Je crois que tu as fait une ou deux petites fautes... Est-ce que tu préfères que les gens te corrigent ?

- Oui ! Je sais que je ne dis pas bien le français...

- Ne t'en fais pas, dans quelques mois, ça ira déjà mieux. J'ai une amie étrangère qui a fait d'énormes progrès en un an seulement.

Je lui expliquai ses fautes et enchaînai.

- Je peux faire quelque chose pour toi ?

- Je voulais juste dire bonjour à toi. Fabricio m'a dit que tu es gentille pour lui.

- Merci... Je pensais qu'il m'en voudrait de ne pas avoir voulu faire la vaisselle à sa place, mais on dirait que non... » souriais-je.

J'étais étonnée de la voir venir si simplement me dire bonjour, car j'étais plutôt accoutumée aux comportements suspicieux et méfiants que j'avais l'habitude d'observer quotidiennement. J'avais déjà voyagé et avais oublié à quel point les différences culturelles s'imprégnaient dans les comportements les plus basiques. Quand on construisait des murs ici, on ouvrait des fenêtres là... Et Maïra était tout naturellement venue faire connaissance alors que je n'aurais sûrement pas fait la démarche inverse. Touchée par tant de candeur, je lui fis une proposition.

« Maïra, on a décidé de pique-niquer demain midi au lieu de revenir manger ici. Tu voudrais manger avec nous ? Je crois que ton groupe en travaille pas très loin du nôtre. Tu n'auras qu'à nous rejoindre quand tes amis rentreront...

- Oui, d'accord, c'est une bonne idée, ça mettre la bonne ambiance entre nous ! Je vais pour le petit-déjeuner, mange bien !

- Ok, merci, bon appétit à toi aussi ! »

Je lui ferais un petit cours à l'occasion.
Augustine me rejoignit quelques minutes après le départ de Maïra. Elle avait adopté la coupe que je lui avais suggéré et cela lui allait à ravir.

«  Bonjour Gala. Ça va bien ce matin

- Oui, merci, pas trop mal. Juste un peu courbaturée... Et toi ?

- Moi aussi... On va s'habituer, c'est normal les premiers jours. Au fait, je voulais te remercier pour ton idée. Tu sais que Célestin m'a fait un compliment  ? Il m'a dit que j'étais bien plus séduisante comme ça, et c'est grâce à toi.

- Super contente pour toi. Je suis complètement d'accord avec lui, il n'y a pas photo. Si tu veux, on pourra poursuivre le relooking plus loin...

- Pourquoi ? Tu penses que je m'habille mal ?

J'appliquai la tactique du sandwich, une critique entre deux compliments. Je ne savais pas à quel point elle était réceptive concernant sa garde-robe.

« Non, bien sûr... Tu as un vrai style ! Mais peut-être un peu trop sport. Le pantalon de golf, les polos, le fuseau d'hier... Tu pourrais être beaucoup plus féminine. Et ça irait à merveille avec la nouvelle jeunesse que te donnes ta coiffure !

- Oui, c'est vrai, je me sens mieux comme ça, je me sens plus libre... dit-elle en remuant la tête et en faisant voler ses boucles.

- Alors c'est déjà un grand pas.

- Je vais réfléchir à ta proposition. Sinon, est-ce que tu aurais des idées pour le pique-nique de demain ?

- J'avais bien pensé à un cake salé mais il me faudrait l'autorisation des sœurs pour utiliser le piano de cuisson... Je vais les aider pour faire la confiture ce soir, je verrai si elles sont d'accord.

- Ah ? Tu crois que je pourrais venir avec toi ?

- Bien sûr, je pense qu'elles ne seraient pas contre un peu de renfort. J'ai vu le cerisier en récupérant Fabricio l'autre fois, il croulait sous les fruits. À mon avis, on va pouvoir faire quelques kilos de confiture et des clafoutis en prime avec tout ça...

- Ça tombe bien, j'adore le clafoutis... Tiens, voilà les hommes !

En l'écoutant parler, je me dis que si nous faisions un relooking, je pourrais toujours aborder son accent snob à la faveur d'un compliment sur sa tenue.

Célestin et Fabricio nous rejoignirent à table.

- Salut Augustine ! commença Fabricio. Et voilà, le petit-déjeuner de ces dames est avancé. Heureusement que nous les hommes, on est là pour faire le boulot...

- J'en déduis que tu vas aussi faire la vaisselle après alors ?

- Ma qué non ! Je suis un homme, et les hommes ne font pas la vaisselle ! »

Il avait un vrai talent pour imiter les accents étrangers et son accent italien était vraiment comique.

« Et vous, vous faites quoi alors ? lui dis-je.

- Nous, on pense, on conçoit, on structure, on planifie...

- Et ben arrête de parler et planifie de me verser mon café alors... »



À la recherche de l'homme perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant