Chapitre 3

23 4 0
                                    

Cinq minutes plus tard, tout le monde était au garde à vous en tenue de chantier. Tenue de combat pour Augustine qui portait un treillis, un vieux T-shirt et des rangers. Cet ensemble vestimentaire et sa coupe de cheveux savamment ordonnée faisaient un mélange détonnant. Elle n'en finissait pas d'être étrange.

Nous montâmes dans la voiture et contre toute attente, au lieu de s'engager sur la route, Célestin entra dans le domaine et prit un chemin que je n'avais pas remarqué jusqu'alors, qui partait du côté de l'église et remontait le long de la rivière.

Quelques centaines de mètres plus loin, le chemin s'éloignait de la rive pour remonter vers une forêt de chênes, châtaigniers, charmes et épicéas. Après nombres de tournants, nous arrivâmes à un mur d'enceinte, qui était effectivement en très piteux état et nous nous y arrêtâmes. Il marquait le commencement d'un domaine qui montait encore sur une certaine distance vers un piton rocheux. Y trônait un petit château. Il était constitué de deux parties réunies par un chemin de ronde. Le haut des murs était crénelé. On voyait depuis le contrebas deux tours rondes aux coins du château, et deux autres à l'arrière étaient partiellement dissimulées par la perspective. De loin, l'ensemble paraissait en meilleur état que l'ouvrage que nous devions rénover.

Célestin nous entraîna vers l'intérieur de ce mur, le long duquel nous marchâmes en silence pendant une dizaine de minutes. Il était assez haut et largement effondré par endroits.

Nous arrivâmes au point où nous allions travailler. Un échafaudage était déjà installé, au pied duquel il y avait un gros tas de pierres taillées et une bétonnière. Vu l'ampleur de la tâche, je compris mieux les recommandations de Célestin concernant les périodes de repos. Il souleva une bâche sous laquelle était entreposé du sable, des sacs de ciment et trois citernes d'eau, prit une inspiration et se lança dans un grand discours.

Une heure plus tard, nous avions entendu toute la partie théorique concernant la réfection. La première mauvaise nouvelle de l'histoire était que les citernes devaient être remplies à la rivière, où l'association avait mis en place une pompe. L'autre mauvaise nouvelle, c'était qu'elles étaient quasiment vides et que Célestin allait commencer à faire le mortier avec l'eau restante pendant que nous devions redescendre remplir les deux autres à la rivière.

Nous repartîmes à trois vers la camionnette en les emportant avec nous.

« Qui veut conduire ? » demandais-je.

Fabricio répondit qu'il n'avait pas le permis et Augustine se porta volontaire alors que je l'aurais plutôt imaginée se déplaçant en chaise à porteurs. Elle prit le volant et je montai devant sans demander son avis à Fabricio, qui rechigna.

« Je suppose que c'est moi qui monte à l'arrière ?

- Exactement. Passe le permis et tu pourras monter devant. Comment ça se fait que tu ne l'aies pas encore à ton âge ?

- Je n'en ai pas besoin, je vis à Paris et je n'ai pas de place de parking avec mon appart.
- Ça se loue, les places de parking...

- Oui, je sais mais j'ai la flemme. Je préfère demander à mes potes de m'emmener quand j'en ai besoin. Et mon ex avait le permis. »

C'était exactement le genre de représentant de la gent masculine qui m'exaspérait. J'étais débrouillarde, autonome, bricoleuse, je mettais de côté pour pouvoir prendre un crédit immobilier et voilà ce à quoi j'avais droit dans ma génération : des succédanés d'hommes immatures, paresseux, avachis, nonchalants et pleurnichards. Sans parler de ceux qui portaient des jeans slims, passaient une heure le soir à se mettre de la crème anti-rides ou se cassaient un ongle en ouvrant un pot de confiture.

À la recherche de l'homme perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant